DÉNÉCHAU, CLAUDE, marchand, officier de milice, homme politique, juge de paix et fonctionnaire, né le 8 mars 1768 à Québec, fils de Jacques Dénéchaud*, chirurgien et apothicaire, et d’Angélique Gastonguay ; le 23 juin 1800, il épousa à Saint-Hyacinthe, Bas-Canada, Marianne-Josette Delorme, qui mourut l’année suivante sans laisser d’enfants, puis le 26 mai 1807 à Québec Adélaïde Gauvreau, fille de Louis Gauvreau*, et ils eurent plusieurs enfants, dont trois fils et quatre filles qui parvinrent à l’âge adulte ; décédé le 30 octobre 1836 à Berthier (Berthier-sur-Mer, Québec).
Claude Dénéchau était le frère jumeau de Charles-Denis, qui devint prêtre en 1793 et exerça son ministère dans la paroisse Saint-Joseph, à Deschambault. De son côté, Claude s’intéressa assez tôt au monde du commerce. Il s’associa d’abord à son frère Pierre avec qui il s’installa rue de la Fabrique, à Québec. Dénéchau agit ensuite pour son propre compte en misant sur le commerce d’import-export. Son négoce lui permit d’amasser assez rapidement d’importants capitaux. En peu d’années, il se tailla une place enviable dans la société de Québec. Sa notoriété et la confiance dont il jouissait lui valurent un nombre impressionnant de responsabilités et de charges, entre autres comme curateur de successions et tuteur de jeunes enfants d’amis et de connaissances.
Afin de consacrer sa réussite en affaires et de consolider ses activités commerciales, Dénéchau acquit en 1811, moyennant £4 000, un domaine à Berthier. En 1813, il loua par bail emphytéotique de 29 ans la seigneurie de Bellechasse, propriété des religieuses de l’Hôpital Général de Québec. Dénéchau s’engagea alors à construire un moulin banal, à fournir aux sœurs 480 minots de blé par année et à leur payer une rente annuelle de £62 10s. Dans le but de rentabiliser son investissement, il chercha à améliorer la qualité du blé. En 1818, la Société d’agriculture du district de Québec récompensa ses efforts en lui décernant des prix.
Pour mieux surveiller la mise en valeur de ses terres, Dénéchau alla s’établir avec sa famille au manoir de Berthier après 1813, tout en conservant une autre résidence à Québec. Soucieux d’améliorer les conditions de vie dans sa région d’adoption, il s’associa à Joseph Fraser en 1818 afin d’exploiter un pont à péage sur la rivière du Sud. Il participa activement à la société d’agriculture locale. De 1821 à 1829, il occupa le poste de commissaire chargé de la décision sommaire des petites causes à Berthier et, de 1817 à 1829, celui de commissaire responsable de l’amélioration des communications dans le comté de Hertford.
Dès 1794, Dénéchau témoignait de son attachement et de sa fidélité à la couronne britannique en signant la déclaration de loyauté à la constitution et au gouvernement. La même année, il s’associa à plusieurs de ses concitoyens dans une adresse au prince Edward* Augustus à l’occasion de son départ pour les Antilles ; Dénéchau semblait déjà jouir de l’amitié de ce haut personnage et leurs bonnes relations se poursuivirent jusqu’au décès du duc de Kent en 1820. Dénéchau signa aussi une adresse au gouverneur Robert Prescott*, rappelé en Angleterre en 1799.
La loyauté de Dénéchau lui permit de bénéficier des faveurs gouvernementales. C’est ainsi qu’il reçut une commission de juge de paix pour le district de Québec en janvier 1808, commission qu’on lui renouvela périodiquement jusqu’en 1830. En vertu d’une loi qui datait de 1796, les juges de paix des districts de Québec et de Montréal étaient responsables de l’entretien et de la construction des chemins et des ponts de leur district ; Dénéchau s’occupa avant tout de cet aspect de sa fonction. En 1812, il obtint une commission qui l’habilitait à faire prêter le serment d’allégeance. Deux ans plus tard, on le nomma commissaire chargé de faire appliquer la loi concernant les aliénés. Enfin, en 1818, on lui confia la surveillance des constructions additionnelles et des réparations à l’Hôpital Général de Québec.
En janvier 1800, Dénéchau avait adhéré à la franc-maçonnerie en entrant dans la St Paul’s Lodge de Montréal. La même année, il joignit les rangs de la Merchants’ Lodge No. 40, à Québec. C’était un geste plutôt rare chez un Canadien français, car il entraînait bien souvent l’exclusion des sacrements et une véritable mise au ban par ses compatriotes. Seule peut l’expliquer la volonté de Dénéchau de percer et de réussir dans le monde des affaires, alors assez largement tributaire des marchands et des autorités britanniques. Parrainé par le duc de Kent, il connut une ascension rapide au sein de cette organisation secrète. D’abord trésorier de la Provincial Grand Lodge of Lower Canada en 1801, il accéda, cinq ans plus tard, au poste de grand surveillant, troisième fonction en importance dans la hiérarchie d’une loge. En 1812, il devint grand maître de la même loge puis, en 1820, grand maître provincial pour les districts de Québec et de Trois-Rivières. À ce titre, il assista en 1827 à la pose par le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay] de la première pierre du monument dédié à James Wolfe* et à Louis-Joseph de Montcalm*.
Citoyen en vue de la ville de Québec, Dénéchau s’engagea dans la vie sociale, économique et culturelle de son époque en remplissant une foule de fonctions et de postes au sein de nombreuses sociétés et organisations. Ainsi, de 1801 à 1820 au moins, il participa aux activités de la Société du feu de Québec, dont il fut secrétaire-trésorier de 1803 à 1805, puis président en 1808. De 1805 à 1807, il fut secrétaire-trésorier de la Compagnie de l’Union de Québec, société par actions qu’avaient fondée en 1805 des hommes d’affaires de la région de Québec en vue de financer l’achat et l’aménagement de l’hôtel de l’Union, construit sur la rue Sainte-Anne. Cet établissement devint rapidement un haut lieu des événements sociaux et mondains de Québec ; les francs-maçons y tinrent de nombreuses réunions. De 1811 à 1829, Dénéchau fit partie de la commission chargée de superviser la maison de correction du district de Québec. En 1813, il souscrivit à la Loyal and Patriotic Society of the Province of Lower Canada, destinée à venir en aide aux miliciens blessés. Deux ans plus tard, il contribua au fonds Waterloo, créé pour secourir les familles des morts et des blessés de cette grande bataille. Enfin, il occupa la présidence en 1816 et la vice-présidence en 1818 de la Société bienveillante de Québec, fondée en 1789 afin d’établir un fonds de secours financier pour les membres dans le besoin.
La promotion de l’instruction préoccupa Dénéchau. En 1815, il agit donc comme secrétaire-trésorier d’un comité chargé de promouvoir l’éducation dans toutes les couches sociales, en particulier chez les pauvres. La même année, il occupa le poste de trésorier d’un comité favorable à l’ouverture d’une école gratuite dans la haute ville. Enfin, de 1829 à 1832, il fut membre de la Société d’école britannique et canadienne du district de Québec [V. Joseph-François Perrault].
En 1808, Dénéchau avait cédé aux sollicitations de son entourage et posé sa candidature dans la circonscription de la Haute-Ville de Québec, où il dut affronter Jean-Antoine Panet*. Fort de l’appui du parti des bureaucrates, particulièrement de Pierre-Amable De Bonne* et de Joseph-François Perrault, il fut élu. Il représenta la circonscription jusqu’au 29 mai 1820. À cette époque où les députés ne recevaient pas de salaire, Dénéchau put compter sur ses importants revenus personnels. Il participa régulièrement et activement aux débats, aux réunions de toutes sortes et aux comités parlementaires. Parmi ses nombreuses prises de position, il faut retenir son opposition, en 1809, à la nomination de Panet comme président de la chambre. La même année, tout comme en 1810, il vota contre l’exclusion des juges de la chambre d’Assemblée [V. Pierre-Amable De Bonne]. En 1811, il participa au comité chargé d’étudier un projet de loi en vue d’établir la Maison d’industrie à Montréal. Enfin, en 1818, il s’opposa à la motion de Denis-Benjamin Viger* qui visait à accorder des frais de déplacement aux députés lorsqu’ils venaient siéger en chambre.
Parallèlement à ses activités de commerçant et d’homme politique, Dénéchau occupa d’importantes fonctions au sein de la milice. En 1804, il était lieutenant dans le 1er bataillon de milice de la ville de Québec. Trois ans plus tard, il obtint le grade de capitaine. Il entreprit la guerre de 1812 à ce titre, puis on le muta dans le 6e bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada le 20 mars 1813. Le 17 mars de l’année suivante, on le nomma caissier suppléant au Bureau des billets de l’armée [V. James Green*]. Dalhousie lui accorda le grade de major du 1er bataillon de milice du comté de Québec le 10 avril 1826. Mais c’est le 9 septembre 1828 que Dénéchau atteignit le faîte de sa carrière militaire en recevant le grade de lieutenant-colonel du 6e bataillon de milice du faubourg Saint-Roch.
À partir de 1829–1830, Dénéchau délaissa l’une après l’autre ses nombreuses fonctions judiciaires, administratives et militaires. Âgé de plus de 60 ans, il quitta définitivement Québec, menacé alors par les épidémies, et alla rejoindre sa famille au manoir de Berthier. De profonds bouleversements marquèrent les dernières années de sa vie. Il connut d’abord des revers de fortune importants qui sont sans doute attribuables aux changements politiques, aux mauvaises récoltes des années 1832–1836, aux créances douteuses et aussi, selon plusieurs contemporains, à sa générosité excessive.
Dénéchau mourut le 30 octobre 1836, victime d’une violente attaque d’apoplexie. À la suite des interventions soutenues de sa famille, surtout celles de son frère Charles-Denis, et du curé de Berthier, et probablement parce qu’il était las de supporter la marginalité où l’avaient confiné ses contemporains, Dénéchau avait abandonné la franc-maçonnerie quelques mois avant de mourir. Aussi, revenu depuis peu dans le giron de l’Église, il eut droit aux secours de la religion et aux honneurs dus à son rang ; on l’inhuma dans l’église de Berthier.
Claude Dénéchau laissa une succession insolvable et onéreuse, à laquelle sa veuve et ses enfants préférèrent renoncer. De plus, Adélaïde Gauvreau abandonna ses prétentions à la communauté des biens stipulée dans son contrat de mariage. Elle conserva toutefois ses biens propres. Elle dut cependant remettre la seigneurie de Bellechasse aux religieuses de l’Hôpital Général en 1838. Quelques années plus tard, elle vendit le domaine, le moulin et le manoir. En dépit de cette situation financière peu reluisante, tous ses enfants reçurent une excellente instruction, exercèrent des professions importantes et contractèrent des alliances matrimoniales avantageuses.
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Yves Beauregard, « DÉNÉCHAU, CLAUDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/denechau_claude_7F.html.
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Auteur de l'article: | Yves Beauregard |
Titre de l'article: | DÉNÉCHAU, CLAUDE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |