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FULFORD, FRANCIS, ministre et évêque de l’Église d’Angleterre, né le 3 juin 1803 à Sidmouth, Devon, Angleterre, deuxième fils de Baldwin Fulford et d’Anne Maria Adams ; en octobre 1830, il épousa Mary Drummond de Fawley, Hampshire, Angleterre ; décédé à Montréal le 9 septembre 1868.
Francis Fulford appartenait à une famille de vieille souche de l’ouest de l’Angleterre. Après des études à Blundells School puis à l’Exeter College d’Oxford, il obtint sa licence ès arts en 1827, sa maîtrise ès arts en 1838 et son doctorat en théologie en 1850. Ordonné prêtre en 1828, il acquit une vaste expérience du ministère paroissial dans l’ouest de l’Angleterre et à Croydon, dans le comté de Cambridge, avant d’être nommé ministre de Curzon Chapel à Londres, plus précisément à Mayfair, en 1845. Il fut également aumônier de la duchesse de Gloucester, ce qui lui ouvrit peut-être les portes de la cour. En 1834, il avait commencé à participer aux réunions de la Society for the Propagation of the Gospel et s’était lié d’amitié avec le secrétaire, le révérend Ernest Hawkins. En 1848, Fulford devint rédacteur en chef du Colonial Church Chronicle and Missionary Journal, périodique indépendant qui appuyait le programme de la société. Il était alors considéré comme un homme compétent, énergique et capable d’assumer des responsabilités. Ses écrits étaient clairs et simples.
Fulford fut mêlé de loin à la réforme de l’Église d’Angleterre, communément appelée le mouvement d’Oxford. Il était tout à fait d’accord avec le principe fondamental de ce mouvement, à savoir l’indépendance de l’Église face à l’État. En 1843, il protesta lorsqu’on interdit à Edward Bouverie Pusey, le véritable artisan du mouvement, de prêcher à Oxford University ; par la suite, lors de ses séjours en Angleterre, Fulford s’installera chez Pusey. Il entretint une correspondance amicale avec John Henry Newman. Beaucoup plus tard, après la conversion de ce dernier au catholicisme, Fulford donna à Montréal une critique très favorable de son Apologia pro vita sua. Fulford, néanmoins, avouait son admiration pour les réformistes des xvie et xviie siècles d’Angleterre et d’Europe en général. Sa brochure intitulée The progress of the reformation in England (1841) témoigne de sa position indépendante : « [Notre] Église anglo-catholique était une Église réformée », affirmait-il. Il se réjouissait de son expansion outre-mer, dans les colonies anglaises et d’autres pays.
Si l’on a pensé à Fulford pour le futur diocèse de Montréal, c’est probablement en raison de sa participation à la Society for the Propagation of the Gospel. La division du diocèse de Québec était un projet de longue date. George Jehoshaphat Mountain utilisait le titre d’évêque de Montréal, alors qu’il était suffragant de Charles James Stewart*, et, même lorsqu’il lui succéda comme évêque de Québec, il le conserva, soidisant pour rappeler aux autorités britanniques les revendications de Montréal. En 1849, on disposait de fonds suffisants pour doter un évêché. Hawkins fit la visite du futur diocèse de Montréal et s’entretint avec lord Elgin [Bruce] et l’évêque Mountain. Le clergé et les laïcs montréalais s’inquiétèrent, comme il fallait s’y attendre, du résultat de ces rencontres et leur chef de file, le révérend John Bethune*, entreprit d’influencer l’opinion en faveur d’une conférence qui proposerait un candidat à la consécration. Bethune prétendait craindre que le Conseil exécutif, constitué de « membres de l’Église de Rome, de protestants dissidents et de deux ou trois épiscopaliens seulement » ne décide du candidat à présenter. En l’occurrence, il semble que le ministère des Colonies se soit tourné vers la Society for the Propagation of the Gospel qui suggéra Francis Fulford.
