JACKSON, JOHN MILLS, auteur, marchand et juge de paix, né vers 1764 à l’île Saint-Christophe (Saint Kitts-Nevis), fils du docteur Josiah Jackson et d’Elizabeth Gerrald ; il se maria et eut au moins deux fils et quatre filles ; décédé en 1836 en Angletere.
Bachelier ès arts du Balliol College d’Oxford en 1783, John Mills Jackson s’installa à l’île Saint-Vincent, où il avait une terre. Selon ses dires, il en perdit une portion « considérable » au cours du soulèvement des Indiens caraïbes en 1795. Quatre ans plus tard, il devint l’aide de camp du commandant en chef de l’île. Ensuite, il retourna en Angleterre (peut-être dans le Wiltshire), mais en 1805 il vint visiter le Bas-Canada. Il possédait dans cette province, « par droit de succession, un titre sur une vaste terre de grande valeur ». Il avait aussi des intérêts dans le Haut-Canada et acheta des terres en Angleterre avant de partir.
Arrivé à York (Toronto) en août 1806, Jackson demanda le 21 septembre une concession foncière au Conseil exécutif, car il souhaitait s’établir comme « colon permanent ». L’arpenteur général Charles Burton Wyatt considéra que c’était un « gentleman respectable ». Jackson se lia à lui ainsi qu’à Robert Thorpe, Joseph Willcocks* et William Weekes*, alors tous d’énergiques adversaires de l’exécutif provincial. C’est dans la fièvre que, d’octobre à décembre, ils firent campagne dans la circonscription de Durham, York East and Simcoe, auparavant représentée par Weekes. Thorpe gagna cette élection partielle et Jackson, qui l’avait appuyé, se trouva ainsi dans le cercle de l’opposition.
Un incident notable était survenu durant la campagne. Le 27 novembre, au cours d’un dîner bien arrosé chez Jackson, la conversation avait dévié vers la politique. Willcocks critiqua alors vertement le lieutenant-gouverneur Francis Gore* et, comme d’autres convives protestaient, Jackson, selon certains d’entre eux, traita le lieutenant-gouverneur de « damné gredin » entouré d’une « maudite clique d’Écossais », allusion à des conseillers tels que John McGill* et Thomas Scott*. Jackson alla jusqu’à dire que le Conseil exécutif et le prédécesseur de Gore, Peter Hunter*, « avaient pillé la contrée ». Indignés, quelques invités étaient partis sur cet au revoir de leur hôte : « Au diable le gouverneur et le gouvernement ; passez la bouteille. » Par la suite, on dressa des dépositions détaillées sur ces paroles dites séditieuses et on les achemina à Gore, qui était homme à punir les coupables. Finalement, Thorpe et Wyatt furent suspendus de leurs fonctions et Willcocks, démis. Le cas de Jackson était différent : son jeune frère était député au Parlement britannique, ce qui le mettait à l’abri. Selon le solliciteur général D’Arcy Boulton*, il était passible de poursuites mais, comme il était sur le point de regagner l’Angleterre, Gore dit à Boulton d’oublier l’affaire.
De retour en Angleterre au début de l’été de 1807, Jackson écrivit le 5 septembre à lord Castlereagh, secrétaire d’État aux Colonies, une lettre « concernant quelques-uns [des] griefs » qu’il avait entendus dans le Haut-Canada. Gore, qui avait craint cette éventualité, expliqua par la suite à ses supérieurs que « l’hostilité [de Jackson...] venait de ce qu’on lui a[vait] refusé une certaine étendue de terre à cause de l’irrégularité de sa conduite ». En fait, Gore avait attendu jusqu’au 24 janvier 1807, soit quatre mois après la requête de Jackson, pour informer le secrétaire aux Colonies que celui-ci demanderait peut-être une terre. Une fois Jackson parti, le Conseil exécutif rejeta sa requête parce qu’il était absent de la province.
La lettre de Jackson à Castlereagh n’était pour ainsi dire qu’un prologue. Dans un pamphlet intitulé A view of the political situation of the province of Upper Canada[...], publié à Londres en 1809, il expliquait comment les citoyens les plus « loyaux, fidèles et tenaces » étaient devenus « chagrins, asservis et irrités » au point d’être tentés par la révolte. Il énumérait une série de « procédés malavisés et tyranniques » puis, citant en exemple les sommes extravagantes que l’on dépensait pour un éléphant blanc comme la marine provinciale d’Alexander Grant*, il faisait remarquer que depuis Hunter le gouvernement haut-canadien s’était signalé par ses « dépenses ruineuses et [sa] mauvaise gestion des fonds publics ». Les griefs des Indiens des Six-Nations [V. Thayendanegea*] et des militaires ou loyalistes qui réclamaient des terres gratuites montraient bien, selon Jackson, que les autorités coloniales n’appliquaient pas fidèlement la politique de l’Empire. L’administration de la justice surtout, disait-il, était partiale. Par contre – et il concluait ainsi – Thorpe, Wyatt et Willcocks étaient des remparts de la constitution, des martyrs de la liberté. Le pamphlet de Jackson n’avait cependant rien de radical. Il demandait plutôt aux autorités impériales de redresser les torts faits dans les colonies, sans quoi on risquait d’entraver la résistance de la Grande-Bretagne au despotisme napoléonien.
