KIALA (Quiala), chef des Renards, hostile aux Français ; circa 1733–1734.

On sait très peu de chose sur Kiala. Dans les manuscrits français de la colonie, il est question de lui à quelques reprises seulement au cours des années 1733 et 1734. Toutefois, à partir de ces données fragmentaires, Louise P. Kellogg, auteur de l’ouvrage The French régime in Wisconsin and the Northwest, a déduit qu’il était un chef courageux et très influent, et le principal artisan de la ligne de conduite adoptée par sa tribu envers les Français entre les années 1720 et 1734. Elle exposa sa théorie pour la première fois dans une conférence qu’elle donna à la Wisconsin Historical Society en 1907 ; sa thèse fut par la suite acceptée par d’autres historiens qui s’intéressaient à l’histoire des Renards à l’époque du régime français.

Les Renards s’étaient séparés en deux camps après l’expédition de La Porte de Louvigny contre eux en 1716 : un premier groupe que dirigeait Ouachala se montrait sympathique aux Français et désirait rester en bonnes relations avec la Nouvelle-France ; à ce groupe s’opposait la faction guerrière qui peu à peu prit le dessus. Selon la conjecture de Louise P. Kellogg, Kiala était le chef du deuxième groupe et ce groupe s’était fixé pour but, comme plus tard Pondiac* et Tecumseh*, de réunir les tribus en une grande confédération qui s’élèverait contre la domination du territoire indien par l’homme blanc. Des tribus aussi éloignées que celles des Abénaquis, en Acadie, des Sioux, qui habitaient aux sources du Mississipi, et des Chicachas, dont le pays se situait aux frontières de la Louisiane, se seraient jointes à la confédération. Si ce projet avait réussi, déclare Kellogg, les Français auraient peut-être été chassés du Saint-Laurent, des Grands Lacs et du Mississipi.

Cette hypothèse est peu acceptable. Il est vrai qu’entre 1720 et 1730 les Renards entretinrent des pourparlers avec les Iroquois, les Chicachas et les Abénaquis (V. Nescambiouit) dans le but de consolider de vieilles alliances et d’en former de nouvelles, mais ceci ne prouve en rien l’existence d’une coalition contre les Français. Les Renards essayaient peut-être tout simplement de recruter des alliés pour la guerre qu’ils menaient contre certaines tribus de l’Ouest. Ce qui affaiblit le plus la théorie de Kellogg, c’est le silence total des gouvernements du Canada et de la Louisiane concernant une conspiration anti-française. Les hauts fonctionnaires des deux colonies, qui étaient généralement bien informés sur ce qui se passait chez les Indiens, interprétaient la situation d’une façon différente. Selon eux, les Renards faisaient la guerre dans le but d’empêcher les Français de pénétrer dans les territoires à l’ouest du lac Supérieur, où habitaient les Sioux, car les Renards craignaient que la concurrence de traiteurs européens ne réduisît grandement l’importance de leur commerce avec ces Indiens.

Trente-cinq ans d’expérience dans le service au Canada avaient appris au gouverneur Rigaud de Vaudreuil à craindre les guerres indiennes et leurs conséquences néfastes. Pour cette raison, il avait adopté une attitude de conciliation envers les Renards, mais son successeur, Charles de Beauharnois* de La Boische, résolut de les réduire par la force. Sa décision était motivée par des rumeurs selon lesquelles les Anglais complotaient dans l’Ouest, par la recrudescence des actes de violence perpétrés par les Renards et peut-être par le désir de remporter une victoire spectaculaire sur les Indiens ennemis de la Nouvelle-France dès son entrée en fonction.

En 1728, les Renards réussirent à échapper à la première armée qui, sous les ordres de Le Marchand de Lignery, fut envoyée contre eux ; mais le répit fut de courte durée. La diplomatie française était à l’œuvre dans toute l’étendue de l’Ouest et les Renards se trouvèrent bientôt encerclés par des tribus hostiles. En 1730, quelque part au sud du lac Michigan, ils subirent une écrasante défaite aux mains d’un contingent formé de 1400 Indiens de l’Ouest sous le commandement de Nicolas-Antoine Coulon de Villiers ; au cours de l’hiver de 1731–1732, une armée d’Iroquois et de Hurons venus des missions canadiennes leur infligea de lourdes pertes et une nouvelle défaite. Après ce combat, il ne leur restait plus qu’une quarantaine de guerriers et dix jeunes garçons qui se présentèrent au poste français de la baie des Puants (Green Bay), suppliant qu’on leur accorde la paix et qu’on leur laisse la vie. N’ayant pas J’autorité d’accéder à leur demande, le commandant Coulon de Villiers partit pour Montréal avec quatre Renards éminents, dont deux étaient d’anciens chefs, parmi lesquels se trouvait Kiala.

Ils trouvèrent Beauharnois sans pitié. Ces Indiens l’avaient exaspéré en freinant l’expansion de la colonie vers l’Ouest et en l’obligeant à mener une guerre onéreuse. Les conditions qu’il imposa équivalaient à l’extermination totale des Renards : les survivants de la tribu seraient ramenés au Canada pour être dispersés dans les missions et toute résistance serait punie de mort [V. Coulon de Villiers]. Kiala, que les Français considéraient comme l’instigateur de tous les méfaits commis par les Renards, devait être déporté à la Martinique ; sa femme, qui l’avait suivi jusqu’à Montréal, fut donnée aux Hurons de Lorette qui l’adoptèrent dans leur tribu.

En septembre 1734, on embarqua Kiala sur le Saint-François, en partance pour la Martinique. Beauharnois et Hocquart* écrivirent aux autorités de cette colonie : « Vous devez être prévenus que cet homme a passé pour intrépide dans sa nation, ennemie de la nôtre et qu’il le faut observer de près ». D’après ce que nous savons, le chef des Renards mourut dans cette île tropicale, où il travaillait peut-être comme esclave dans les plantations. Sa femme, plus heureuse, réussit à tromper la vigilance des Hurons et parvint sans doute à retourner dans son pays natal.

Yves F. Zoltvany

AN, Col., B, 61, Col., C11A, 47, 50, 57, 61 ; Col., C13A, 8.— Wis. State Hist. Soc. Coll., XVI, XVII.— Calendar of manuscripts in the archives of the Chicago Historical Society, RAC, 1905, I : lxix.— Alvord, Illinois country.— F.-É. Audet, Les premiers établissements français au pays des Illinois ; la guerre des Renards (Paris, 1938).— L. P. Kellogg, French régime ; The Fox Indians during the French régime, Wis. State Hist. Soc. Proc., 1907 (1908) : 142–188.

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Yves F. Zoltvany, « KIALA (Quiala) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kiala_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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