Des lettres patentes instituant le diocèse de Montréal et nommant Francis Fulford « Lord Bishop », titre auquel n’avait droit qu’un seul autre prélat canadien, soit l’évêque de Québec, furent émises par la reine en 1850. Les limites du diocèse étaient les mêmes que celles du district judiciaire de Montréal ; elles formaient un triangle dont la base coïncidait avec la frontière américaine, qui était borné à l’ouest par la rivière Outaouais et à l’est par les districts de Trois-Rivières et de Saint-François. L’église Christ, la vieille église de la paroisse protestante de Montréal, fut choisie comme cathédrale. Comme on mettait en doute la légalité des lettres patentes dans des colonies jouissant de la responsabilité ministérielle, Fulford ajouta à celles qu’il avait reçues de nouvelles clauses adoptées au cours des réunions du synode. Il fut sacré évêque le 25 juillet 1850 à l’abbaye de Westminster par l’archevêque de Cantorbéry, John Bird Sumner, quatre évêques anglais et un évêque canadien, John Strachan, de Toronto.
Le 15 septembre 1850, Fulford fut intronisé à l’église Christ comme père spirituel de quelque 25 000 fidèles de ce qu’on appelait à l’époque « l’Église unie d’Angleterre et d’Irlande ». La plupart étaient anglophones mais on comptait également des familles et des communautés francophones dans la vallée du Richelieu et certains autres endroits, dont Sainte-Thérèse, Rawdon et Saint-Hyacinthe ; à cela s’ajoutaient quelques missions chez les Allemands établis sur l’Outaouais et une mission chez les Abénaquis à Saint-François-de-Sales (Odanak). Une tournée rapide à la fin de l’automne permit à Fulford de voir la complexité de sa charge. Il se rendit compte de la pauvreté spirituelle et de la baisse du niveau de vie des citadins et des campagnards. « Les hommes sont désunis et [...] peu [sont] en réalité des gens d’Église. » Leur univers était fort restreint ; ils n’étaient pas conscients du fait qu’ils faisaient partie d’une societas perfecta et universalis. Fulford ne perdit pas espoir. Il aimait son clergé composé de 48 ministres. À mesure qu’il apprit à connaître ses fidèles, sa ligne de conduite se précisa.
Pour l’administration du diocèse, il avait lé champ libre, car avant 1850 rien n’avait été prévu pour la région de Montréal. Il s’occupa d’abord de ce qui pressait le plus, c’est-à-dire la constitution d’un chapitre pour la cathédrale composé d’un doyen et de chanoines qui pouvaient assumer l’autorité pendant l’absence de l’évêque ou à son décès. En fait, l’autorité du chapitre se limitait à l’administration matérielle de la cathédrale et ses membres n’avaient qu’un titre honorifique. Quoi qu’il en soit, John Bethune pouvait se targuer d’être le premier doyen de juridiction anglicane en Amérique du Nord. En 1855, l’évêque Fulford nomma un archidiacre pour tout le diocèse ; ce dernier devint l’adjoint administratif et un dignitaire dont la besogne était considérable et les déplacements fréquents. Pour encourager l’initiative locale, Fulford organisa, en 1859, les missions et les paroisses en quatre doyennés ruraux : St Andrews au nord, Hochelaga, Iberville au centre et Bedford au sud. Les rencontres fréquentes entre les laïcs et le clergé permirent alors de réaliser des projets qui ne pouvaient reposer sur les épaules d’un seul homme, contribuèrent à mettre fin à l’isolement et facilitèrent la prise de décision en haut lieu. L’efficacité et l’esprit de corps que le diocèse atteignit rapidement peuvent être attribués en grande partie aux initiatives de Fulford sur le plan local. Il dut aussi tenir compte de la Church Society qui, en 1850, en était à sa dixième année d’existence ; elle regroupait les diocèses de Québec et de Montréal. Constituée de membres payants, responsable de la gestion financière, elle fut réorganisée en comités (instruction, propagation de la foi, etc.) par Fulford qui encouragea la création de divisions au sein des missions. L’efficacité de la société était attribuable en grande partie à ses principaux dirigeants, Thomas Brown Anderson*, le trésorier, Strachan Bethune, le conseiller juridique, et à ses plus éminents laïcs, notamment George Moffatt et William Badgley*.
Fulford fit preuve d’une grande ténacité à organiser un synode. Dès juillet 1851, la Church Society de Montréal avait envisagé la possibilité d’instituer un synode. Pour sa première visite pastorale (janvier 1852), Fulford avait demandé à tous les membres du clergé d’être accompagnés de deux laïcs même si, selon la tradition, ces visites étaient réservées au clergé. Sa participation à une conférence de l’Église épiscopale protestante des États-Unis renforça sa tendance à faire jouer de plus en plus « l’influence laïque ». Le clergé et les laïcs de Montréal tinrent deux réunions en 1853 pour discuter du projet de loi visant à « modifier la législation touchant l’Église dans les colonies », présenté par William Ewart Gladstone au parlement britannique. Fulford, sur le point de créer un synode, fut surpris de l’opposition du clergé et même des laïcs. Ces derniers, surtout des hommes de loi, tel Thomas Cushing Aylwin*, feignaient de croire que l’Église, à l’étranger et coupée de l’État, ne pouvait s’administrer elle-même. Fulford tira habilement profit de l’opposition en obtenant une législation canadienne reconnaissant légalement le synode en 1857 et 1858.
La constitution proposée pour le synode se composait de trois « ordres » : l’évêque, le clergé et les laïcs. Ces derniers membres devaient être des communiants élus par les diverses cures ; la Church Society, au contraire, était constituée de membres payants. Il y avait aussi cette différence que le synode pouvait émettre des règlements (canons) obligatoires pour les membres. (Lorsqu’en 1867 la Church Society fut incorporée au synode et disparut par le fait même, l’autorité fut ramenée au principe de la représentativité et de la responsabilité.) Pour que les canons du synode aient force de loi, il fallait obtenir l’accord des trois ordres. Bon nombre de ceux qui s’étaient opposés au synode s’élevèrent alors contre ce qu’ils appelaient « le droit de veto de l’évêque », puisque celui-ci constituait un ordre à lui seul. Fulford eut raison de ces dissidents, et la constitution qu’il souhaitait fut adoptée en 1859.
Le financement du diocèse était un souci constant. La dotation épiscopale (dont le capital était de £10 000) mise à part, le diocèse n’avait aucun revenu régulier. Après 1854, à la faveur du règlement des « réserves du clergé », le diocèse reçut environ £10 500 lorsque le clergé décida de transférer à l’Église l’usufruit à vie des « réserves ». La Church Society (et le synode, après 1867) entreprit des collectes dans tout le diocèse pour venir en aide au clergé. Des subventions furent accordées par la Society for the Propagation of the Gospel mais Fulford était d’avis qu’il fallait mettre fin à cette pratique le plus tôt possible. Pour que les diverses cures du diocèse puissent subvenir à leurs besoins, il encouragea plutôt les gens à faire régulièrement des dons et se déclara en faveur de dotations locales constituées de fonds en espèces ou en biens fonciers. Entre 1859 et 1864, la Society for the Propagation of the Gospel l’aida à acquérir des terres assignées à un bénéfice, ce qui représentait un apport de plus de £1 100.
Après 1854, les terres non vendues des « réserves du clergé » dans le diocèse occupaient environ 190 000 acres et leur valeur approximative s’élevait à £30 000. Fulford doutait de la validité des réclamations de l’Église d’Angleterre et de l’opportunité de les appuyer à fond. Il signa néanmoins avec ses collègues évêques une pétition demandant au gouvernement britannique la permission de conserver ces terres. En 1855, il se prononça, avec une certaine indifférence, sur les progrès de la sécularisation et déclara regretter les vives protestations de Strachan en admettant toutefois qu’elles étaient « [toutes] trop près de la réalité ». Peut-être Fulford, comme son prédécesseur, l’évêque Stewart, était-il sensible aux opinions qui avaient cours au Canada à l’époque face à la dotation publique d’organismes confessionnels et ne souhaitait-il pas que son Église soit exposée aux calomnies.
Au début de son épiscopat, Fulford envisageait la construction d’églises sur une grande échelle ; ses espoirs furent déçus lorsqu’il se rendit compte de la situation financière du diocèse. Ce n’est qu’après l’incendie de la vieille cathédrale de la rue Notre-Dame en décembre 1856 que d’importants travaux purent être entrepris. On fit l’acquisition d’un nouvel emplacement rue Sainte-Catherine et Frank Wills fit les plans d’une église qui ressemblait, dans ses grandes lignes, à la cathédrale de Fredericton (elle-même inspirée apparemment de l’église Snettisham de Norfolk). La nouvelle cathédrale, inaugurée le premier dimanche de l’Avent en 1859, répondait exactement aux attentes de Fulford : « Il n’existe aucun édifice comparable sur ce continent », affirmait-il. En termes moins subjectifs, l’édifice était un bel exemple d’architecture gothique dont les proportions, cependant, étaient assez modestes.
Francis Fulford s’intéressa sérieusement à l’enseignement à tous les niveaux. Dès son arrivée, il s’occupa activement de Bishop’s University où il recruta un certain nombre de membres de son clergé. Il en fut vice-président et jouit du même droit de visite que l’évêque de Québec qui en était président. Ses relations avec McGill University étaient plus réservées, peut-être en raison des démêlés de John Bethune avec cette institution.
Les écoles paroissiales et le sempiternel problème du manque d’enseignants soulevèrent la première et peut-être la plus sérieuse controverse de son épiscopat. En 1851, on l’informa que la Colonial Church and School Society se proposait de s’installer dans son diocèse. Cette organisation, qui regroupait d’autres institutions religieuses ou d’enseignement, était régie par un comité installé en Angleterre, qui affectait des missionnaires (pasteurs et maîtres d’école) à divers postes et mettait sur pied des écoles indépendantes de l’autorité diocésaine. Fulford se trouva en fort mauvaise posture car un des principaux membres de son clergé, William Bennett Bond* de l’église St George, devint l’agent local de cette société. Fulford admettait toutefois les avantages apportés par des professeurs compétents. On aboutit à un compromis. Il devint président du Montréal Committee of the Church and School Society et, du coup, directeur des opérations locales ; ainsi, son autorité épiscopale était reconnue. La société créa des écoles dans tout le diocèse et remplaça l’École nationale plutôt chancelante à Montréal [V. John Bethune*]. En 1853, la société mit William Henry Hicks*, professeur chevronné, à la tête d’une école centrale, ou de formation des enseignants, à Montréal, de laquelle sortaient les maîtres et maîtresses des écoles du diocèse ; en 1856, Fulford autorisa l’école à devenir la Normal School of McGill University ; elle devenait ainsi le principal fournisseur d’enseignants protestants du Bas-Canada.
La société facilita le travail de Fulford auprès des francophones. Elle assura la continuité des églises et des écoles instituées par William Plenderleath* Christie à Iberville et Sabrevois. À Saint-Jean, on organisa un collège de formation d’enseignants et de ministres francophones dont on avait surtout besoin dans les missions situées autour du lac Maskinongé et sur l’île Jésus pour les communautés canadiennes-françaises converties ainsi que pour les groupes d’Anglo-Canadiens qui, au contact des Canadiens français, étaient devenus francophones. Des efforts mieux orchestrés furent déployés en 1859 lorsqu’on obtint la reconnaissance juridique de la Church of England Mission to the French-Speaking population of British North America, dont Fulford fut le principal protecteur. Fulford n’avait pratiquement rien en commun avec la Société missionnaire canadienne-française qui ne comptait que quelques anglicans. Sans être partisan du prosélytisme, il était convaincu cependant que son Église devait desservir à la fois les anglophones et les francophones.
En 1860, l’évêque Fulford devint le premier métropolitain de la province ecclésiastique du Canada. Les pétitions demandant la création d’une province avaient débuté beaucoup plus tôt. En 1861, des lettres patentes instituaient Montréal comme métropole dont Fulford et ses successeurs devaient être les représentants. Les ennuis juridiques ne tardèrent pas à s’abattre sur Fulford. L’évêque de Huron, Benjamin Cronyn*, voulut mettre en doute, en 1861, l’autorité conférée à Fulford par les lettres patentes. La réponse de ce dernier fut décisive : « Je lui ai dit que la charge que j’occupais, j’avais l’intention de la garder et que je n’avais nullement l’intention de me rendre ridicule ni d’insulter la Reine [en acceptant qu’on mette en doute la validité des lettres patentes]. » Il devait cependant se heurter à des difficultés plus grandes. Des décisions du Conseil privé touchant plusieurs différends entre 1863 et 1865, dont l’un concernait le métropolitain d’Afrique du Sud, infirmèrent l’autorité des lettres patentes. Au Canada, les mesures législatives prises par le synode provincial rétablirent l’autorité sur de nouvelles bases négociées, et le titre de métropolitain de Fulford ne fut jamais vraiment contesté.
L’évêque de Huron revint quand même à la charge en 1864, sur les conseils d’Edward Blake*, son gendre, et d’Adam Crooks*, dont l’opinion juridique faillit remettre en question tout le système d’administration synodale de la province. La position de Fulford fut étayée par l’opinion contraire de son chancelier, Strachan Bethune. John Hillyard Cameron*, le célèbre avocat du Haut-Canada, fit remarquer cependant que le synode provincial était fondé sur l’accord général et était soutenu par une loi canadienne et des lettres patentes ; comme Blake et Crooks avaient admis que le synode pouvait reposer sur une « association volontaire », même l’évêque Cronyn fut réduit au silence.
En 1863, en vertu d’une autorisation royale, Fulford consacra James William Williams* évêque de Québec ; en 1867, lorsque Alexander Neil Bethune* fut nommé suffragant de Strachan, l’élection par le synode du diocèse de Toronto fut jugée suffisante avant la consécration. Il appartenait donc à Fulford à titre de métropolitain de proclamer l’autonomie de l’Église canadienne.
Tout au long de l’année 1862, Fulford entretint une polémique longue et compliquée avec l’archidiacre de Huron, Isaac Hellmuth*. Onze ans auparavant, alors que Hellmuth faisait partie du clergé de Fulford dans le diocèse de Montréal, tous deux avaient eu des divergences d’opinion sur une question de propriété ; Thomas Evans, le beau-père de Hellmuth, avait promis un terrain et un prêt sans intérêt pour la construction d’une église rue Sherbrooke à condition que Hellmuth soit titulaire de la cure. Aux yeux de Fulford, celui-ci s’était compromis à tout jamais. Vers la fin de 1861, Hellmuth fut envoyé en Angleterre pour y recueillir des fonds destinés au collège de théologie que l’évêque Cronyn voulait créer à London, dans le Haut-Canada. Son projet reflétait la querelle qui opposait Cronyn et le Trinity College de Toronto et dont Fulford, en qualité de métropolitain, dut préalablement prendre connaissance. Fulford jugea la situation fort déplorable et fut indigné d’apprendre qu’en Angleterre Hellmuth prétendait que le clergé évangélique était « à la baisse » dans l’Église canadienne et qu’il manquait d’un véritable enseignement protestant dans les collèges canadiens. Entre avril et juillet, Fulford émit trois lettres pastorales particulièrement virulentes dans lesquelles il condamnait les extravagances de Hellmuth. La controverse au sujet de l’église se calma et le nom de Hellmuth fut associé à celui de Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy* à titre d’« habile et astucieux collecteur de fonds », comparaison fort caustique si l’on considère certaines des transactions de Chiniquy. Fulford est peut-être sorti vainqueur de la polémique mais sa victoire a très peu contribué à instaurer l’harmonie au sein de la province ecclésiastique.
En octobre 1865, Fulford prononça un sermon au congrès triennal de l’Église épiscopale protestante des États-Unis à Philadelphie, réunion importante si l’on songe qu’il s’agissait de la première à être tenue par un organisme représentatif national depuis la guerre de Sécession. C’est avec les évêques de la Nouvelle-Angleterre et de l’état de New York que Fulford avait établi ses rapports les plus étroits, mais il avait admis dans son diocèse des ministres des états confédérés. Il écrivit à ce sujet : « Mon sermon n’avait rien d’extraordinaire, il a simplement touché la corde sensible [...] et j’espère que la réconciliation est maintenant acquise. » Cette affinité continue avec l’Église des États-Unis fut particulièrement évidente le 6 juin 1867 lorsque quatre évêques américains du Maine, du Vermont, de l’Illinois et de la Virginie prirent part à la consécration de la cathédrale de Montréal.
En 1867, Fulford participa à la première réunion mondiale des prélats de l’Église d’Angleterre à Lambeth, Angleterre. Dès 1852, dans une lettre à Hawkins où il déplorait l’apostasie de ses amis en faveur de « Rome », il écrivait : « Rien ne pourra mieux freiner ce mal que des mesures concertées de toutes les Églises épiscopales réformées : la nôtre, l’Église mère, celles des colonies et celles d’Écosse et d’Amérique. » La parution en 1860 d’Essays and reviews, particulièrement troublante pour les théologiens de tendance modérée, et, à partir de 1863, le scandale prolongé d’Afrique du Sud, étayèrent sa position. Il revint à la charge au cours du premier synode provincial de 1861 et, au cours du deuxième, en 1865, ses opinions firent l’objet d’une résolution officielle soumise à l’archevêque de Cantorbéry. Fulford était en relations étroites avec l’évêque Samuel Wilberforce d’Oxford, probablement le principal promoteur anglais de la conférence de 1867. Lors de celle-ci, Fulford demanda avec insistance une vigoureuse déclaration en faveur de l’indépendance de l’Église et, sans doute par reconnaissance, fut invité à prononcer un sermon le 28 septembre 1867, avant la réunion de clôture, à l’église de Lambeth. (Pour une raison inexpliquée, Fulford était absent lorsque fut prise la photographie historique de cette première conférence de Lambeth.)