En Angleterre, le pamphlet ne fit pas le moindre remous ; le comte de Moira recommanda même au prince régent de lire cet « ouvrage tout à fait intéressant ». Dans le Haut-Canada en revanche, la plupart des contre-révolutionnaires virent en l’opposition de Jackson au conseil un appel à l’insurrection. La réaction de William Dummer Powell* fut caractéristique : le pamphlet était l’œuvre d’un homme qui n’avait fait que passer dans la colonie et dont la « source de renseignements était une misérable clique d’insatisfaits [et de] mécontents ». Persuadé que le document était en fait l’œuvre de Thorpe, Gore le réfuta point par point dans une lettre à ses supérieurs. Une condamnation publique était prévisible : elle vint d’un citoyen de Kingston, Richard Cartwright*, qui publia en 1810 Letters, from an American loyalist [...]. En mars de la même année survint un épisode que William Lyon Mackenzie* allait plus tard monter en épingle : Crowell Willson et James McNabb* présentèrent à l’Assemblée une motion qui qualifiait la diatribe de Jackson de « libelle mensonger, scandaleux, séditieux et diffamatoire [...] tendant à détourner l’affection du peuple [...] et à le pousser à l’insurrection ». Malgré l’opposition de John Willson*, de Willcocks, de David McGregor Rogers* et de Peter Howard, on adopta la motion, tout comme une adresse approuvant le gouvernement de Gore et condamnant l’ouvrage de Jackson. Ces dénonciations n’eurent cependant pas de suites.
Revenu dans la province vers le mois de mai 1810, Jackson ouvrit au plus tard le 30 mai 1811 un magasin général rue Yonge, dans son domaine de Springfield Park, à trois milles au nord d’York. Ses fils se joignirent par la suite à l’entreprise. À la fin de 1811, la rumeur voulait que Jackson ait l’intention de se porter candidat aux prochaines élections générales. En 1816, il se présenta sans succès dans la circonscription d’York East. L’année suivante, il vendit son magasin, ou du moins la part qui lui appartenait. Désireux de se réinstaller dans la province, il demanda une concession de terre au conseil à la fin de 1818, mais on la lui refusa. Le conseil porta son cas à l’attention de sir Peregrine Maitland* en faisant valoir qu’il s’était « associé et identifié à une faction de gens [...] qui en raison de leur conduite [avaient] été suspendus ou démis de leurs fonctions ». Jackson était effectivement demeuré lié aux adversaires de Gore, puisqu’il s’était porté garant pour payer les frais du procès en diffamation de Thorpe contre celui-ci en 1817–1818. La requête fut soumise au secrétaire d’État aux Colonies, qui accepta de ne pas intervenir en faveur de Jackson. Furieux, ce dernier profita de l’occasion pour justifier ses actes prétendument scandaleux. Dans une lettre adressée le 29 décembre 1818 au major George Hillier, il nia l’existence d’une faction et évoqua « la violence » de l’attitude de Gore : l’ancien lieutenant-gouverneur n’avait-il pas encouru (et perdu) deux procès en diffamation, celui de Thorpe et celui de Wyatt ? Lui-même n’avait fait que demander une terre, en toute légitimité, et son « but [avait été] de convaincre calmement les ministres de Sa Majesté d’examiner et de corriger les causes de mécontentement qui existaient alors [...] et qui, chose certaine, disparaîtr[aient] sous le sage et prudent gouvernement de sir Peregrine Maitland ».
Jackson n’avait jamais versé dans le radicalisme, et la suite des événements montre que ses opinions politiques étaient aussi respectables que sa personne. Après avoir vendu en 1819 son domaine de Springfield Park et quelques autres terres, il acheta en 1828 une propriété au bord du lac Simcoe, dans le canton de Georgina, où il s’installa. Une de ses filles vivait déjà dans ce canton avec son mari. Toutes ses filles firent un bon mariage : l’une d’elles épousa un neveu du comte de Westmorland, une autre devint la femme d’Augustus Warren Baldwin*. Jackson, qui était copropriétaire du vapeur Simcoe, construit à Holland Landing, signa des adresses classiques de fidélité au gouvernement, dont l’une, en 1832, qui condamnait « les efforts que déployaient des individus turbulents, déloyaux et intéressés » pour discréditer le gouvernement de sir John Colborne*. Il était en outre l’un des sept membres du Georgina Club, dont le but était exprimé dans ce distique : « Ruiner McKenzie le menteur / Voilà ce qui nous tient à cœur. » Il n’est donc guère étonnant qu’on l’ait nommé juge de paix en 1833. Deux ans plus tard, il pressait les autorités anglicanes de construire une église dans son canton parce que le dimanche était devenu « dans les couches inférieures de la société un congé dont on profit[ait] pour commettre un grand excès de débauches ». Jackson mourut en 1836 pendant un séjour en Angleterre.
Ce que l’on a pris pour du radicalisme chez John Mills Jackson, Robert Gourlay* l’a interprété mieux que quiconque dans ce passage sur les adversaires du premier gouvernement de Gore : « jamais les principes du gouvernement [n’ont été] remis en question. Les abus du pouvoir exécutif étaient l’unique sujet de mécontentement. » Si l’on considère l’éventail des positions politiques du xviiie siècle, Jackson était à la fois un whig et un traditionaliste.
On ne trouve aucune information concernant la date et le lieu de décès de John Mills Jackson dans l’index des testaments du Wiltshire ou de celui d’Angleterre (ce dernier est disponible au PROJ. La seule référence à ces renseignements est Robertson’s land marks of Toronto, 2 : 705–706. [r. l. f.]
Le titre complet du pamphlet de Jackson paru à Londres en 1809 est A view of the political situation of the province of Upper Canada, in North America ; in which her physical capacity is stated ; the means of diminishing her burden, encreasing her value, and securing her connection to Great Britain, are fully considered.
AO, MS 88 ; MS 537 ; MU 1365, Lake Simcoe South Shore Hist. Soc., « Georgina, history of a township » (chemise de feuilles imprimées non reliées, s.d., 1972) ; RG 22, sér. 131.— APC, RG 1, L3 ; RG 5, A 1 ; RG 68, General index, 1651–1841.— MTRL, James Givins papers ; W. D. Powell papers.— PRO, CO 42/362 ; 42/365.— York North Land Registry Office (Newmarket, Ontario), Abstract index to deeds, Georgina Township (mfm aux AO).— The correspondance of George, Prince of Wales, 1770–1812, Arthur Aspinall, édit. (8 vol., Londres, 1963–1971), 6 : 399, 409.— House of Commons, 1790–1820, R. G. Thorne, édit. [5 vol., Londres, 1986], 4 : 289–290.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1911.— « Minutes of the Court of General Quarter Sessions of the Peace for the Home District, 13th Marsh, 1800, to 28th December, 1811 », AO Report, 1932.— Statistical account of U.C. (Gourlay), 2.— Town of York, 1793–1815 (Firth).— York, Upper Canada : minutes of town meetings and lists of inhabitants, 1797–1823, Christine Mosser, édit. (Toronto, 1984).— Canadian Freeman, 1832–1834.— Gleaner, and Niagara Newspaper, 1819.— Upper Canada Gazette, 1817–1819.— York Gazette, 1811.— Alumni Oxonienses ; the members of the University of Oxford, 1715–1886 [...], Joseph Foster, compil. (4 vol., Oxford, Angl., et Londres, 1888), 2 : 736.— Creighton, Empire of St. Lawrence.— Gates, Land policies of U.C.— J. E. Middleton et Fred Landon, The province of Ontario : a history, 1615–1927 (5 vol., Toronto, [1927–1928]), 1 : 148–152.— Scadding, Toronto of old (Armstrong ; 1966).— W. N. T. Wylie, « Instruments of commerce and authority : the civil courts in Upper Canada, 1789–1812 », Essays in the history of Canadian law, D. H. Flaherty, édit. (2 vol., Toronto, 1981–1983), 2 : 3–48.— G. C. Patterson, « Land settlement in Upper Canada, 1783–1840 », AO Report, 1920.— W. R. Riddell, « The legislature of Upper Canada and contempt : drastic methods of early provincial parliaments with critics », OH, 22 (1925) : 186–201.
Robert Lochiel Fraser, « JACKSON, JOHN MILLS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jackson_john_mills_7F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Lochiel Fraser |
Titre de l'article: | JACKSON, JOHN MILLS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |