MARTEL, RAYMOND, commerçant québécois, associé d’Augustin Le Gardeur de Courtemanche dans l’exploitation du Labrador ; né en 1663, fils de Pierre Martel de Berhouague et de Jeanne de Hargon, de Bastide-Clérance en Navarre, diocèse de Bayonne, et décédé le 1er novembre 1708 à Saint-François de l’île Jésus.

On ne possède pas de documents qui fassent mention de la date de l’arrivée de Martel en Nouvelle-France. On le signale pour la première fois, en juillet 1697, à l’occasion de la signature du contrat de mariage entre Courtemanche et Marie-Charlotte Charest, veuve de son frère aîné, Pierre-Gratien Martel de Brouague. La signature de ce document marque le début d’une association qui, bien qu’elle ait donné lieu à de nombreuses complications juridiques et financières, se dénouera, en fin de compte, à la satisfaction des deux parties.

Il semble que Marie Charest, avant son remariage, ait possédé une fortune considérable, probablement héritée de son premier mari. Le 14 août 1697, elle signa une entente avec Courtemanche qui donnait à celui-ci, de même qu’à Raymond Martel, l’autorisation d’utiliser ses capitaux pour des fins d’investissement. Le 23 octobre, les deux hommes et François Provost formèrent une société commerciale dans le but de faire l’exportation des fourrures en France ; il y eut des mises de fonds considérables, mais l’entreprise fit faillite en 1700.

En 1702, les créanciers de Martel et de Courtemanche harcelèrent ceux-ci de réclamations pressantes. Martel, qui avait, semble-t-il, effectué la plupart des transactions, reçut l’ordre du Conseil souverain de produire les lettres de change et les billets couvrant les sommes dues à différents marchands de La Rochelle. Il fut incapable d’obtempérer ; aussi créanciers et débiteurs sollicitèrent-ils l’arbitrage du Conseil souverain.

Les procédures traînèrent en longueur pendant près de trois ans. Dans l’intervalle, les deux partenaires ne demeurèrent pas inactifs. Ils avaient acheté conjointement, en 1701, la seigneurie de Lachenaye de Charles Aubert de La Chesnaye et, la même année, ils entreprirent d’établir un poste de pêche et de traite sur la côte du Labrador. Bien qu’on ne sache pas qui avait conçu ce projet, c’est Martel qui, cette fois encore, s’occupa de l’organisation matérielle. Le 31 octobre 1701, il sollicita de Callière l’autorisation d’envoyer des navires et des canots au Labrador « pour apprivoiser les esquimaux fort farouches […] et voir si on ne pouvait point lier commerce avec eux ». L’année suivante, il emprunta 12 178#, pria le ministre de la Marine, Jérôme Phélypeaux, de mettre un navire à sa disposition et se vit accorder par Louis XIV des canons, des boulets et de la poudre pour le fort du Labrador.

On déposait des réclamations contre Courtemanche et Martel au même rythme que ceux-ci, surtout Martel, dépensaient. En 1703, les épouses des deux associés, probablement à l’instigation de ceux-ci, présentèrent une requête devant le Conseil souverain afin d’obtenir la séparation de biens, alléguant que les maris n’avaient pas le droit d’investir la part des épouses si, ce faisant, ils risquaient de priver la famille de ses moyens de subsistance. Les deux femmes obtinrent gain de cause et le traité de société entre Mme de Courtemanche et son mari fut déclaré nul et non avenu en vertu du fait qu’elle avait signé l’entente alors qu’elle était encore mineure.

Le 3 décembre 1702, Martel céda à Courtemanche sa part du poste du Labrador et ses droits dans les concessions de pêche et de traite. Il mettait ainsi un terme à sa participation active à l’exploitation du Labrador, mais il fut encore pendant un certain temps l’agent de Courtemanche, à Québec. Il semble qu’en échange Courtemanche lui ait cédé sa part de la seigneurie de Lachenaye car Martel en était l’unique propriétaire en 1707.

Martel, devenu seigneur, montra de nouveau son sens des affaires. Le 17 janvier 1708, il pria le lieutenant général de Montréal d’obliger ses censitaires à s’en tenir à la portion de terrain qui leur avait été concédée. Dès lors et jusqu’à sa mort, il revisa systématiquement tous les contrats et en rédigea de nouveaux quand il le jugeait nécessaire.

Martel mourut le 1er novembre 1708 ; lui survécurent sa femme, Marie-Anne Trottier, qu’il avait épousée en 1697, et ses trois enfants, Nicolas, Louise-Catherine et Pierre. Il légua à sa famille une succession lourdement obérée et, sept ans après sa mort, la seigneurie de Lachenaye fut saisie et concédée à Pierre Legardeur de Repentigny.

La place que Martel occupe dans l’histoire de la Nouvelle-France est plutôt mince quoique significative. Sa brève carrière fournit des exemples des expédients, parfois peu honnêtes, auxquels on avait souvent recours dans les transactions commerciales qui accompagnèrent l’exploration et la mise en valeur de l’Amérique du Nord française. La réussite remarquable d’hommes comme Courtemanche s’appuyait souvent sur l’audace et l’esprit d’entreprise de commerçants comme Martel.

John Bryden

AJQ, Greffe de François Genaple, 14 août 1697. — AN, Col., B, 23, ff.5052 ; Col., C11A, 19, ff.2325 ; Col., C11A, 20, f.63v. — Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), I : 118122. — G. B., Privy Council, Judicial Committee, In the matter of the boundary between the Dominion of Canada and the colony of Newfoundland in the Labrador peninsula [...] (12 vol., Londres, 19261927), VII : 3 6803 682. — Jug. et délib., IV : 913s., 922, 925, 951, 966, 990993, 998, 1 020 ; V : 5, 7, 1021, 53, 90–93, 116, 145, 274276, 283s. — A. Roy, Inv. greffes not., XVII : 23, 25, 26 ; XVIII : 348, 350 ; XIX : 25, 66, 178. — P.-G. Roy, Inv. concessions, I : 264s., 268 ; V : 173. — Tanguay, Dictionnaire, I : 414 ; V : 528s.

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John Bryden, « MARTEL, RAYMOND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/martel_raymond_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024