GUIBORD, JOSEPH, typographe, membre de l’Institut canadien, né à Sainte-Anne-de-Varennes (Varennes, Québec) le 31 mars 1809, fils de Paul Guibord, dit Archambault et de Marie-Anne Célerier, dit Roch ; il épousa le 2 juin 1828 à Montréal Henriette Brown, et ils eurent au moins dix enfants ; décédé à Montréal le 18 novembre 1869.

On sait qu’en 1838 Joseph Guibord et John Lovell* imprimaient le Populaire (Montréal). Par la suite, Guibord entra à l’emploi de l’imprimerie de Louis Perrault. Reconnu comme très habile et même comme l’un des meilleurs typographes du Canada, Joseph Guibord fut chargé par l’abbé André-Marie Garin, missionnaire dans le Nord-Ouest, de l’impression d’un catéchisme en langue indienne, publié en 1854. Guibord aurait été le premier à introduire la stéréotypie au Canada et il aurait participé à l’impression du premier livre stéréotypé au pays. À sa mort, il était contremaître chez Perrault.

Rien donc ne prédestinait Guibord à cette renommée douteuse qu’on lui connaît aujourd’hui. Toutefois, autour de sa dépouille mortelle, se livra la dernière et la plus féroce bataille entre l’école libérale de l’Institut canadien de Montréal et l’école ultramontaine. À la suite du décret de l’Inquisition (juillet 1869) condamnant les doctrines « contenues dans un certain annuaire » et mettant à l’index l’Annuaire de l’Institut canadien pour 1868 [V. Gonzalve Doutre*], les curés du diocèse de Montréal proclamèrent l’ordonnance de Mgr Ignace Bourget*, le 29 août : « Celui qui persiste à vouloir demeurer dans le dit Institut ou à lire ou seulement garder le sus-dit annuaire sans y être autorisé par l’Église se prive lui-même des sacrements à l’heure de la mort. » Trois mois plus tard, Joseph Guibord était à l’agonie ; il était alors membre de l’Institut canadien. Dans l’un des documents certifiés, expédiés au cardinal Alessandro Barnabo, Louis-Antoine Dessaulles* soutient qu’à son chevet Joseph Guibord reçut l’absolution et la communion. Cependant, écrit-il, « le confesseur apprenant que Guibord est membre de l’Institut revient en toute hâte lui dire qu’il n’aurait jamais dû lui donner l’absolution et exige sa résignation comme membre ». Le refus de ce dernier en fit, aux yeux des autorités religieuses, un révolté et un pécheur public, le privant ainsi de cérémonie religieuse et d’inhumation en terre bénite. Cet anathème souleva la colère des membres de l’Institut canadien qui incitèrent alors Henriette Brown à poursuivre devant les tribunaux le curé et les marguilliers de la paroisse de Notre-Dame. Célèbre et malheureuse cause qui ne se termina qu’en 1874. À ce moment, le Conseil privé de Londres ordonna d’inhumer Guibord au cimetière de la Côte-des-Neiges [V. Charles-Elzéar Mondelet* ; Alexis-Frédéric Truteau* ; Joseph Doutre*]. Pour sa part, Mgr Bourget, usant de son pouvoir de lier et de délier, de bénir et d’anathématiser, déclara le lieu de sépulture à jamais « interdit et séparé du reste du cimetière ». Et l’évêque d’ajouter : « Là repose un Révolté que l’on a enterré par la force des armes. »

Au dire de ses contemporains, Joseph Guibord était un fort honnête homme, le dernier homme à mériter cette mésaventure.

Jean-Roch Rioux

ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 2 juin 1828, 18 nov. 1869.— Fraser-Hickson Library (Montréal), Archives de l’Institut canadien de Montréal.— The Guibord Affair, L. C. Clark, édit. (Toronto et Montréal, 1971).— La Presse (Montréal), 1er avril 1967.— Le Jeune, Dictionnaire.— Notices généalogiques sur la famille Guibord (Ottawa, 1914).— Théophile Hudon, L’Institut canadien de Montréal et l’affaire Guibord ; une page d’histoire (Montréal, 1938).— Adrien Thério, Les grandes batailles de Mgr Bourget : l’Institut canadien, l’affaire Guibord et l’université de Montréal, Perspectives/Le Nouvelliste (Trois-Rivières), 9 (1967), no 20 : 29–37 ; Mgr Ignace Bourget : novateur audacieux et lutteur intrépide, Perspectives/Le Nouvelliste, 9 (1967), no 19 : 15–23.

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Jean-Roch Rioux, « GUIBORD, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/guibord_joseph_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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