ENJALRAN, JEAN, prêtre, jésuite, missionnaire, né à Rodez, France, le 10 octobre 1639, décédé à Rodez également le 18 février 1718.

Jean Enjalran entra dans la Compagnie de Jésus à Toulouse le 18 septembre 1656. Son noviciat terminé, il enseigna à Cahors, Pamiers et Aurillac. Il étudia la théologie à Toulouse et à Tournon. Après son ordination sacerdotale, il donna des cours de philosophie à Toulouse (1673–1675) puis y fut nommé préfet des études pour l’année scolaire 1675–1676.

Enjalran débarqua à Québec le 22 juillet 1676. Peu après son arrivée, dans une longue lettre datée du 13 octobre, il décrivait la situation de la Nouvelle-France. Il passa une année à Sillery, pour étudier la langue algonquine, puis fut affecté à la mission outaouaise avec résidence à Saint-Ignace. Enjalran acquit la réputation d’expert en langue outaouaise ; son habileté lui permit d’exercer une grande influence sur les Outaouais et aussi sur les Hurons qui habitaient à la mission. En 1681, après seulement quatre ans d’expérience dans les missions, Enjalran était nommé supérieur de la mission outaouaise ; il devait le demeurer jusqu’en 1688.

Les Français érigèrent le fort Buade à Saint-Ignace en 1683 et confièrent à Olivier Morel de La Durantaye, homme très capable, le commandement de la garnison, poste qu’il conserva jusqu’en 1690. Enjalran lui fut d’un grand secours au cours de la campagne que le gouverneur Le Febvre* de La Barre mena, sans succès cependant, contre les Iroquois ; le missionnaire encouragea les Hurons et les Outaouais à prendre les armes et à servir sous les ordres de La Durantaye. Trois ans plus tard, en 1687, lorsque le gouverneur Brisay de Denonville lança une autre attaque contre les Iroquois, Enjalran joua un rôle capital en convainquant de nouveau les Outaouais et les Hurons de se joindre aux Français. Pendant cette campagne, Enjalran servit comme aumônier des forces de l’Ouest ; il fut même légèrement blessé au combat.

L’année suivante, en 1688, Enjalran passa en France. Subséquemment le nom d’Enjalran ne figure plus sur la liste annuelle des Jésuites attachés aux missions de la Nouvelle-France. Mais il est incontestablement revenu au pays et a pris ouvertement position dans la controverse qui éclata entre les Jésuites et Cadillac [Laumet] quand celui-ci voulut attirer au fort Pontchartrain (Détroit) les Outaouais et les Hurons de Saint-Ignace.

La Porte de Louvigny remplaça La Durantaye au commandement du fort Buade en 1690 ; dès lors, les missionnaires jésuites se plaignirent à maintes reprises de la mauvaise influence que les soldats du fort exerçaient sur les Indiens. La plupart des missionnaires soutenaient que les Indiens ne devaient pas être mis en contact avec les Européens avant d’être suffisamment évolués pour entrer dans la société complexe qui était celle des Européens. En outre, les Jésuites prétendaient que, parce qu’ils étaient le seul ordre religieux mandaté par l’évêque de Québec pour travailler à la conversion des Indiens, on ne devait pas permettre à d’autres communautés d’ouvrir des missions, du moins dans le voisinage de missions déjà existantes. Quand Cadillac reçut l’autorisation de fonder un poste à Détroit, il proposa de faire appel aux Récollets à titre d’aumôniers ; la population française, qu’il comptait voir s’installer autour du fort, pourrait être également confiée à leur ministère [V. Delhalle]. Pour ce qui était des Indiens, Cadillac proposa d’inviter les missionnaires jésuites de Saint-Ignace à déplacer le champ de leur travail d’évangélisation en accompagnant, leurs néophytes à Détroit.

Le père Enjalran ne partageait pas l’avis de ses confrères jésuites sur la politique de la mission. Il croyait qu’isoler les Indiens était chose impossible. Les Français devaient, selon lui, enseigner leur langue aux Indiens, les initier à leurs coutumes et les intégrer dans leur société le plus vite possible. De plus, Enjalran avait conscience de l’importance stratégique de l’établissement que Cadillac avait fondé à Détroit, et les Jésuites, croyait-il, se devaient d’y apporter l’encouragement de leur présence. La divergence d’opinions entre Enjalran et ses confrères reposant sur un point de politique, on fit appel au père Claude Dablon*, supérieur général de tous les Jésuites de Nouvelle-France, qui donna raison aux adversaires du père Enjalran et retira celui-ci du travail missionnaire.

Avant de quitter le Canada, le père Enjalran rendit un dernier service d’une grande importance. En 1700, le gouverneur de Callière le délégua, avec Le Gardeur de Courtemanche, chez les Outaouais avec mission de les inciter à assister aux pourparlers de paix qui se tiendraient à Montréal au cours de l’été de 1701. En plus d’aider à persuader les Indiens de venir à la réunion, Enjalran convainquit en outre les Outaouais de remettre deux prisonniers iroquois qu’il ramena lui-même à Montréal. Lors de la rencontre entre Callière et les tribus de l’Ouest, Enjalran servit d’interprète officiel pour le compte des Indiens. Puis il quitta le Canada peu après le 27 août 1702. Il mourut 16 ans plus tard dans sa ville natale de Rodez.

Joseph P. Donnelly, s.j.

Charlevoix, History (Shea), V : 150, 153.— Découvertes et établissements des Français (Margry), V : 207, 211s.— JR (Thwaites), LX : 104–147 ; LXI :103–147 ; LXIII : 175.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), IX, passim.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III : 511 s.

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Joseph P. Donnelly, s.j., « ENJALRAN, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/enjalran_jean_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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