COLCLOUGH, CÆSAR, juge, né en 1764 dans le comté de Wexford (république d’Irlande), fils aîné d’Adam Colclough, de Duffrey Hall, et de Mary Anne Byrne, du comté de Dublin ; le 24 octobre 1804, il épousa Susan Leech, et ils eurent deux filles qui vécurent jusqu’à l’âge adulte ; décédé le 10 février 1822.
Issu d’une influente famille de la gentry irlando-protestante, Cæsar Colclough soutint fermement le gouvernement anglais lorsque celui-ci réprima les rébellions irlandaises de 1798. Dès lors, il devait jeter un regard désapprobateur sur le moindre signe de « démocratie » et pouvoir compter sur la gratitude des autorités, reconnaissantes de sa loyauté. Grâce à l’appui d’amis et de protecteurs puissants, dont le duc de Kent [Edward* Augustus], lord Camden (lord-lieutenant d’Irlande en 1798) et Charles O’Hara (un des députés de l’Irlande au Parlement), Colclough fut nommé juge en chef de l’Île-du-Prince-Édouard le 1er janvier 1805. Assuré d’un salaire annuel de £500, il succédait à son compatriote Robert Thorpe*, nommé juge de la Cour du banc du roi dans le Haut-Canada. En raison des controverses qui secouaient l’île et de la piètre compétence des juges en chef qui s’y étaient succédé rapidement pendant les premières années du xixe siècle, les pratiques judiciaires se trouvaient dans une très grande confusion ; Colclough, avocat qualifié, était envoyé pour y mettre de l’ordre.
Colclough ayant demandé de passer l’été en Grande-Bretagne pour régler ses affaires commerciales et ayant bénéficié sur ce point de l’appui du duc de Kent lui-même, il n’arriva à Halifax que le 25 novembre 1806. Il était d’autant moins pressé de se rendre dans l’île que les nouvelles de Charlottetown laissaient entrevoir une situation politique et judiciaire byzantine. En outre, d’après sir John Wentworth*, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, le seul moyen pour Colclough de ne pas se mêler de la vie politique de l’île et de demeurer impartial était de s’y rendre uniquement quand il aurait à siéger au tribunal. De plus, comme il était un homme sociable et hospitalier qui appréciait la « bonne compagnie », Colclough trouvait la société de Halifax assez agréable. Il commença donc à chercher un nouveau poste avant même d’avoir exercé ses fonctions.
Finalement, comme on lui avait offert une maison convenable à louer à Charlottetown, Colclough arriva dans l’île le 3 juillet 1807. Sa première impression ne fut guère favorable. L’île, signala-t-il à Charles O’Hara, était largement peuplée d’Écossais des Highlands qui, sous le rapport « de la fainéantise, de la malpropreté et de l’ivrognerie », surpassaient toutes les races d’hommes. Quant au chef du gouvernement, le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres Colclough le qualifiait de vieil aventurier suisse qui avait « bon cœur et pas de jugement » et qui vivait sous la coupe d’un malhonnête attorney irlandais (James Bardin Palmer) jouant le rôle de « premier ministre ». À sa grande surprise, cependant, le nouveau juge en chef trouva bientôt de la compagnie à sa convenance parmi les « meilleures classes » de l’île, et surtout parmi les fonctionnaires qui avaient soutenu l’ancien lieutenant-gouverneur, Edmund Fanning*. Petit à petit, il « accepta [son] sort », même si lui et DesBarres, « un vieux radoteur de plus de quatre-vingts ans », se déplurent tout de suite, en partie sans doute à cause de la facilité avec laquelle le nouveau venu se laissa entraîner dans le camp de l’opposition.
Malgré un manque avoué de collaboration avec DesBarres, le juge en chef parvint à demeurer à l’écart des grands débats politiques jusqu’en 1809. S’il put, comme il l’avait annoncé, s’en tenir aux questions judiciaires, c’est que le lieutenant-gouverneur soumettait rarement des affaires importantes au Conseil de l’Île-du-Prince-Édouard, dont Colclough était le président. Au printemps de 1809, toutefois, certaines décisions prises sur des questions judiciaires le lancèrent dans une lutte ouverte contre les partisans de DesBarres, qui s’étaient regroupés en une société appelée les Loyal Electors. À ce moment, la carte politique de l’île s’était précisée : les Loyal Electors attaquaient les propriétaires au nom du peuple tandis que le parti populaire, plus ancien, se trouvait sur la défensive. (Ce parti, qu’on associait à Peter Stewart* et à sa famille, était surnommé la « cabale » par ses ennemis et le « vieux parti » par ses partisans.) DesBarres prônait depuis plusieurs années la création, dans les comtés, de cours des sessions qui seraient présidées par des juges de paix et il appuyait fortement la nomination de certains de ses partisans, comme Angus Macaulay et William B. Haszard, même s’ils n’avaient pas la formation juridique requise. Tout en s’appuyant sur l’avis de la Nouvelle-Écosse, Colclough décida de s’opposer à une telle décentralisation de l’administration de la justice ; il irrita encore davantage le groupe de DesBarres en proposant comme candidats aux postes de shérif des ennemis reconnus du lieutenant-gouverneur et de chauds partisans des « droits de propriété » dans l’île.
Les Loyal Electors, qui se réunissaient chaque mois à la Bagnall’s Tavern, accrurent leur nombre pendant l’été de 1809. Leur secrétaire, William Roubel, écrivit plus tard que leur organisation se consacrait à l’examen « de mesures propres à assurer l’entrée d’hommes indépendants et intègres et de personnes à la réputation inattaquable à la chambre d’Assemblée », afin de contrer l’influence « d’un groupe de personnes qui (soit personnellement ou par l’entremise de leurs représentants peu scrupuleux) étaient engagées dans de monstrueuses spéculations foncières ». Par malheur, les chefs des Loyal Electors, et surtout James Bardin Palmer, n’avaient pas eux-mêmes une « réputation inattaquable », nombre d’entre eux étant des spéculateurs fonciers que seule leur exclusion du pouvoir empêchait de se livrer à des opérations « monstrueuses ».
Au début de 1810, le capitaine John MacDonald* of Glenaladale remit au juge en chef des extraits de la correspondance entre Roubel (que MacDonald qualifia ailleurs de « principal subalterne » de Palmer) et le propriétaire John Hill*. Ces passages mettaient sérieusement en doute l’impartialité et la compétence de Colclough. Roubel, qui agissait comme procureur dans de nombreuses poursuites contre des membres du « vieux parti », prétendait que le juge en chef était beaucoup trop lié avec eux et qu’il les favorisait en cour. Ces accusations n’étaient pas dénuées de vérité, car Colclough était un bon vivant qui recherchait toujours la compagnie de gens « distingués », ce qui, dans l’île en 1810, signifiait les grands propriétaires terriens et les fonctionnaires. Mais aucun juge en chef qui habitait l’île ne pouvait s’empêcher d’être ami avec nombre des plaideurs qui comparaissaient devant lui, et il lui était probablement inutile de noyauter les jurys pour qu’ils soient favorables à ses amis, puisqu’en tant que propriétaires terriens ils avaient ordinairement la loi (sinon la justice) pour eux. Néanmoins, Colclough voyait combien sa position était délicate et, s’il affirmait à son ami O’Hara être le seul dans l’île à n’avoir « aucun vice de parti ni aucun dépit à nourrir », il se disait prêt à accepter le poste de juge en chef de Terre-Neuve à condition d’obtenir un salaire annuel de £1 000. « Notre gouverneur, ajoutait-il, est si indécis lorsqu’il s’agit de faire ce qui est bon et si résolu quand il s’agit de faire ce qui est mauvais. »
Le conflit latent qui opposait les Loyal Electors au vieux parti » éclata au grand jour en 1810, à la mort du procureur général Peter Magowan*. DesBarres appuya Palmer à la succession de Magowan. Comme Palmer avait fait dans le passé, à titre personnel, des transactions douteuses et comme on croyait qu’il prenait du bois sur des terres qui ne lui appartenaient pas, les grands propriétaires qui vivaient en Angleterre furent convaincus – comme lord Selkirk [Douglas*] le dit d’un ton tranchant – qu’il y avait « énormément à redire [contre Palmer] sur tous les points » et qu’il ne devait y avoir pour lui « aucune possibilité de recevoir un appui quelconque du gouvernement ». Charles Stewart* obtint le poste, et les Loyal Electors se trouvèrent bientôt au centre d’un débat public. Au printemps de 1811 commença à circuler une rumeur selon laquelle un comité secret avait été formé pour « diriger les affaires de la société ». Les principaux membres des Loyal Electors envoyèrent à DesBarres de longues déclarations sous serment dans lesquelles ils rejetaient les insinuations de conspiration et écorchaient Stewart, Colclough et les deux juges adjoints, Robert Gray et James Curtis*. Apprenant l’existence de ces déclarations, Colclough et ses collègues se rendirent à la résidence du lieutenant-gouverneur en octobre 1811. D’après ce qu’ils rapportèrent plus tard, Colclough aurait dit à DesBarres que, « comme certaines de ces déclarations sous serment contenaient des paroles calomnieuses et hautement diffamatoires sur l’administration de la justice dans l’île », il avait « confiance que Son Excellence, suivant ce qu’elle avait souvent répété à cet effet, accepterait que la justice suive son cours ». À cela DesBarres répondit : « Dieu interdit qu’elle ne le fasse pas. » Puis il envoya les visiteurs à son secrétaire avec permission d’examiner les documents, apparemment inconscient de ce qui s’ensuivrait.
Évidemment, les juges recopièrent les documents et apportèrent sans tarder les copies au procureur général Charles Stewart. Celui-ci émit l’avis que « pareil corps politique permanent et créé par ses propres moyens, organisé à la manière des compagnies et réuni en vue de dominer la représentation du peuple à la chambre d’Assemblée ainsi que la nomination des fonctionnaires » et qui tentait de « mettre la main sur tout le pouvoir du gouvernement » contredisait sûrement « le génie et l’esprit de la Constitution ». Même si aujourd’hui il peut sembler incroyable que l’on ait ainsi condamné ce qui n’était après tout qu’un parti politique naissant, il faut se rappeler que la tradition politique britannique avait toujours été hostile aux partis, comme aux organisations quasi politiques, leur prêtant immédiatement des visées rebelles. Le gouvernement britannique se rangea à l’avis de Stewart et ne manifesta plus aucune sympathie envers les Loyal Electors de l’Île-du-Prince-Edouard. De toute façon, que l’association ait été constitutionnelle ou non, les déclarations sous serment, notamment celles d’Angus Macaulay, de William Roubel et de William Haszard, étaient tout à fait diffamatoires, non seulement parce qu’elles ternissaient des réputations mais aussi parce qu’elles discréditaient les organismes gouvernementaux établis (délit connu alors sous le nom de diffamation séditieuse). Roubel avait porté plusieurs accusations de partialité et d’ignorance contre les juges de la Cour suprême, tandis que Macaulay avait fait des allégations non prouvées contre l’administration de la justice et son ancien employeur, lord Selkirk. Colclough permit à Stewart de déposer les déclarations sous serment en Cour suprême à la fin d’octobre 1811 et, quand Roubel refusa de s’excuser de ses propos, les juges radièrent péremptoirement son nom de la liste des attorneys autorisés à paraître au tribunal. Des plaintes en diffamation furent déposées contre Haszard et Macaulay, mais aucune mesure ne fut prise dans l’immédiat.
Chose compréhensible, les relations de Colclough et de DesBarres s’envenimèrent encore, leur mésentente atteignant son paroxysme au début de 1812. Le juge en chef a décrit en ces termes leur dernier affrontement, à la réunion du Conseil exécutif du 26 mars : « Le gouverneur, après quelques expressions très peu mesurées, se jeta contre le dossier de son fauteuil et, ramassant toute l’haleine fétide qu’il pouvait dans sa bouche, me la souffla en pleine figure. Avec plus de sang-froid que je ne croyais en avoir, je me levai calmement et dis que je ne pouvais pas rester pour tolérer pareille conduite et, tandis que je me retirais, lui continuait de la manière la plus entêtée à répéter « Bonjour à vous, bon juge en chef, rentrez chez vous et remettez-vous à l’étude du droit », ce à quoi je me contentai de répondre que ma connaissance du droit était au moins égale à celle que Son Excellence avait de la politesse. » Quelques semaines plus tard eurent lieu des élections générales qui portèrent de cinq à sept le nombre de Loyal Electors à l’Assemblée, malgré la défaite de William Roubel dans Charlottetown. La lutte avait été serrée et John Frederick Holland*, tout comme Charles Stewart, avait dû se retirer de la tribune électorale à cause de l’hostilité populaire. Leur défaite signifiait que le « vieux parti » victorieux se retrouvait sans chef à la chambre et, pendant qu’il tentait de se regrouper, il chercha à contrecarrer l’opposition en boycottant la première session. En dépit de l’absence de six députés, l’Assemblée poursuivit ses travaux, dominée par Palmer et les Loyal Electors.
En réponse à une demande de renseignements, DesBarres écrivit au président de la chambre, Ralph Brecken, que les déclarations sous serment des Loyal Electors avaient été remises à la Cour suprême sans son autorisation. Reconnaissant que les juges lui avaient rendu visite et qu’il leur avait permis de consulter les documents, DesBarres souligna qu’il ne lui était « jamais venu à l’esprit que ces déclarations pourraient être utilisées pour intenter des poursuites au criminel contre les personnes qui les avaient faites », car elles devaient plutôt servir à le soutenir contre des accusations du conseil. Le lieutenant-gouverneur disait sans doute vrai, mais sa mauvaise compréhension de la situation ne prouvait pas que les juges avaient obtenu les déclarations sous de fausses représentations ni que leur conduite avait été « arbitraire, irrespectueuse et illégale », comme le fit valoir une résolution subséquente de l’Assemblée (présentée par Angus Macaulay et adoptée par les députés restants). Profitant de cette résolution, DesBarres suspendit Colclough le 30 septembre 1812.
Entre-temps, le 4 mai 1812, les propriétaires s’étaient réunis à Londres pour examiner « la déplorable et dangereuse situation » de l’île et avaient nommé un comité formé de Robert Montgomery, John Hill et lord Selkirk pour l’exposer au gouvernement britannique. Leur principal but était de faire remplacer DesBarres, qu’ils décrivaient comme un homme « tombé dans un gâtisme absolu et [...] complètement dominé par un aventurier à la personnalité infâme [James Bardin Palmer], sous l’influence duquel tous les pouvoirs du gouvernement [étaient] ployés aux pires fins [... et qui] dans bien des cas a[vait] agi comme un parfait escroc ». Même si ces accusations contenaient une énorme part de vérité, il était aussi faux qu’injuste de décrire les Loyal Electors comme une société d’Américains déguisés en loyalistes qui espéraient « une invasion des Américains républicains ». Néanmoins, tout cela impressionna lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, qui, en août 1812, rappela DesBarres et démit Palmer de ses nombreuses fonctions.
Au moment de la mort subite du procureur général Charles Stewart, au début de 1813, tous les principaux acteurs de la crise de 1811–1812, à l’exception de Colclough, avaient quitté l’île. DesBarres, Palmer et Roubel étaient partis, le dernier en menaçant Colclough de l’accuser de mauvaise conduite. L’administrateur intérimaire, William Townshend*, avait réinstallé le juge en chef dans ses fonctions en octobre 1812, mais Colclough dut encore faire face à beaucoup d’hostilité à Charlottetown. En avril 1813, quelqu’un afficha près de chez lui un avis l’accusant (lui qui venait juste de libérer, pour des motifs de procédure, deux meurtriers qui avaient plaidé coupable) d’être « l’ami et le protecteur des plus vils de tous les mécréants, et même des assassins, ces verseurs de sang humain ». Cette accusation troubla beaucoup plus sa femme que la controverse des Loyal Electors ou les plaintes plus anciennes selon lesquelles Colclough avait battu publiquement son serviteur ou avait souvent été vu en état d’ébriété dans les rues de Charlottetown. C’est donc avec impatience que la famille attendit sa mutation imminente à Terre-Neuve, résultat d’une décision prise par le gouvernement britannique d’échanger deux juges en chef impopulaires [V. Thomas Tremlett]. Les Colclough débarquèrent enfin à St John’s en septembre 1813.
Colclough, qui s’était déclaré très mécontent du salaire qu’il recevait à l’Île-du-Prince-Édouard, découvrit avec consternation que sa situation avait été bien meilleure là-bas. Comme le gouverneur, sir Richard Goodwin Keats, l’écrivit à Londres au moment de l’arrivée de Colclough, « le loyer, le chauffage, les gages des domestiques et tous les vivres (sauf le poisson) [étaient] plus chers à St John’s que dans tout autre endroit de [sa] connaissance ». Le juge en chef trouva son travail « lourd et varié » : les plaideurs, profanes, n’avaient pas de formation juridique, et les actes criminels étaient nombreux parmi la tapageuse communauté irlandaise de la ville. Colclough se plaignit avec amertume que, pour la première fois de sa vie, le manque d’argent l’obligeait à vivre « à l’écart de la société » ; il devait aussi se défendre contre les accusations lancées contre lui en Angleterre par William Roubel, qui avait préparé un acte d’accusation de 16 chefs. Heureusement pour Colclough, le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, rejeta sur-le-champ la plupart des accusations et ne réclama des explications que sur sept d’entre elles, qui touchaient surtout au rôle de Colclough dans l’affaire des déclarations sous serment. C’était peut-être le point le plus facile à défendre, et il le fit avec brio.
Même après que Colclough eut rétabli son intégrité aux yeux du ministère des Colonies, ses ennemis diffusèrent à Terre-Neuve des copies imprimées des accusations de Roubel sans indiquer le sort qu’elles avaient connu à Londres. Cette « persécution des plus injustes et des plus malicieuses » vint s’ajouter aux inquiétudes financières et aux lourdes responsabilités officielles du juge en chef. Celles-ci étaient effectivement considérables puisque, en l’absence du gouverneur (un officier de marine qui ne passait d’ordinaire que quelques mois par an à St John’s), le juge en chef était le plus haut fonctionnaire britannique, rôle que Colclough prenait peut-être avec beaucoup trop de sérieux. Toujours hostile au peuple, il trouvait les chahuteurs irlandais de la ville insupportables et il commença à voir des conspirations et des complots dans les rixes constantes de St John’s. Finalement, après avoir tenté plusieurs fois avec un succès mitigé d’user de son poste de juge en chef pour restaurer la loi et l’ordre, Colclough défia les pauvres de la communauté irlandaise en se servant du fait que l’on avait découvert des cas de rage sur un navire en rade comme prétexte pour ordonner l’extermination de tous les chiens trouvés en liberté dans la ville, exception faite de ceux qui étaient muselés et attelés à un traîneau. Naturellement, cette mesure lui valut une « lettre menaçante et séditieuse ». Colclough justifia sa sévérité en écrivant au gouverneur que, par expérience, il savait que « la douceur et les temporisations du gouvernement en Irlande dans les années précédant 1798 [avaient] nourri et fait mûrir la rébellion ». Pour sa part, le gouverneur Keats avait plutôt tendance à imputer la conduite désordonnée de la populace aux salaires élevés et à la bonne humeur mais, à ce moment-là, il ne vivait pas à St John’s. Colclough écrivit des lettres de plus en plus hystériques, tantôt pour manifester sa crainte de complots irlando-catholiques, tantôt pour se plaindre de son salaire, de la persécution que lui faisaient encore subir ses ennemis de l’Île-du-Prince-Édouard et de sa mauvaise santé. Son médecin, William Carson*, certifia que Colclough avait les nerfs complètement ébranlés et qu’il avait besoin d’être relevé temporairement de ses lourdes responsabilités. Finalement, à l’automne de 1815, on lui accorda un congé pour se rendre en Grande-Bretagne. Une fois à Londres, Colclough harcela le ministère des Colonies par des visites et des lettres, d’abord pour avoir une augmentation de salaire, ensuite pour faire prolonger son congé, puis pour obtenir une retraite à la moitié de son salaire et enfin pour se retirer avec une pension qui dépassait ce que le secrétaire d’État aux Colonies trouvait justifié. Il passa ses dernières années en France et en Irlande.
Les prétentions mondaines de Cæsar Colclough et son hostilité envers les classes inférieures irlandaises étaient légendaires dans son pays et firent naître une série d’anecdotes acérées, d’abord dans la région de Wexford. Mais les historiens de Terre-Neuve l’ont dénigré tout autant. Ainsi le juge Daniel Woodley Prowse* le qualifia d’« absurde don Pomposo » et de « juge très inefficace ». Le premier terme était assez exact, mais le second était absolument injuste. Pendant ses deux ans à Terre-Neuve, Colclough s’était occupé de 995 actes judiciaires, de 80 causes fondées sur un mémoire et de 97 homologations de testament. Dans l’ensemble, ces causes n’étaient pas simples car, en l’absence d’avocats qualifiés, le juge devait s’accommoder de plaidoyers d’amateurs, ce qui l’obligeait à traiter chaque cas individuellement et à le peser longuement avec soin ; de plus, cette manière de procéder ne favorisait guère l’établissement de précédents ou la constitution d’une jurisprudence. En outre, même si Colclough avait réagi avec excès aux désordres de St John’s, il faut se rappeler qu’il était l’unique représentant important des autorités civiles britanniques à en être le témoin direct et à devoir y faire face. Ce fait, bien sûr, en révèle autant sur l’attitude du gouvernement britannique à l’égard de Terre-Neuve que sur Cæsar Colclough lui-même.
National Library of Ireland (Dublin), Dept. of mss, ms 20287 (5) (papiers O’Hara), Colclough à Charles O’Hara, 14 août, 9 sept. 1807, 11 nov. 1809, 5 févr. 1810, 11 janv., 18 oct. 1812, 8 avril 1813, 22 févr. 1814.— PAPEI, Acc. 2849/129–130.— PRO, CO 194/54–58 ; 226/21–22 ; 226/24–26 ; 226/28–29.— [J. B.] Burke, Burke’s Irish family records (5e éd., Londres, 1976).— Jonah Barrington, Personal sketches of his own times (3e éd., 2 vol., Londres, 1869).— Prowse, Hist. of Nfld. (1895).— J. M. Bumsted, « The Loyal Electors of Prince Edward Island », Island Magazine, no 8 (1980) : 8–14.
J. M. Bumsted, « COLCLOUGH, CÆSAR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/colclough_caesar_6F.html.
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Auteur de l'article: | J. M. Bumsted |
Titre de l'article: | COLCLOUGH, CÆSAR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |