Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3964571
CARTWRIGHT, GEORGE, entrepreneur et auteur d’un journal, né le 12 février 1739/1740 à Marnham, Angleterre, deuxième des dix enfants de William Cartwright et d’Anne Cartwright ; décédé célibataire le 19 mai 1819 à Mansfield, tout près de Marnham.
George Cartwright naquit au sein d’une vieille famille terrienne qui, après avoir été en vue au xvie siècle, connaissait alors la gêne. Son père jouissait d’une notoriété modeste, mais bien marquée, dans le Nottinghamshire ; sa mère était la fille de George Cartwright, d’Ossington ; trois de leurs fils devaient atteindre la célébrité, dans des domaines différents. John, d’abord, poursuivit une carrière dans la marine, grâce à laquelle il fut étroitement associé aux premières entreprises de son frère George à Terre-Neuve ; plus tard, après qu’il eut démissionné pour protester contre l’obligation de participer à la guerre d’Indépendance américaine, il devint un pamphlétaire radical. Edmund, le cadet, fut chercheur et poète, fit de l’agriculture expérimentale et inventa le métier mécanique. Enfin, il y eut George.
Après avoir étudié à Newark et à la Randall’s Academy de Heath (West Yorkshire), Cartwright, âgé de 15 ou 16 ans, fut admis à titre de cadet à la Royal Military Academy de Woolwich (maintenant partie de Londres), où il passa un an. Le 6 mars 1754, il partit pour l’Inde, en compagnie d’une douzaine d’autres cadets, pour y recevoir des commissions dans l’armée, s’il se présentait des vacances. En 1755, il devint enseigne dans le 39e d’infanterie, mais, à son grand regret, il ne fut pas présent lorsque son détachement, commandé par Robert Clive, participa à la reprise du fort William (Calcutta), à la prise de Chandernagore aux mains des Français, et à la victoire de Plassey sur le nabab du Bengale. Rappelé au pays, le régiment fut stationné en Irlande, à Limerick ; Cartwright fut promu lieutenant le 2 février 1759. Au début de 1760, il accompagna le marquis de Granby en Allemagne, à titre d’aide de camp ; il servit aussi comme officier d’état-major au sein du contingent britannique aux ordres du duc de Brunswick. Il rentra en Angleterre à la fin de la guerre de Sept Ans, avec le rang de capitaine dans l’armée (qu’il avait depuis le 21 mai 1762). Accablé de dettes, il fut mis à la demi-solde.
Au printemps de 1765, Cartwright résidait en Écosse, à la fois pour vivre d’une façon économique avec sa maîtresse et son entourage, et pour « satisfaire [son] insatiable propension à la chasse ». Il passa l’hiver suivant à Londres et navigua avec son frère John pour surveiller le commerce de contrebande dans les eaux britanniques. Quand, au printemps de 1766, John fut nommé lieutenant en premier à bord du Guernsey, navire amiral du commodore Hugh Palliser*, Cartwright s’embarqua pour Terre-Neuve avec le gouverneur désigné, et il passa la saison à naviguer le long de la côte nord-est. De retour en Angleterre, il obtint le grade de capitaine dans le 37e d’infanterie, grâce à l’influence de Granby, devenu commandant en chef, et alla rejoindre son régiment à Minorque ; mais il dut rentrer chez lui en 1767, souffrant de la malaria. Au printemps de 1768, il fit un deuxième voyage à Terre-Neuve, au cours duquel il joua un rôle au sein de l’expédition que Palliser envoya à l’intérieur de l’île sous le commandement de John Cartwright pour nouer des relations amicales avec les Béothuks au lac Red Indian. Son intérêt pour la région et pour les indigènes qui y habitaient, ajouté aux perspectives d’avancement décevantes qu’offrait l’armée, amena Cartwright à se lancer dans une nouvelle carrière, comme trafiquant et entrepreneur au Labrador. En 1770, sur sa demande, il était mis à la demi-solde.
La concurrence entre les pêcheurs français et anglais, la rivalité souvent brutale entre les marchands des différentes entreprises anglaises, l’hostilité endémique entre les indigènes et les Européens, les raids de corsaires américains et les problèmes engendrés par la juridiction partagée entre les autorités de Québec et celles de Terre-Neuve, tel fut le contexte, à la fois instable et troublé, dans lequel Cartwright poursuivit pendant 16 ans son activité sur la côte. La scène de ses opérations, de 1770 à 1786, fut la partie du littoral qui va du cap Charles, où il occupait l’ancien emplacement de Nicholas Darby*, à l’inlet Hamilton. Dans les postes qu’il mit sur pied, il se lança, avec ses hommes et des sharemen, dans la pêche de la morue, du saumon et du phoque, et dans la traite des fourrures. Ses entreprises, il les organisa grâce à de nombreux accords financiers et à des associations diverses : entre autres, avec Jeremiah Coghlan* et Thomas Perkins, de Bristol, en Angleterre, et Francis Lucas*, de 1770 à 1772 ; à son propre compte, grâce à de l’argent avancé par son père en 1773 ; avec Robert et John Scott de 1773 à 1776 ; avec Benjamin Lester, de Poole, de 1783 à 1786. Il y eut de bonnes et de mauvaises années ; en 1778, par exemple, ses postes furent pillés par des corsaires américains, et ses pertes atteignirent £14 000. Il devait résulter de tout cela, et sans qu’il y fût de la faute de Cartwright lui-même, une faillite dont les causes sont notées en détail dans le journal qu’il tint pendant la plupart de ces années et qu’il publia en 1792, après son retour en Angleterre.
Ce journal contient beaucoup d’autres choses. On y trouve, en particulier, un relevé détaillé, saison par saison, de l’exploitation des ressources côtières par quelqu’un qui alliait un vif intérêt pour les entreprises avec un enthousiasme à toute épreuve pour la chasse, ce qui faisait de lui un adversaire redoutable de la nature. On y trouve aussi de fines observations sur l’histoire naturelle et la météorologie, et, par-dessus tout, le témoignage d’un esprit tenace, curieux et plein de ressources. Dans ses relations avec les indigènes du Labrador, et spécialement avec les Inuit, Cartwright fit montre d’une honnêteté qui engendra une mutuelle confiance. En 1773, il emmena une famille de cinq Inuit en Angleterre, où ils suscitèrent beaucoup d’intérêt, rencontrant le roi et des membres de la Royal Society, dont Joseph Banks, de même que James Boswell. Celui-ci fit part à Samuel Johnson, qui resta sceptique, de sa capacité de communiquer par signes avec les Inuit. Le poète Robert Southey, qui avait rencontré Cartwright en 1791, écrivit dans son Common-place book : « J’ai lu son livre en 1793 [...] Tout en cet homme respirait la force et la ténacité [...] Les annales de ses campagnes parmi les renards et les castors m’intéressèrent beaucoup plus que ne le firent jamais les exploits de Marlbro [Marlborough] ou de Frédéric [Frédéric II, roi de Prusse] ; au demeurant, j’ai trouvé dans ce livre de Cartwright une entière vérité et beaucoup de cœur : dans quelle histoire pourrais-je chercher ces qualités ? Coleridge prit un jour un exemplaire de ce volume et il fut enchanté de son étrange simplicité. » Une chose, cependant, que l’on n’a reconnue à sa juste valeur que depuis peu, c’est non seulement l’intérêt de Cartwright pour la langue inuit et pour son étude, mais aussi le fait qu’il compila un glossaire de l’anglais parlé à Terre-Neuve au xviiie siècle ; et il étudia de très près les travaux de scientifiques contemporains comme Banks, Thomas Pennant et Daniel Carl Solander – peut-être même y contribua-t-il. Quant à son seul essai dans le domaine de la poésie, Labrador : A Poetical Epistle (composé en 1784), Cartwright lui-même prévient le lecteur : « Bien que j’aie souvent dormi des nuits entières sur des montagnes aussi hautes que le fameux Parnasse, je n’ai, toutefois, jamais sommeillé sur son sommet sacré, de sorte qu’on ne doit pas s’attendre à ce que j’aie pu me réveiller poète. » Mais les historiens de la littérature canadienne se sont arrêtés avec empressement à des vers moins intéressants que les siens. Au demeurant, il est difficile de trouver, parmi les écrits du Nouveau Monde, un document du
À partir de 1787, George Cartwright vécut en Angleterre, où il avait hérité, avec son frère John, d’une partie des biens paternels. Il devait se consacrer de temps à autre aux affaires juridiques découlant de ses entreprises et de ses associations commerciales au Labrador, tout en s’efforçant de faire reconnaître des droits sur certaines propriétés côtières du Labrador. En 1793, il témoigna devant un comité de la chambre des Communes sur des affaires concernant Terre-Neuve et le Labrador. À cause de son expérience militaire, il fut nommé, pendant les guerres napoléoniennes, maître de caserne à Nottingham, où, au cours de ses dernières années, il était un personnage remarqué et populaire connu sous le surnom d’ « Old Labrador ». Bel homme à l’allure forte et robuste, et tory aux principes inflexibles, il était courtois et d’une conversation agréable. Il mourut en 1819, à l’âge de 80 ans. Trait caractéristique, il travaillait sur son lit de mort à des propositions destinées à la Hudson’s Bay Company pour l’établissement de postes de traite sur la côte du Labrador, où son nom a été donné à un établissement situé à l’entrée de la baie Sandwich.
Il existe des documents concernant des demandes faites par George Cartwright en vue de l’obtention de concessions de terre et de droits de pêche au Labrador de 1785 à 1788, aux APC, RG 1, L3L : 28. Patricia et John Cartwright, de Johannesburg, Afrique du Sud, possèdent divers documents de la famille. Voir Ingeborg Marshall, « Inventory of the Cartwright papers » (copie dactylographiée, 1979 ; copie à la Memorial Univ. of Nfld. Library, Centre for Nfld. Studies, St John’s). Cartwright est l’auteur de Captain Cartwright and his Labrador journal, C. W. Townsend, édit. (Boston, 1911) et de Journal of transactions and events, during a residence of nearly sixteen years on the coast of Labrador [...] (3 vol., Newark, Angl., 1792).
Maritime Hist. Group Arch., Cartwright name file.— DBC, 4 (biog. de Jeremiah Coghlan et de sir Hugh Palliser).— DNB (biog. de Edmund Cartwright et de John Cartwright).— C. R. Fay, Life and labour in Newfoundland (Toronto, 1956), 78–82.— W. G. Gosling, Labrador : its discovery, exploration, and development (Londres, 1910), 222–250.— J. P. Howley, The Beothucks or Red Indians the aboriginal inhabitants of Newfoundland (Cambridge, Angl., 1915 ; réimpr., Toronto, 1974, et New York, 1979), 49–54.— H. A. Innis, The cod fisheries ; the history of an international economy (éd. rev., Toronto, 1954).— A. M. Lysaght, Joseph Banks in Newfoundland and Labrador, 1766 : his diary, manuscripts and collections (Londres, et Berkeley, Calif., 1971).— The life and correspondence of Major Cartwright, F. D. Cartwright, édit. (2 vol., Londres, 1826 ; réimpr., New York, [1972]).— P. [A.] O’Flaherty, The rock observed : studies in the literature of Newfoundland (Toronto, 1979), 34–42.— Prowse, Hist. of Nfld. (1895), 598–601.— C. W. Townsend, Along the Labrador coast (Londres, 1908), 207–228.— G. M. Story, « Old Labrador» : George Cartwright, 1738–1819 », Newfoundland Quarterly (St John’s), 77 (1981–1982), no 1 : 23–31, 35.— W. H. Whiteley, « Newfoundland, Quebec, and the administration of the coast of Labrador, 1774–83 », Acadiensis (Fredericton), 6 (1976–1977), no 2 : 92–112 ; « Newfoundland, Quebec, and the Labrador merchants, 1783–1809 », Newfoundland Quarterly, 73 (1977), no 4 : 17–26.
G. M. Story, « CARTWRIGHT, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cartwright_george_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |