CORBETT, GRIFFITH OWEN, ministre de l’Église d’Angleterre, médecin et auteur, né probablement le 30 mars 1823 à Littleworth, près de Minchinhampton, Angleterre, et baptisé le 12 octobre 1828 à Minchinhampton, fils de Griffith Corbett, tisserand, et de Maria Daniels ; il épousa en Angleterre une prénommée Abigail, et ils eurent au moins deux enfants ; décédé le 30 mars 1909 à Lingfield, Angleterre.
On ne sait presque rien de Griffith Owen Corbett avant son arrivée en Amérique du Nord britannique. La Church Missionary Society le forma, mais ce fut la Colonial Church and School Society qui parraina son affectation à Montréal en 1851. Il fut catéchiste et aumônier au Montreal General Hospital, et pourtant, pour des raisons inconnues, l’évêque de Montréal, Francis Fulford*, refusa de l’ordonner.
En 1852, la Colonial Church and School Society envoya Corbett à Rupert’s Land, à la demande de l’évêque David Anderson*. Après avoir passé l’hiver dans la paroisse St Andrew (Manitoba), il fonda une mission, Headingley, à mi-chemin entre la colonie de la Rivière-Rouge et Portage-la-Prairie. Impressionné par son zèle, Anderson l’ordonna le jour de Noël 1853. En 1854, Corbett construisit la première église Holy Trinity à Headingley. Toutefois, la mission était si pauvre qu’il ne pouvait pas pourvoir pleinement aux besoins de ses ouailles – des colons et des autochtones. La même année, la Colonial Church and School Society, incapable d’assumer plus longtemps les frais de la mission, lui retira tout soutien financier, ce qui aggrava encore le problème.
Rentré en Angleterre en 1855, Corbett prit la charge d’une paroisse rurale et étudia la médecine au King’s College de Londres. En 1857, il se présenta devant le comité spécial de la Chambre des communes sur la Hudson’s Bay Company [V. Alexander Kennedy Isbister*] pour s’opposer au renouvellement du permis qu’elle détenait. Selon lui, la compagnie restreignait le travail des missionnaires et cherchait à freiner la croissance économique et sociale de la Rivière-Rouge. Son témoignage dépeignait plutôt bien les conditions qui régnaient dans la colonie, mais il avait le défaut de ne pas démontrer, preuves à l’appui, que la compagnie s’était ingérée dans l’établissement de la mission.
La Colonial Church and School Society l’ayant autorisé à retourner à Headingley, Corbett regagna Rupert’s Land avec sa femme en 1857. C’est alors qu’il se lança dans une campagne d’agitation politique. Il convainquit le clergé de parrainer une pétition contre la Hudson’s Bay Company ; les appuis se firent nombreux jusqu’à ce qu’Anderson y mette fin. En 1858, il préconisa l’ouverture d’une route entre la Rivière-Rouge et le lac des Bois afin que les habitants de la colonie puissent se rendre directement dans le Haut-Canada [V. Simon James Dawson]. Il mena ensuite une longue bataille pour que la Rivière-Rouge devienne une colonie de la couronne. La stagnation économique et la détérioration de l’ordre public, disait-il, étaient imputables à la Hudson’s Bay Company. Propriétaire de la première presse de la colonie, il publia A few reasons for a crown colony, in-plano dans lequel il contrait les arguments de ceux qui favorisaient l’annexion au Canada. Il y prônait la création d’un corps législatif électif dont relèveraient les richesses naturelles de la colonie, richesses qui, prédisait-il, feraient de Rupert’s Land une puissance commerciale de premier plan.
Corbett avait de solides contradicteurs dans la faction canadienne de la Rivière-Rouge, mais sa rhétorique impérialiste était populaire parmi les sang-mêlé anglophones. Si la Rivière-Rouge devenait une colonie de la couronne, ces derniers auraient les droits et privilèges des sujets britanniques, y compris le droit de vote, et n’auraient plus à subir l’ostracisme des Anglais de souche. Quant aux habitants francophones, ils donnaient à Corbett le surnom de « corps bête », car ils lui en voulaient pour ses virulentes prises de position anticatholiques, qui ne faisaient qu’aggraver les dissensions dans la colonie.
Pendant son séjour à la Rivière-Rouge, Corbett mit gracieusement ses connaissances médicales au service de ses paroissiens. Pourtant, à l’automne de 1862, on commença à murmurer dans la colonie qu’il avait commis un acte répréhensible. En décembre, il fut arrêté pour tentative d’avortement sur la personne de sa servante, Maria Thomas. Les autorités le détinrent à Upper Fort Garry (Winnipeg) jusqu’à ce qu’elles cèdent aux pressions d’une foule qui réclamait sa sortie et le libèrent sous caution.
Lorsque Corbett passa en justice, le 19 février 1863, il fit reposer sa défense sur une déclaration signée dans laquelle Maria Thomas niait qu’il était coupable. Une fois que l’on eut démontré que ce document avait été obtenu par contrainte, c’en fut fait de lui. Les témoignages révélèrent qu’il avait fait plusieurs tentatives d’avortement sur Maria Thomas, avec qui il avait eu une liaison adultère. Le tribunal le jugea coupable et le condamna à six mois de prison.
Tout au long du procès et de l’incarcération, les partisans de Corbett affirmèrent que la Hudson’s Bay Company avait monté le coup pour le réduire au silence. On tenta sans succès de le faire libérer par des moyens de pression, dont une pétition signée par plus de 500 résidents et adressée au gouverneur, Alexander Grant Dallas*. Le 20 avril cependant, une foule menée par le maître d’école de la paroisse St James, James Stewart, força les portes de la prison et le fit sortir. Parmi tous ces intrus, le seul que Dallas réussit à faire arrêter fut Stewart, lequel, à son tour, fut libéré par un groupe d’hommes armés qui tinrent en échec les constables spéciaux du gouverneur. Corbett put rester en liberté et reprit son poste à Headingley malgré un interdit épiscopal et son renvoi par la société missionnaire.
Le procès et la libération de Corbett exacerbèrent les tensions qui couvaient à la Rivière-Rouge et sapèrent les principales institutions de la colonie. Par suite des irruptions de la foule dans la prison, le Conseil d’Assiniboia, en ces années qui précédaient l’insurrection de 1869–1870 [V. Louis Riel*], devint de moins en moins capable d’affirmer son autorité. En soulevant de l’opposition contre la Hudson’s Bay Company, des mécontents, tel Corbett, minèrent la loyauté de ses employés. Plus précisément, le procès et ses suites eurent des conséquences dévastatrices pour le clergé anglican. Plus les ministres tentaient de prendre leurs distances par rapport à Corbett, plus l’hostilité de leurs fidèles s’intensifiait. Dès 1867, la démission de nombreux membres du haut clergé, dont celle d’Anderson, avait réduit à l’état squelettique la présence de l’Église d’Angleterre à la Rivière-Rouge.
En 1864, Corbett quitta définitivement sa famille, qui resta dans la colonie, et rentra en Angleterre. Il obtint un doctorat en médecine en 1867, puis intenta contre Dallas des poursuites pour emprisonnement injustifié ; ces poursuites furent abandonnées ou rejetées par le tribunal au bout de quatre ans. Corbett continua de s’intéresser à la vie politique de la Rivière-Rouge, surtout pendant la résistance métisse de 1869–1870. Non seulement publia-t-il plusieurs opuscules, mais il présenta régulièrement des pétitions au gouvernement britannique au sujet de l’illégalité du monopole de la Hudson’s Bay Company sur le territoire et du transfert du territoire au dominion.
Corbett se vit d’abord interdire d’exercer son ministère par l’archevêque de Londres, mais il finit par obtenir un permis de vicaire et, de 1877 à 1881, il servit dans plusieurs paroisses rurales d’Angleterre. En fin de compte, des rumeurs selon lesquelles il avait une liaison avec une autre femme (son épouse mourut seulement en 1918) l’obligèrent à abandonner son ministère. Il mourut en 1909 à la suite d’une longue maladie.
Griffith Owen Corbett avait beaucoup plus de défauts que de qualités : il était par nature querelleur, mesquin, opportuniste et porté à user de moyens détournés. S’il eut tant de partisans et d’ennemis, ce fut moins parce qu’il sortait de l’ordinaire qu’en raison du vide politique et juridique qui enveloppait la Rivière-Rouge. Il aiguillonnait les passions politiques comme un paratonnerre attire la foudre, ce qui amena l’évêque Anderson à le considérer comme un « homme extrêmement dangereux ».
Griffith Owen Corbett est l’auteur de A few reasons for a crown colony (Headingley, Manitoba, 1859) ; Notes on Rupert’s America, its history and resources [...] (Dulwich, Angleterre, 1868) ; An appeal to the Right Hon. W. E. Gladstone, M.P., her majesty’s prime minister, respecting the suppression of certain papers by the government, the « Red River rebellion, » and the illegal transfer of the North-West Territories to the Canadian government (Londres, [1870 ?]) ; « The Red River rebellion » : the cause of it [...] (Londres, 1870) ; The vast resources and the great progress of Christianity and colonization in the southern parts of Rupert’s America [...] ([Londres, 1883]).
AN, MG 17, B4 (mfm).— Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, Geneal. Soc. (Salt Lake City, Utah), International geneal. index.— GRO-L, Death certificate, G. O. Corbett, 30 mars 1909.— Manitoba Culture, Heritage and Recreation, Hist. Resources Branch (Winnipeg), T. [G.] Boreskie, « The Reverend Griffith Owen Corbett » (texte dactylographié, 1984).— PAM, MG 2, B4-1 ; C36.— Nor’Wester, 1860–1864.— Somerset News and Swan Lake Echo (Somerset, Manitoba), 10 janv. 1918.— G.-B., Parl., House of Commons paper, 1857 (session ii), 15, nos 224, 260, Report from the select committee on the Hudson’s Bay Company.— Frits Pannekoek, « The Anglican Church and the disintegration of Red River society, 1818–1870 », The west and the nation ; essays in honour of W. L. Morton, Carl Berger et Ramsay Cook, édit. (Toronto, 1976), 72–90 ; « Factions and feuds at Red River : the flock divided », Beaver, 70 (1990–1991), no 6 : 29–37.
Thomas G. Boreskie, « CORBETT, GRIFFITH OWEN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/corbett_griffith_owen_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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