WARREN, JOHN, soldat, marchand, fonctionnaire et officier de milice ; il épousa une prénommée Mary, et ils eurent au moins trois fils et une fille ; décédé en mai 1813 au fort Erie (Fort Erie, Ontario).

On connaît peu de chose de l’enfance et de la jeunesse de John Warren. Le 13 octobre 1778, Robert Mathews, adjudant dans le 8e d’infanterie, recommanda Warren, alors tambour-major du régiment, au poste de commissaire au fort Erie. Mathews notait son « extraordinaire bonne conduite depuis près de 23 ans qu’il ser[vait], [la] nombreuse famille qu’il a[vait] à sa charge, et son caractère et ses talents qui justifieraient toute recommandation en sa faveur ». Warren lui-même corrobora ces affirmations relatives à sa carrière militaire ; en 1797, dans une lettre à l’arpenteur général du Haut-Canada, David William Smith*, Warren écrit que son père avait servi le gouvernement pendant 18 ans et que lui-même avait « servi depuis l’année 1755 ».

Le premier document concernant l’activité de Warren à titre de commissaire est une lettre du 9 décembre 1779 à Francis Goring, commis qui travaillait au fort Niagara (près de Youngstown, New York) situé non loin de là, dans laquelle il se plaint des difficultés auxquelles il doit faire face : la rigueur de l’hiver et la pénurie de vêtements chauds et de munitions. En mars 1780, les conditions s’étaient améliorées et il pouvait plaisanter avec Goring : « même si vous grimpiez de votre galetas au plus haut de la grande maison, nous, gens du fort Erie, [serions] beaucoup plus hauts que n’importe quel d’entre vous, gens de Niagara ». Le commissaire était responsable de l’approvisionnement de la garnison, des contrats militaires et du transbordement des marchandises jusqu’à l’extrémité ouest du portage du Niagara. Il devait prévoir la pénurie éventuelle des principales denrées et surveillait de près les fluctuations du commerce, informant ses supérieurs militaires de l’imminence du manque de farine et de blé. Il était surtout en rapport avec deux gros fournisseurs de l’armée, Robert Hamilton, à Queenston (maintenant partie de Niagara-on-the-Lake, Ontario), et John Askin, à Detroit. Le fait que Warren fut en poste à un carrefour militaire et commercial stratégique lui permit de réussir assez bien, à partir du moment où, profitant de sa position, il se lança dans le commerce pour son propre compte. En 1796, il obtint la permission d’occuper un emplacement sur les terres réservées à l’armée et s’y construisit une demeure à charpente de bois.

À la fin des années 1780, Warren devenait, sur le plan local, un personnage de quelque importance dans les affaires publiques. Le 27 décembre 1787, son nom apparaissait sur la liste des hommes recommandés par sir John Johnson* pour des « responsabilités civiles » dans les nouveaux districts administratifs proposés, lesquels furent établis par lord Dorchester [Guy Carleton] en juillet 1788. Le 24 du même mois, Warren fut nommé juge de paix pour le district de Nassau et confirmé dans cette fonction en 1800 et en 1806 ; il reçut sa dernière commission le 8 octobre 1807. Au printemps de 1790, il fut nommé commissaire de la voirie du district. Mais sa plus haute nomination fut celle de membre du conseil des terres du district. Le 1er mai 1791, Robert Kerr* et lui se joignirent aux premiers conseillers nommés, John Butler*, Hamilton, Benjamin Pawling et Nathaniel Pettit. Warren fut de nouveau désigné, le 20 octobre 1792, au conseil des terres du comté de Lincoln, qui remplaçait le précédent conseil ; après sa nomination, il assista à 3 séances sur 14. Le conseil fut aboli par un décret du gouverneur en conseil en novembre 1794.

Le 19 octobre 1797, Warren fut nommé membre de la première commission des héritiers et légataires du district de Home, avec des hommes tels que Pawling, Pettit et Hamilton ; il fut nommé de nouveau à ce poste le 21 juillet 1800 pour le comté de Lincoln. Les preuves de ses présences sont fragmentaires, mais on sait qu’il n’assista qu’à l’une des sept sessions tenues du 1er octobre 1800 au 15 septembre 1803. La loi qui créait la commission, œuvre du juge en chef John Elmsley, visait à doter de titres officiels les terres dont la propriété n’était fondée que sur des certificats acquis « par héritage, par achat légitime ou par échange ». La formulation de ces certificats posait un problème, car rien ne permettait de disposer des terres autrement qu’en faveur des héritiers ou légataires du premier occupant. L’établissement des titres était d’une importance capitale pour les principaux marchands, tels Hamilton et Richard Cartwright, lesquels avaient acquis des certificats en règlement de lourdes dettes. Warren était favorable aux marchands. Écrivant à l’arpenteur général Smith au sujet d’une réunion de la commission, tenue le 1er mars 1798, Elmsley racontait qu’il avait dû refuser fermement à Hamilton que certaines autorisations écrites qu’il avait reçues du conseil fussent prises en considération : « Warren, du fort Erie, prit la défense [de Hamilton] ; le docteur [Robert] Kerr fit de même, mais j’ai été inexorable ; les gentlemen-farmers, tels Pawling, Tenbrook [Peter Ten Broeck] et [John] MacNabb n’ont rien dit, mais j’ai interprété leur silence comme une approbation de ma conduite. »

Warren ne semble pas, toutefois, s’être intéressé sur une grande échelle à la propriété foncière, à la manière des spéculateurs locaux comme Hamilton, William Dickson*, Robert Addison* ou encore Samuel Street. Il avait présenté des pétitions et obtenu 1 540 acres ; en 1796, il détenait, sauf pour 100 acres, des lettres patentes pour l’ensemble de ce domaine, situé dans le canton de Bertie. Le 17 juin 1800, Warren et sa femme vendirent 500 acres au prix de 632,90 $ ; le 4 décembre 1805, Warren vendit 500 acres supplémentaires. Son seul achat fut celui d’un lot de 226 acres, adjacent à ses terres, le 23 août 1804.

En 1801, l’Assemblée du Haut-Canada avait adopté une loi réglementant le commerce avec les États-Unis ; cette loi instaurait des droits de douane et désignait 11 postes frontaliers, dont le fort Erie. Le 6 août, Warren fut nommé receveur des douanes à ce dernier endroit, fonction qu’il assuma jusqu’à sa mort. La même année, Ebenezer Washburn* et Richard Beasley* avaient présenté un projet de loi autorisant la nomination d’inspecteurs de farine, de potasse et de perlasse. Nommé le 1er août, Warren fut l’un de ces inspecteurs ; il exerça ses fonctions jusqu’au 7 avril 1809, jour où il offrit sa démission à William Halton, secrétaire privé du lieutenant-gouverneur Francis Gore*, parce que son « grand âge [le] rend[ait] incapable de remplir [ses] obligations ».

Toute sa vie, Warren conserva un intérêt commun avec les marchands de Niagara. Les élections de 1800 en fournissent une illustration. L’année précédente, Hamilton et ses associés, Thomas Clark* et George Forsyth, avaient tenté d’obtenir que l’Assemblée améliorât par des routes et des canaux le portage du Niagara, les coûts des travaux devant être compensés par une augmentation des droits de péage. Un peu plus tard, David McGregor Rogers* avait présenté, à cet effet, en 1799, un projet de loi, dont l’étude fut remise à la session suivante. Entre-temps les élections furent déclenchées et rallièrent, dans la région de Niagara, tous ceux qui s’opposaient aux visées des marchands. Dans la circonscription de Lincoln, les candidats des marchands, Street et Dickson, affrontèrent Ralfe Clench* et Isaac Swayze*. Un certain nombre de marchands, dont Warren, Hamilton et James Crooks*, tentèrent de faire élire l’influent arpenteur général Smith dans la circonscription de Norfolk, Oxford and Middlesex ; et Warren de transmettre des lettres de ces derniers au marchand Thomas Welch, actif sur le plan politique, en le pressant personnellement « d’user de [son] influence en faveur [de Smith] ». Smith l’emporta, mais les candidats des marchands dans Lincoln furent défaits. À la suite d’une campagne massive, fondée sur l’envoi de requêtes, contre le projet de loi relatif au portage, dénoncé comme « monopoliste et oppressif », le projet ne revint pas sur le tapis.

Le conflit ne s’était pas encore apaisé quand, en 1806, Warren se trouva mêlé à la lutte que menait le juge Robert Thorpe* contre l’administration du lieutenant-gouverneur Gore. Le 3 octobre, Thorpe présidait aux assises de Niagara une cause civile introduite contre le juge de paix Warren par un dénommé Hawn. Ce dernier avait été emprisonné par Warren pour avoir pillé une partie de la cargaison d’un navire qui avait fait naufrage dans le lac Ontario ; il avait par la suite été remis en liberté par le juge William Dummer Powell*, lequel avait fondé sa décision sur l’« irrégularité » de l’incarcération. Au cours du procès des assises, Hawn convoqua comme témoins les vieux adversaires des marchands, Clench et Swayze, et le juge Thorpe laissa l’avocat de Hawn, William Weekes, traiter Warren d’« homme turpide en dehors de la cour et turbulent à l’intérieur ». La conduite de Warren, selon Weekes, était un exemple de la nécessité « de réduire la puissance de ces petits tyrans [les juges de paix] ». Hawn se vit accorder £100, à titre de dommages-intérêts, par le jury.

Cette façon de traiter Warren amena les juges de paix outragés, dont Hamilton, Street, Thomas Dickson* et William Claus*, à adresser une pétition à Gore, pour demander que, « à l’avenir, [les juges de paix] fussent protégés contre d’aussi injustifiables abus ». Dans une lettre particulière à Halton, Hamilton décrivit la situation de Warren « comme l’une des plus dures qui se soient jamais rencontrées parmi eux ». Hamilton craignait « que si jamais les liens de respect qui attachaient le peuple aux magistrats étaient brisés, l’ordre public et les mœurs seraient compromis ». L’exécution du jugement, dans la cause de Hawn, resta encore en suspens pendant quelques années. Elle donna lieu à des accusations de mauvaise administration, déposées par John Mills Jackson* en 1808, et fut soulevée par Gore lui-même en 1810, au nom de Warren, quand il écrivit au secrétaire d’État à la Guerre et aux Colonies, lord Liverpool, demandant l’autorisation « de payer les dommages et les dépenses auxquels M. Warren avait à faire face ». On ignore s’il fut donné suite à la requête de Gore.

Pendant nombre d’années, John Warren avait servi comme lieutenant-colonel du 3e bataillon de milice de Lincoln. La guerre de 1812 alourdit ses responsabilités de commissaire et d’officier de milice. La tension fut trop grande : le 7 avril 1813, il offrit sa démission à l’adjudant général Æneas Shaw, à cause du « rapide déclin de [sa] santé au cours des deux mois [précédents] ». Il mourut « deux ou trois jours avant les actions survenues au fort George [Niagara-on-the-Lake] », le 27 mai 1813. Ses fils Henry et John lui succédèrent dans la plupart de ses fonctions officielles.

En collaboration avec Bruce A. Parker

AO, MS 75, John Warren à Peter Russell, 12 oct. 1801 ; MU 2390, T. Ridout à S. S. Ridout, 24 janv. 1799 ; RG 1, A-I-1, 1 : 99 ; A-1-6 : 1054s. ; A-II-5, 1 : Niagara District reports, 1800–1803 ; C-I-9, 1 ; C-IV, Bertie Township, concession 1, lot 4 ; concession 2, lot 4 ; concession 3, lot 5 ; concession 4, lots 9–13 ; concession 11, lots 10–12 ; RG 4, A-I, 1 ; RG 22, ser. 134, 2 : 92s. ; ser. 6-2, Lincoln County, testament de John Warren.— APC, RG 1, L3, 523 : W3/73 ; 524 : W6/23 (mfm aux AO) ; RG 5, A1 : 3995s., 3862s., 3966s., 4859s. ; RG 9, I, B1, 1 : 294s., 297 ; RG 16, A1, 84 ; RG 19, 3751, claim 1139 ; RG 68, General index, 1651–1841 : ff.182, 249–250, 289–290, 292, 326, 408, 410, 416, 418, 525.— BL, Add. mss 21851 : 14–17 (copies aux APC).— Donly Museum, Norfolk Hist. Soc. coll., Thomas Welch papers, 1044–1045, 1476–1477, 1525–1526, 1624–1626, 1744–1745 (mfm aux APC).— MTL, U.C., Court of Common Pleas, Nassau District, minutes.— Niagara South Land Registry Office (Welland, Ontario), Abstract index to deeds, Bertie Township, 28, 63, 98, 133, 143, 153, 164, 274–278, 291–295 (mfm aux AO, GS 2794).— PRO, CO 42/350 : ff.12, 76–79, 175.— UWO, Thomas Walsh papers, John Warren à Thomas Welch, 21 juill. 1800.— Corr. of Hon. Peter Russell (Cruikshank et Hunter), 2 : 109.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 4 : 140s.— « District of Nassau : minutes and correspondence of the land board », AO Report, 1905 : 295–306.— H.-C., House of Assembly, [A bill intituled an act to amend and improve the communication by land and water between the lakes of Ontario and Erie] (Niagara [Niagara-on-the-Lake], Ontario, 1799).— [J. M. Jackson], A view of the political situation of the province of Upper Canada, in North America [...] (Londres, 1809), 11s.— John Askin papers (Quaife), 1 : 583 s., 587 ; 2 : 42, 289s., 360, 756.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1909 : 104, 106s., 110s., 114, 135s., 139.— Loyal and Patriotic Soc. of U.C., Report, with an appendix, and a list of subscribers and benefactors (Montréal, 1817), 382.— « Notes on land tenure in Canada to A.D. 1800 », AO Report, 1905 : xcii, cviii.— « Records of Niagara [...] », E. A. Cruikshank, édit., Niagara Hist. Soc., [Pub.], 39 (s.d.) : 119 ; 40 (s.d.) : 62 ; 41 (1930) : 113 ; 42 (1931) : 50 ; 44 (1939) : 30.— Janet Carnochan, « United Empire loyalists », Niagara Hist. Soc., [Pub.], 37 (1925) : 13.— E. A. Cruikshank, « The old fort at Fort Erie », Welland County Hist. Soc., Papers and Records (Welland), 5 (1938) : 96s.— « The settlement of the township of Fort Erie, now known as the township of Bertie : an attempt at a Domesday Book », E. A. Cruikshank, compil., Welland County Hist. Soc., Papers and Records, 5 (1938) : 30–32, 35, 80s.

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En collaboration avec Bruce A. Parker, « WARREN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/warren_john_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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