LA PORTE DE LOUVIGNY, LOUIS DE, lieutenant en France et au Canada, capitaine dans les troupes de la marine, commandant de forts dans l’Ouest, enseigne de vaisseau, major de Trois-Rivières et de Québec, chevalier de Saint-Louis, commandant des pays d’en haut, gouverneur de Trois-Rivières, né vers 1662 soit à Paris, soit au Mans, mort dans un naufrage le 27 août 1725.

Il était le fils de Jean de La Porte et de Françoise Faucrolle (ou Foucrelle). Il ne faut pas le confondre avec le dénommé Lussigny qui a fait partie de la garde de Buade* de Frontenac vers les années 1670, car Louvigny n’arriva en Nouvelle-France qu’en 1683. Antérieurement il avait servi pendant six ans comme officier subalterne dans le régiment de Navarre.

La colonie venait de déclarer la guerre aux Iroquois et Louvigny se distingua dans plusieurs expéditions contre ces Indiens au cours des années qui suivirent. Le gouverneur Denonville [Brisay] le remarqua très tôt, lui fit obtenir une promotion et, en 1688, le chargea d’une mission à la baie d’Hudson. L’année suivante, Frontenac revint au Canada. Presque aussitôt, il envoya Louvigny à Michillimakinac, à la tête d’un contingent de 170 hommes avec mission de remplacer Morel de La Durantaye comme commandant et de consolider le fort. Le gouverneur prétendait que ce changement dans le commandement était nécessaire afin d’empêcher les Outaouais de pactiser avec les Iroquois, mais l’intendant Bochart de Champigny n’était pas du même avis. Il déclara qu’il tenait La Durantaye pour un excellent officier qui avait la situation bien en main à Michillimakinac, tandis que l’envoyé de Frontenac avait plus d’aptitudes pour la traite des fourrures. Toujours selon l’intendant, Louvigny se serait engagé à payer la somme de 500 par année au secrétaire de Frontenac s’il obtenait le commandement du poste, ce qui expliquait la nomination. Quoi qu’il en soit, Louvigny se révéla un excellent commandant et, lorsqu’il fut relevé de son poste en 1694, à sa propre demande (il lui fallait se rendre en France pour régler des affaires de famille), Champigny et Frontenac firent tous deux son éloge.

Promu capitaine et désormais considéré comme l’un des meilleurs officiers de la colonie, Louvigny fut nommé commandant du fort Frontenac le 7 novembre 1699. Toutefois, au cours de l’hiver, il fit la traite des fourrures avec les Iroquois et permit à ses hommes d’en faire autant, violant ainsi l’édit de 1696 qui interdisait tout commerce dans les postes de l’Ouest. Cette maladresse aurait pu ruiner sa carrière. Le gouverneur de Callière le mit immédiatement aux arrêts et c’est seulement grâce à l’intervention de Champigny qu’il fut jugé par le Conseil souverain plutôt que par un conseil de guerre. Impressionné par son plaidoyer de défense et par l’intercession des Iroquois en sa faveur, le Conseil souverain choisit de ne pas rendre jugement, mais de renvoyer l’accusé en France où Louis XIV déciderait de son sort. En France, Louvigny fut relevé de son poste de major de Trois-Rivières, poste qu’on venait tout juste de lui confier, mais il ne tarda pas à rentrer de nouveau dans les bonnes grâces des autorités et, le ler juin 1703, il était nommé major de Québec.

Peu de temps après son retour en Nouvelle-France, Louvigny donna de nouvelles preuves de son habileté et de l’influence qu’il exerçait sur les Indiens. En 1705, un groupe d’Outaouais avait attaqué des chasseurs tsonnontouans près du fort Frontenac, en avait tué plusieurs et ramené d’autres en captivité à Michillimakinac. Cet incident mettait en danger la paix conclue entre les Iroquois, les Français et leurs alliés par le traité de 1701, à moins qu’on ne se hâtât d’offrir réparation aux Iroquois. Le nouveau gouverneur, Philippe de Rigaud de Vaudreuil, chargea Louvigny de se rendre à Michillimakinac pour libérer les prisonniers et ramener les Outaouais coupables à Montréal afin de les confronter avec les Tsonnontouans. Louvigny mena à bien cette mission délicate ; il sera désormais l’un des principaux lieutenants du gouverneur de Vaudreuil qui, en 1708, le recommanda pour la croix de Saint-Louis, décoration très recherchée à l’époque. Quand, en 1712, on décida de rétablir l’important poste de Michillimakinac, qui avait été abandonné par ordre royal en 1696, c’est Louvigny que l’on y nomma commandant.

Toutefois, les événements ne permirent pas à Louvigny de se rendre dans l’Ouest avant 1716, l’année même où il fut promu lieutenant de roi. Une expédition militaire contre les Renards s’imposait, car ces Indiens harcelaient sans cesse les Français et leurs alliés, ce qui nuisait considérablement au commerce des fourrures. Une première expédition organisée en 1715 avait échoué. L’année suivante, une seconde expédition, formée de quelque 400 coureurs de bois et d’un nombre à peu près égal de volontaires indiens, fut placée sous le commandement de Louvigny. Des troupes aussi peu disciplinées n’étaient pas de nature à faciliter l’entreprise – c’était d’ailleurs la raison de l’échec subi l’année précédente –, mais, avec Louvigny à sa tête, la petite armée voyagea vite et en bon ordre. Partie de Montréal, elle se rendit à Michillimakinac, puis à Détroit, pour atteindre la baie des Puants (Green Bay) où les Renards avaient établi leurs retranchements. À l’aide de sapes et de mortiers, elle ébranla les fortifications et l’ennemi se vit forcé de demander la paix. Ce fait d’armes rétablit la paix dans l’Ouest et fit une telle impression sur le roi qu’il accorda une gratification de 3 000# à Louvigny. Celui-ci était devenu un homme éminent et influent en Nouvelle-France ; il n’était plus un simple officier subalterne qui ne fait qu’exécuter les ordres. Participant maintenant aux grandes décisions, il conseilla Vaudreuil sur l’emplacement des postes qui furent érigés entre 1716 et 1721 et rédigea plusieurs mémoires importants qui traitaient de l’orientation future de la politique intérieure du pays. En 1720, le poste de commandant des pays d’en haut fut créé spécialement pour lui. Il devait se rendre tous les deux ans dans les postes, de l’Ouest pour coordonner l’action des commandants et prendre les mesures nécessaires contre le trafic de l’eau-de-vie. Toutefois, à cause du coût élevé de voyages aussi longs, il n’exerça jamais cette fonction.

En 1724, au cours d’un voyage en France, Louvigny fut nommé gouverneur de Trois-Rivières. Malheureusement il ne devait jamais occuper ce poste car le vaisseau qui le ramenait dans la colonie, le Chameau, heurta un écueil et se perdit corps et biens au large de l’île du Cap-Breton. Lui survécurent sa femme, Marie Nolan, qu’il avait épousée à Québec le 26 octobre 1684, trois filles et un garçon, six autres enfants étant morts en bas âge. Mgr de Saint-Vallier [La Croix], évêque de Québec, et le gouverneur Beauharnois* unirent leurs efforts pour demander à la cour de venir en aide à cette famille que la mort du père laissait sans ressources.

Louvigny fut un officier remarquable. Après sa mésaventure au fort Frontenac, il s’est dévoué généreusement à la cause de la Nouvelle-France. Se trouvant parmi les conseillers intimes de Vaudreuil, il fut en partie responsable de la ligne de conduite adoptée par la Nouvelle-France dans les territoires de l’Ouest durant le premier quart du xviiie siècle.

Yves F. Zoltvany

AJQ, Greffe de Pierre Duquet, 26 oct. 1684.— AN, Col., B, 13, 16, 22, 23, 25, 29, 32, 33, 34, 37, 38, 39, 42 ; Col., C11A, 8–48 ; Col., C11G, 2, 3, 4, 5, 6, 8 ; Col., D2C, 47 ; Col., F3, 6, 7, 8, 9, 10.— Charlevoix, Histoire de la N.–F.— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 ; 1928–29.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39 ; 1939–40 ; 1942–43 ; 1946–47 ; 1947–48.— Jug. et délib., IV.— Wis. State Hist. Soc. Coll., XVI.— F.–É. Audet, Les premiers établissements français au pays des Illinois ; la guerre des Renards (Paris, 1938).— Kellogg, French régime.— P.–G. Roy, La famille de La Porte de Louvigny (Lévis, 1938).— M. de Louvigny était-il protestant ? BRH, XX (1914) : 380–382.

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Yves F. Zoltvany, « LA PORTE DE LOUVIGNY, LOUIS DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/la_porte_de_louvigny_louis_de_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024