MARTEL DE BROUAGUE, FRANÇOIS, commandant de la côte du Labrador, négociant et armateur, né à Québec le 30 avril 1692, fils de Pierre-Gratien Martel de Brouague et de Marie-Charlotte Charest, décédé probablement en 1761.

Grâce à ses antécédents familiaux, François Martel de Brouague avait de nombreuses chances de réussir dans la carrière commerciale. À leur arrivée dans la colonie, le père et l’oncle de François, Pierre-Gratien Martel de Brouague et Raymond Martel*, s’étaient créé rapidement de bonnes relations. Son père s’était lié aux Charest et aux Bissot avec qui il eut des intérêts au Labrador ; il épousa même la fille de l’un de ses associés, Étienne Charest. De son côté, l’oncle de François, Raymond, s’associa à Augustin Le Gardeur* de Courtemanche avec qui il s’intéressa au commerce du Labrador et avec qui il acheta la seigneurie de Lachenaie.

Après le décès du père de François, sa mère, Marie-Charlotte Charest, épousa Le Gardeur de Courtemanche. En 1702 celui-ci obtenait du gouverneur Callière* et de l’intendant François de Beauharnois une concession au Labrador pour une durée de dix ans, et en 1714 le roi lui concédait la baie de Phélypeaux (baie de Brador) et le nommait commandant de la côte du Labrador. Son beau-père étant décédé en 1717, François Martel de Brouague, qui l’assistait depuis quelques années, le remplaça en janvier 1718 comme commandant. En même temps, il entreprenait la gestion du poste de la baie de Phélypeaux, au nom de sa mère et de ses demi-sœurs. L’exploitation de cette concession fut le seul dédommagement qu’il reçut pour les devoirs qu’il avait à remplir comme commandant : représentant de l’autorité royale sur la côte nord, il devait rendre justice et défendre le poste de la baie de Phélypeaux, ainsi que tous les établissements temporaires des pêcheurs français sur les côtes, contre les incursions des Esquimaux, qu’il tenta d’amadouer avec plus ou moins de succès [V. Acoutsina*]. En 1725 François Martel de Brouague passa en France pour voir à ses affaires : il y obtenait le 25 décembre 1725 un brevet du roi qui lui concédait durant son vivant les droits de sa mère sur la baie de Phélypeaux.

Le 21 février suivant, Martel épousait à Versailles Anne-Marie-Favry Du Ponceau et, le lendemain, un nouveau brevet royal venait assurer à Brouague et à sa nouvelle épouse la succession des droits de Mme de Courtemanche et de ses filles sur le poste du Labrador. De ce premier mariage, Brouague eut une fille qui vécut en France chez ses oncles maternels jusqu’à son décès en 1740 à l’âge de 14 ans. Le 15 septembre 1732, Brouague, dont la première épouse était morte vers 1730 au Labrador, convolait en secondes noces avec Louise, fille de François Mariauchau* d’Esgly, de son vivant lieutenant du roi à Trois-Rivières, et sœur de Louis-Philippe Mariauchau* d’Esgly, futur évêque de Québec. Leur contrat de mariage, passé quelques jours auparavant à Québec, reçut les signatures du gouverneur Charles de Beauharnois, de l’intendant Gilles Hocquart* et de plusieurs membres de l’élite militaire et sociale de la colonie.

Si Martel de Brouague jouissait d’un certain prestige grâce à son poste de commandant du Labrador, il n’avait pas pour autant les moyens financiers requis pour mettre sa concession de la baie de Phélypeaux pleinement en valeur. C’est pourquoi il s’associa à son cousin germain Pierre Trottier Desauniers, qui était négociant à Québec, pour exploiter la pêche du Labrador de façon plus rentable. Une première entente, signée en 1732 devant le notaire Henry Hiché, donnait à Desauniers le monopole de la fourniture du poste de Martel de Brouague et le chargeait de la mise en marché des produits de la pêche, moyennant une commission de 5 p. cent. L’acte mentionnait en outre que Brouague possédait un bâtiment qui faisait la navette entre Québec et le Labrador. Trois ans plus tard, les deux partenaires formaient une société : Desauniers fournissait 100 000# de capital en marchandises et Brouague apportait sa concession de terre ainsi que 38 000# de mise déjà investie. II était convenu que les profits et pertes seraient partagés en deux parts égales. En cinq ans, l’arrangement procura près de 28 000# de profits à Brouague qui faisait passer cet argent en France. L’association profita moins à Desauniers qu’à son cousin. Lors de la dissolution de la société en 1746, Brouague reprenait sa mise initiale de 38 000# ainsi que 93 999# 7s., pour sa part des profits, montant égal à celui que retirait Desauniers.

Durant son long commandement au Labrador, Martel de Brouague s’occupa peut-être plus souvent de commerce que de choses militaires. En effet, le ministre de la Marine, Maurepas, demandait en 1739 au gouverneur Beauharnois et à l’intendant Hocquart d’avertir Brouague de ne plus délaisser son poste ; s’il donnait « sujet a de nouvelles plaintes, le Roy y pourvoyera[it] ». En plus de son exploitation de la pêche du Labrador, Brouague fit l’acquisition de terres, entre autres le fief d’Argentenay, qu’il posséda d’abord en commun avec Desauniers. Lorsque ce dernier se prépara, en 1746, à se retirer en France, Brouague devint l’unique propriétaire du fief pour lequel il dut, trois ans plus tard, rendre foi et hommage.

François Martel de Brouague avait atteint avec les années une situation enviable. Bien que ses fils soient décédés en bas âge, ses filles firent de beaux mariages, et l’une d’entre elles, Louise, épousa Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry. Selon Pierre-Georges Roy*, Martel serait décédé à Québec le 15 mars 1761. Trois ans avant sa mort, il avait été question de le relever de son commandement au Labrador sous prétexte qu’il était « vieux et infirme », mais cette indignité lui fut épargnée.

José Igartua

AD, Yvelines (Versailles), État civil, Versailles, 21 févr. 1726.— AJQ, Registre d’état civil, Notre-Dame de Québec, 30 avril 1692, 15 sept. 1732.— AN, Col., B, 49, f.687v. ; 65, f.45v. ; 68, ff.282–283 ; 109, f.344 ; Col., C11A, 41, ff.57–63v. ; 43, ff.149–161v., 314–317v. ; 44, ff.168s. ; 51, ff.29–31 ; 54, f.185 ; 65, ff33s. ; 71, ff.7–8v. ; 74, f.58 ; 109, ff.9–32, 49–59, 64–65, 65–122v., 171–184v., 200, 261, 272–309 ; Col., D2C, 222, f.161 ; Col., E, carton 177 (dossier Brouague), ff.1–9.— ANQ, Greffe de Jacques Barbel, 29 déc. 1735 ; Greffe de Gilbert Boucault de Godefus. 20, 23 mai 1741, 7, 9 nov. 1746 ; Greffe d’Henry Hiché, 6 sept. 1732 ; AP, François Martel de Brouague ; NF, Registres du Cons. sup., 1735–1736, ff.67–71 ; 1738–1739, ff.31–32v.— APC, MG 8, A2, 36, ff.158s. ; 37, ff.54s., 157, 167v.–169 ; 39, ff.5–7, 109v.–110, 172v.–173, 177v., 178v.–179 ; MG 8, B3 ; MG 8, B6, Greffe de J.-C. Panet, 12 mars, 16 mai 1749.— François Martel de Berhouage, Brouague ou Brouage, commandant au Labrador, RAPQ, 1922–1923, 356–406 (dans la présentation des documents, l’auteur commet une erreur à propos de la première fille de Martel de Brouague  [j. i.]).— Inv. de pièces du Labrador (P.-G. Roy), I : 16s., 31s., 37s., 42–44, 124, 125, 153–155. 239–241 ; II : 68–87, 187s., 192s., 196.— Les « papiers » La Pause, RAPQ, 1933–1934, 218.— Recensement de Québec, 1744 (RAPQ), 104.— Le Jeune, Dictionnaire.— Répertoire des mariages de l’Hôpital Général de Québec (paroisse Notre-Dame-des-Anges) (1693–1961), Benoît Pontbriand, compil. (« Société canadienne de généalogie », 2, Québec, 1962).— Répertoire des mariages de Notre-Dame de Québec, Benoît Pontbriand, compil. (6 vol., Sillery, s.d.), II : 180.— P.-G. Roy, lnv. contrats de mariage, IV : 224 ; Inv. jug. et délib., 1717–1760, III : 114, 116, 126, 129, 250 ; V : 10, 51, 87, 122, 123, 165, 169, 223, 282 ; VI : 20, 24, 25.— Tanguay, Dictionnaire.— La Morandière. Hist. de la pêche française de la morue, II : 669, 714–730.— P.-G. Roy, Fils de Québec, I : 136s. ; La famille Margane de Lavaltrie, BRH, XXIII (1917) : 48–52 ; La famille Martel de Brouage, BRH, XL (1934) : 513–549.

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José Igartua, « MARTEL DE BROUAGUE, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martel_de_brouague_francois_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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