Au cours de cette même visite à Londres, Fulford joua un rôle de premier plan dans un autre événement : « Samedi, le 16 février, à St. George’s Hanover Square, écrivait-il, j’ai célébré le mariage de l’honorable [John Alexander Macdonald*], procureur général du Haut-Canada et président des délégués. » C’est une des rares fois où Fulford fit allusion à la réunion londonienne des chefs politiques canadiens venus négocier les conditions finales de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.
En dépit de sa santé chancelante depuis quelques années, les derniers mois de la vie de Fulford furent particulièrement fertiles en activités de toutes sortes dans le diocèse. Avant sa mort, survenue le 9 septembre 1868, il s’était proposé de faire des conclusions de la conférence de Lambeth l’objet des discussions du prochain synode, voulant ainsi détourner l’attention du problème du rituel, au sujet duquel les opinions étaient déjà fort partagées ailleurs au Canada. Fulford ne remit pas en cause le rituel mais il détestait les raffinements ecclésiastiques. Il prononçait ses sermons vêtu d’une simple soutane noire et souvent au pied levé.
Le romancier anglais Anthony Trollope n’aurait pas su tirer de l’évêque Fulford un personnage sympathique. Il ne s’intéressait guère qu’à ses pauvres brebis dispersées auxquelles il dispensait toutefois beaucoup plus que réconfort et orientation morale. Fulford avait le goût très sûr et le sens de l’esthétique et fut l’un des fondateurs de la Montréal Art Association. Il s’intéressait également à l’enseignement dispensé aux adultes, conçu dans une optique d’efforts personnels ; aussi accorda-t-il son appui à l’Institut des artisans de Montréal et aux associations de jeunes gens de l’Église d’Angleterre. S’adressant à ses coreligionnaires Fulford insistait sur les vertus de l’autonomie et de l’autosuffisance, pour les missions en particulier et pour la province ecclésiastique elle-même. Sa réputation de grand bâtisseur n’était pas surfaite.
Francis Fulford, A letter to the bishops, clergy, and laity of the United Church of England and Ireland in the province of Canada (Montréal, 1864) ; A pastoral letter addressed to the clergy of his diocese (Montréal, 1851) ; A pastoral letter to the clergy of his diocese (Montréal, 1851).— Anglican Church of Canada, Diocese of Montreal, Synod Archives (Montréal), Correspondence with the secretaries of the SPG, 1850–1860 (photocopies) ; Francis Fulford, miscellaneous notes, memoranda.— Anglican Church of Canada, General Synod Archives (Toronto), C. H. Fulford, Life of Bishop Fulford (manuscrit dactylographié).— The Lambeth conferences of 1867, 1878, and 1888, with the official reports and resolutions, together with the sermons preached at the conferences, R. T. Davidson, édit. (Londres, 1889).— A memoir of George Jehoshaphat Mountain, D.D., D.C.L., late bishop of Québec [...], A. W. Mountain, compil. (Montréal, 1866).— C. R. Bell, General index of the proceedings of the first eleven synods of the diocese of Montreal [...] (Montréal, 1872).— Notman et Taylor, Portraits of British Americans, I : 15–23.— The controversy between the lord bishop of Montreal and the Ven. Archdeacon Hellmuth, with opinions from the press and letters from correspondents [...], A. E. Taylor, édit. (London, Ont., 1863).— J. I. Cooper, The beginning of teacher training at McGill University, A century of teacher education, 1857–1957, addresses delivered during the celebration of the centenary of the McGill Normal School (Montréal, 1957) ; The blessed communion ; the origins and history of the diocese of Montreal, 1760–1960 ([Montréal], 1960).— Millman, Life of Charles James Stewart.— C. F. Pascoe, Two hundred years of the S.P.G. : an historical account of the Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, 1701–1900 [...] (2 vol., Londres, 1901).— The progress of the reformation in England, to which are added two sermons, by Bishop Sanderson [...] (Londres, 1841).— [J.] F. Taylor, The last three bishops, appointed by the crown for the Anglican Church of Canada (Montréal, 1869).
John Irwin Cooper, « FULFORD, FRANCIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fulford_francis_9F.html.
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Auteur de l'article: | John Irwin Cooper |
Titre de l'article: | FULFORD, FRANCIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |