HOWARD, PETER, fermier, homme d’affaires, homme politique, juge de paix, fonctionnaire et médecin, né vers 1771 dans les colonies américaines, celle de New York probablement, quatrième fils de Matthew Howard ; il épousa Sarah Munsel (Munsall), et ils eurent trois fils et deux filles, puis le 17 octobre 1833 une veuve, Margaret Seaman, mais ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 24 novembre 1843 à Brockville, Haut-Canada.
Le père de Peter Howard, fermier, vivait à Pittstown, dans la colonie de New York, lorsque la Révolution américaine éclata. Il prit les armes pour les Britanniques en 1777, servit dans plusieurs unités loyalistes, fit de l’espionnage et tomba plusieurs fois aux mains des rebelles. Après la guerre, il s’établit dans l’ouest de la province de Québec avec sa famille. En 1791, Peter demanda une terre au gouvernement en qualité de fils de loyaliste et reçut 200 acres. Il avait des propriétés dans plusieurs cantons de la nouvelle province du Haut-Canada mais élut résidence dans celui d’Elizabethtown, où vivaient son père et d’autres membres de sa famille. Fermier à l’aise, il possédait, dès 1804, 85 acres en culture, 400 en friche, plusieurs bêtes et un alambic. De plus, pendant un temps il tint une auberge. En 1802, à l’occasion des réformes administratives entreprises par le lieutenant-gouverneur Peter Hunter* pour réduire le nombre de candidats admissibles à des concessions de terre, Howard avait vu son nom radié de la liste des loyalistes. On ignore sa réaction, mais en général les loyalistes accueillirent avec colère ces radiations, qui semblaient désavouer l’intention du roi.
Candidat dans la circonscription de Leeds en 1804, Howard gagna haut la main grâce à l’appui de membres de différentes couches de la population locale, dont Joel Stone*, Levius Peters Sherwood et Peet Selee. Au cours de la quatrième législature (1805–1808), l’opposition se consolida à l’Assemblée, mais Howard ne s’y associa que plus tard, et graduellement. En 1805, il appuya le District School Bill d’Ebenezer Washburn*. L’année suivante, il présenta et défendit une pétition (où la signature de William Buell* venait en tête) pour qu’on déplace la prison et le palais de justice et qu’on les installe sur l’emplacement actuel de Brockville. Il appuya aussi une autre initiative de Washburn, soit la constitution d’un bureau qui réglementerait l’exercice de la médecine dans la province. Sa modeste notoriété lui valut d’humbles récompenses, dont une commission de juge de paix de district en 1806. Il s’occupait consciencieusement, au nom de ses électeurs, du règlement de questions relatives aux titres de biens-fonds et, avec Samuel Sherwood, député de la circonscription voisine, Grenville, pressait le gouvernement de faire arpenter convenablement les cantons arrière du comté de Leeds.
En somme, rien n’annonçait que Howard jouerait un rôle dans l’un des épisodes les plus dramatiques dont le Parlement haut-canadien serait le théâtre avant la guerre de 1812. Le 5 mars 1808, avec Thomas Dorland* et David McGregor Rogers*, il se retira de la chambre qui, pendant un temps, se trouva ainsi privée du quorum. Par ce geste, les trois députés protestaient contre un amendement qui aurait éliminé l’échéance légale imposée au District School Act de 1807. C’est Sherwood qui, en obtenant qu’on modifie le règlement de la chambre pour permettre le jour même la troisième lecture de l’amendement, avait mis le feu aux poudres. Les trois députés n’avaient que faire de cette manœuvre, antiparlementaire à leur avis, ni de son but. Furieux, le lieutenant-gouverneur Francis Gore* démit Howard et Dorland de leurs fonctions, mais Rogers lui donna plus de fil à retordre. Dans une lettre à Charles Jones d’Elizabethtown (Brockville), Sherwood blâma Howard d’avoir laissé « son tempérament obstiné et contrariant le dominer et le conduire à un acte excessif et des plus violents » ; il concluait en pressant Jones de veiller à ce que « cette affaire [...] soit présentée sous son vrai jour à la population de [son] comté ».
Les élections générales de mai permirent de mesurer la popularité du geste de Howard. Au terme d’une dure campagne où se révélèrent ses forts penchants égalitaristes, il remporta de nouveau la victoire. Ni Dorland ni Rogers n’aimaient tellement le parti pris aristocratique de la constitution britannique ; Howard, lui, ne l’aimait pas du tout et, en fait, manifestait peu de sympathie pour quelque monopole que ce soit. Visé par les « dards enflammés du mensonge », il expliqua à ses électeurs que la perte de sa fonction de magistrat n’avait « rien eu de surprenant » ; « nous avions le choix, disait-il, de rester et de léser nos gens, ou de sortir et de perdre nos postes, et pour ma part je n’ai pas choisi le métier de législateur pour plaire au gouverneur, mais pour défendre vos droits ». Un document anonyme qui circula pendant la campagne et dont l’auteur était Howard ou l’un de ses partisans situait l’affaire dans un contexte plus vaste. L’objet du différend était la prédominance des « hommes de loi » à la chambre et leur propension à « adopter les lois qui leur conv[enaient] le mieux ». Howard, lui, était dépeint comme le champion de ses électeurs et « surtout [...] l’ami des pauvres ». La clique des avocats augmenterait les impôts pour son propre bénéfice et autoriserait les confiscations de terres en paiement des dettes, ce qui permettrait de « découper [la contrée] en domaines et de réduire à l’esclavage les gens du commun ». L’auteur exhortait les fermiers à élire leurs semblables et à « se garantir contre les manœuvres des grands », pour qui « il [était] naturel d’opprimer les pauvres ».
Au cours de la cinquième législature (1809–1812), le fossé s’élargit entre les camps. Howard se rapprochait constamment de l’opposition que dirigeait Joseph Willcocks*. Ainsi, en 1810, il se rangea du côté de la minorité qui refusait de condamner le pamphlet de John Mills Jackson comme un écrit séditieux. Ses propres initiatives étaient aussi variées que caractéristiques : intérêt soutenu pour la réglementation de la profession médicale, tentative en vue de prévenir les irrégularités aux élections, présentation d’un projet de loi d’aide aux pauvres et d’un autre qui « interdirait la représentation dans la province, contre gages ou bénéfices, d’intermèdes, de spectacles de marionnettes, de funambules ou de théâtre ». À compter de 1811, il vota de la même façon que les membres les plus radicaux de l’opposition – Willcocks, John Willson* et Benajah Mallory*. Pendant la session de 1812, même s’il appuyait l’objectif global des révisions du Militia Act, c’est lui qui, apparemment, par son vote (il présidait le comité plénier) empêcha l’adoption d’un amendement qui exigeait de tous les miliciens qu’ils abjurent toute loyauté envers les États-Unis. De plus, comme William Lyon Mackenzie* le rappellerait en 1833, il fut le premier à présenter une requête en faveur du scrutin secret.
Howard se présenta aux élections générales de juin 1812 mais, en partie à cause de la campagne de diffamation menée contre lui par Charles Jones, c’est Levius Peters Sherwood qui remporta la victoire. Quatre ans plus tard, il reprit son siège. Au cours de la septième législature (1817–1820), il se fit moins remarquer (il n’assista d’ailleurs pas du tout à la session de 1819). Il lui arrivait encore souvent d’appuyer l’opposition, mais au moins dans un cas important il se montra prêt à réduire les droits civils. Mackenzie, dans le survol qu’il fit en 1828 du passé politique de la province, notait que Howard avait soutenu à l’Assemblée l’infâme projet de loi de 1818 qui visait à proscrire toute réunion séditieuse et qui avait pour but de nuire à Robert Gourlay*. Durant le débat, Howard qualifia Gourlay de « grand séducteur [qui] pourrait persuader le peuple de n’importe quoi » ; toujours selon Mackenzie, il « avait déclaré à la population qu’elle n’avait aucun motif de grief ». Howard se présenta de nouveau en 1820 et 1824, mais sans succès. Cependant, il ne se désintéressa jamais de la politique. En 1830, il présida à Brockville une assemblée qui appuyait la candidature de son fils Matthew Munsel et de William Buell* fils. En 1834 et 1836, il prit part à des assemblées du même genre et, toujours en 1836, fut élu président de la Johnstown District Reformer’s Society. À ce moment-là, il en était arrivé à représenter la tradition réformiste dans la région. Andrew Norton Buell* intervint personnellement auprès de Howard en 1836, de la part de Mackenzie, afin de récupérer des notes personnelles du journaliste torontois. Howard se montra peu disposé à répondre à cette demande, et Buell écrivit à Mackenzie : « Le docteur [semble] plutôt vouloir différer [la chose...], et il me serait très désagréable d’insister car c’est un vieil ami. De plus, sa famille et ses nombreuses relations sont en général des réformistes, et trop insister pourrait [...] nuire à la cause de la réforme. »
Après la guerre, Peter Howard avait été commissaire de la voirie. En 1819, il quitta Elizabethtown pour s’installer près des moulins dont il avait fait l’acquisition dans le canton de Yonge. Même s’il pratiquait déjà la médecine avant la guerre, il passa l’examen du Médical Board du Haut-Canada en juillet 1828 et obtint l’autorisation d’exercer le 5 février 1830. Quand il s’installa de nouveau à Brockville en 1833, le Brockville Recorder nota « sa longue pratique [de la médecine] et sa connaissance des maladies auxquelles la communauté [était] sujette ».
AO, MS 516, A. N. Buell à W. L. Mackenzie, 21 janv. 1836 ; MS 520 ; MS 537 ; MU 275 ; RG 1, A-I-6 ; RG 21, United Counties of Leeds and Grenville, census records.— APC, MG24, B7 ; RG1, E3 ; E14 ; L3 ; RG5, A1 ; B9 ; RG 68, General index, 1651–1841.— BL, Add.
Robert Lochiel Fraser, « HOWARD, PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/howard_peter_7F.html.
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Année de la publication: | 1988 |
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