ZOUBERBUHLER, SEBASTIAN, homme d’affaires et fonctionnaire, né en 1709 ou 1710, probablement en Suisse, décédé le 31 janvier 1773 à Lunenburg, Nouvelle-Écosse.

On sait que Sebastian Zouberbuhler se trouvait en Amérique du Nord dans les années 1730. Il travailla en Caroline du Sud et au Massachusetts comme agent de Samuel Waldo*, spéculateur foncier. En 1743, les deux hommes furent reconnus coupables par un comité de la General Court of Massachusetts d’avoir négligé les protestants d’origine allemande que Waldo avait installés depuis peu dans la partie est de la colonie (aujourd’hui dans le Maine). Zouberbuhler participa à la prise de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en 1745, en qualité de capitaine dans l’unité de Waldo, le 2e régiment du Massachusetts. Pendant son séjour à la forteresse occupée, il fit le commerce du bois, du bétail et du charbon, autant pour son propre compte, semble-t-il, que pour celui de Waldo. Zouberbuhler alla s’établir à Halifax en 1749 ou 1750, après la restitution de Louisbourg à la France. En 1750, il obtint la permission d’importer à Halifax 1440 boisseaux de charbon extraits durant l’occupation. À l’automne, il se trouvait à Louisbourg où il vendit trois bateaux à des résidents français. Il y travailla aussi comme représentant de Joshua Mauger en 1749 ou 1750.

Homme intelligent et perspicace, connaissant l’anglais, le français et l’allemand, Zouberbuhler fut bientôt désigné comme un des agents du gouvernement qui devaient s’occuper des protestants étrangers de la Nouvelle-Écosse. En 1753, lui et John Creighton* reçurent du gouverneur Peregrine Thomas Hopson* la mission d’aller exercer les fonctions de magistrat à Lunenburg, nouvel établissement groupant des Allemands, des Français et des Suisses. Déjà méfiants à l’égard des autorités de Halifax, les habitants craignaient que leurs intérêts ne fussent mal défendus par des marchands et des fonctionnaires cupides. Ne parvenant pas à mettre un terme à la vaste contrebande de rhum qui envahissait le village, vraisemblablement alimentée par des gens de la Nouvelle-Angleterre, Zouberbuhler conseilla de réglementer ce trafic en autorisant l’ouverture de tavernes et la délivrance de permis pour la vente des boissons. Cette attitude déplut à un certain nombre de colons.

Zouberbuhler servit de bouc émissaire aux habitants lorsqu’ils donnèrent libre cours à leur mécontentement en décembre 1753. Le bruit courait à Lunenburg que Jean Pettrequin* possédait une lettre de Londres dans laquelle on demandait si les colons recevaient vraiment les approvisionnements que le gouvernement de la colonie avait reçu l’ordre de leur distribuer en abondance. Quelques colons, voulant s’emparer de la lettre et l’utiliser comme preuve de la corruption et de la négligence des fonctionnaires locaux, se saisirent de Pettrequin, mais celui-ci fut remis en liberté par le commandant de Lunenburg, Patrick Sutherland*, avec l’aide de Zouberbuhler et de quelques personnes. Ensuite, une bande d’émeutiers reprirent Pettrequin, l’enfermèrent dans une caserne et exigèrent le document. Effrayé, Pettrequin affirma que Zouberbuhler lui avait enlevé la lettre. Les émeutiers poursuivirent Zouberbuhler qui chercha refuge dans une autre caserne où il reçut la protection de quelques-uns des soldats de Sutherland.

Sutherland avait fait venir des renforts de Halifax ; à l’arrivée de la troupe, aux ordres de Monckton, on mena une enquête. Pettrequin déclara n’avoir jamais possédé la lettre mais en avoir reçu lecture de John William Hoffman qui l’invitait à répandre la nouvelle de son contenu. Hoffman avait occupé un poste de juge de paix auprès des protestants étrangers alors à Halifax, mais il avait été démis de ses fonctions et remplacé par Zouberbuhler. Traduit en justice à Halifax sous l’accusation d’avoir incité les gens de Lunenburg à l’émeute, Hoffman fut condamné à deux années de prison et à une amende de £100.

Si l’enquête sembla innocenter Zouberbuhler, elle ne fit peut-être pas disparaître le ressentiment dont il était l’objet. Il fut défait en 1758 lors des élections à la première chambre d’Assemblée, mais il se fit élire l’année suivante dans le canton de Lunenburg. Réélu en 1761, il fut nommé au Conseil de la Nouvelle-Écosse en 1763 par le lieutenant-gouverneur Montagu Wilmot*. Il ne participa que d’une façon irrégulière aux séances du conseil, spécialement après 1764 ; il jugeait moins important d’être assidu à cet organisme dominé par les gens de Halifax que de remplir ses fonctions de magistrat principal à Lunenburg et de s’occuper de ses propres affaires. Il fit le commerce du bois de chauffage et du bois d’œuvre dans le comté de Lunenburg. Des achats judicieux le rendirent propriétaire de plusieurs biens-fonds dans la ville de Halifax ainsi que dans le village et le comté de Lunenburg. En compagnie de l’étonnant spéculateur Alexander McNutt* et de quatre autres personnes, il obtint une concession de 125 000 acres entre le bassin d’Annapolis et la baie de Sainte-Marie, lors du boom des terres de 1765. Le Board of Trade en Angleterre rejeta un projet qui eût permis à Zouberbuhler et à d’autres conseillers de se faire concéder 20 000 acres de terre. Zouberbuhler n’obtint qu’une concession de 5 000 acres, à laquelle, d’ailleurs, il n’avait peut-être pas droit.

Ardent défenseur de l’Église établie, Zouberbuhler dirigea les efforts visant à faire nommer à Lunenburg un ministre anglican parlant l’allemand et il s’opposa à la venue des prédicateurs luthériens et calvinistes. S’intéressant aussi à l’éducation, il donna un « montant d’argent considérable » pour la construction d’une école à North West Range (North West, Nouvelle-Écosse), où s’étaient installés en grand nombre les Montbéliardais, des protestants français qui s’étaient intégrés à l’Église d’Angleterre.

Zouberbuhler mourut victime de la goutte, semble-t-il, à son domicile de Lunenburg, en 1773. Ses deux vastes concessions de terre avaient été cédées avant son décès à James Boutineau Francklin, fils de Michæl Francklin. Sa fille Catherine, Mme Silver, hérita du reste de ses biens. On annula un codicille stipulant un remboursement partiel d’une somme empruntée pendant son séjour en Caroline du Sud quand il fut jugé que le testateur, en le rédigeant, n’était pas sain d’esprit.

A. A. Mackenzie

AN, Section Outre-mer, G3, 2 041/1.— Halifax County Registry of Deeds (Halifax).— Mass., Office of the Secretary of the Commonwealth, Archives Division (Boston), Mass. archives, 15A.— Mass. Hist. Soc., Knox papers, 50 ; Waldo papers, 1743–1744.— PANS, MG 4, no 103 (notes du chanoine E. A. Harris sur les familles du comté de Lunenburg) ; MG 7, Shipping registers, Halifax ; RG 1, 164.— PRO, CO 217/13, f.83.— Royal Gazette (Halifax), 16 févr. 1773.— Directory of N.SMLAs. Beck, Government of N.S.— Bell, Foreign Protestants. Brebner, Neutral Yankees ; New England’s outpost. S. D. Clark, Church and sect in Canada (Toronto, 1948).— M. B. DesBrisay, History of the county of Lunenburg (2e éd., Toronto, 1895).— R. E. Kaulbach, Historic saga of Lehève (Lahave) (Lower Sackville, N.-É., 1971).— Murdoch, History of N.S. H. L. Osgood, The American colonies in the eighteenth century (4 vol., New York, 1924), II.

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A. A. Mackenzie, « ZOUBERBUHLER, SEBASTIAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/zouberbuhler_sebastian_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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