BATT, ISAAC, trafiquant de fourrures, né vers 1725, probablement à Stanstead Abbots, Hertfordshire, Angleterre, où il épousa le 18 avril 1761 Sarah Fowler, décédé pendant l’été de 1791 près de Manchester House (à proximité de Pike’s Peak, Saskatchewan).

Isaac Batt fut d’abord engagé par la Hudson’s Bay Company en 1754 pour travailler comme manœuvre à York Factory (Manitoba) durant cinq ans, au salaire de £10 par année. À l’automne de 1758, l’agent principal de ce poste, James Isham*, envoya Batt et George Potts vers l’intérieur en compagnie d’un groupe d’Indiens venus à York avec les trafiquants Joseph Smith* et Joseph Waggoner. Il est certain que l’expédition fut un succès, car, le 29 août 1759, Isham écrivait au comité de Londres : « Isaac Batt, qui est ai-rivé avec 64 canots en juin dernier, est de nouveau reparti vers l’intérieur. » Désormais rompu à ces expéditions et à la traite, Batt entendait « retourner au pays », selon Isham, à moins que son salaire ne fût porté à £20 par année. Le comité ayant rejeté la demande de Batt, celui-ci regagna l’Angleterre en septembre 1760. Toutefois, en septembre 1762, il était de retour à York, toujours en qualité de manœuvre, au salaire annuel de £10, mais avec la promesse d’une gratification de £10. À cette époque, Batt était marié ; de 1763 à 1766, à sa propre demande, une somme de £4 ou £5 fut déduite chaque année de son traitement pour l’entretien de sa femme Sarah, dont on n’entend plus parler par la suite.

Comme auparavant, Batt fut affecté principalement au commerce à l’intérieur des terres, mais ses responsabilités s’accrurent à mesure que les problèmes auxquels la compagnie faisait face dans ce domaine devenaient de plus en plus nombreux. À l’automne de 1763, Batt et Joseph Smith furent envoyés vers l’intérieur avec mission « d’amener des Indiens étrangers à faire la traite ». L’année suivante, on les chargea d’« empêcher la guerre entre les indigènes et [de] se renseigner autant que possible sur les empiétements des [marchands] interlopes [groupe rival de trafiquants rattachés à une compagnie de Montréal] ». Batt et Smith firent route vers l’intérieur, chacun étant guidé par un agent indien (leading Indian) connu dans les postes situés sur les rives de la baie. Cette façon de voyager renforçait la loyauté de tels Indiens, comme Wapinesiw et Matonabbee, envers la compagnie. Lorsque le comité de Londres recommanda à Ferdinand Jacobs, agent principal à York Factory, d’abandonner cette pratique, celui-ci expliqua : « les individus avec lesquels ils [les trafiquants] vont (ce sont des agents indiens de premier ordre) peuvent s’en offenser et ne pas venir à [York] Factory, et empêcher d’autres Indiens de venir faire la traite [...] car ils tirent un bénéfice considérable du séjour de ces hommes dans leur famille et si on les prive soudainement de ce bénéfice, on peut, en les irritant, les inciter à échanger leurs fourrures avec les trafiquants indépendants [pedlars». En 1768, Batt, qui effectuait des voyages à l’intérieur chaque année, avait la réputation d’être un des employés de la compagnie les plus influents auprès des Indiens de la région de ce qui est aujourd’hui Le Pas, Manitoba, et on le tenait pour « un excellent et très honnête employé ». Il accomplit son travail efficacement et sans interruption jusqu’en 1772, alors qu’on lui permit de regagner son pays pour y passer une année. Il prit congé à l’automne.

De retour à York Factory en 1773, Batt éprouva des difficultés jusqu’à la fin de sa vie à obtenir de l’avancement ; il n’avait pas la formation requise pour s’adapter aux conditions et aux exigences nouvelles de la traite dans l’intérieur des terres. Comme de nombreux autres employés de la compagnie, en ce milieu du xviiie siècle, il était illettré et se trouvait donc incapable de tenir un journal de voyage. Des trafiquants plus jeunes, comme Matthew Cocking et William Tomison*, n’avait pas un tel handicap. Tandis que Batt demeurait manœuvre, homme de canot et homme de barre, à un salaire ne dépassant jamais £20 par année, des employés moins anciens mais mieux préparés que lui à la tenue des registres se virent confier les postes de commande de la traite des fourrures à l’intérieur des terres. Lassé de ne pas être promu, il se fit attentif aux offres d’emploi des concurrents de la compagnie. Pendant la saison de 1771–1772, des trafiquants de Montréal, notamment Thomas Corry, l’avaient abordé. Ils souhaitaient le voir, ainsi que Louis Primeau, se joindre à eux « parce qu’ils attiraient] les indigènes ». En 1774, alors que Batt s’efforçait péniblement, avec Samuel Hearne, Charles Thomas Isham* et d’autres, de fonder les établissements de « Basqueawe » (Le Pas) et de Cumberland House (Saskatchewan), il reçut une nouvelle offre. Le 30 juin 1775, Hearne rapporta sa décision au comité de Londres en ces termes : « L’avantage que vous espériez obtenir, messieurs, de ce que Batt connaît ces régions, a été anéanti par le fait qu’il a quitté votre service et s’est joint aux trafiquants indépendants. »

Malgré ses points faibles, Batt demeurait un employé utile, et le fait qu’il ait abandonné la Hudson’s Bay Company pour travailler avec Joseph Frobisher* et d’autres causait des inquiétudes aux dirigeants de la compagnie. Humphrey Marten, agent principal à York Factory, lui envoya sans tarder un mot pour le prier instamment de revenir. Au moment où la requête lui parvint, en octobre 1776, Batt était disposé à l’accueillir favorablement, « étant fatigué des trafiquants indépendants ». Frobisher lui donna donc son congé au printemps de 1777.

Même si Batt fut bien reçu quand il revint à la compagnie, sa défection lui avait fait perdre du crédit. Marten nota qu’il se rendait utile dans le transport des marchandises et la chasse à l’orignal, mais il le trouvait « trop léger pour avoir le commandement d’un endroit ». Cocking le jugeait « un intarissable bavard ». La loyauté de Batt, qui avait pourtant présenté aux dirigeants de la compagnie un rapport détaillé sur les postes et le commerce des trafiquants indépendants, fut désormais mise en doute. Jusqu’à une époque avancée des années 1780, il sut néanmoins se faire apprécier par les services qu’il rendit, lors des expéditions à l’intérieur des terres, en tant qu’homme de canot, trafiquant et chasseur, comme en témoignent les journaux de l’époque de certains postes, dont celui de Cumberland House. Cependant, en 1791, Batt était « un vieil employé, presque fini ». Tomison, en le laissant à Manchester House, sur la rivière Saskatchewan-Nord, en mai 1791, estimait qu’il n’était plus « en état d’accomplir aucun travail, si ce n’est de faire partie du nombre [des hommes qui se trouvaient là] ».

En octobre 1791, Tomison retourna à Manchester où il apprit « la fin malheureuse d’Isaac Batt, dont il fut lui-même [Batt] grandement responsable ». Pendant l’été, Batt et quelques hommes étaient allés à la chasse en compagnie de deux « chenapans » indiens, avec six chevaux, deux fusils et quelques provisions. Les Indiens, « n’ayant rien à eux », convoitaient ses biens et, tandis que Batt « passait le calumet à l’un, l’autre lui tira une balle dans la tête », après quoi « ils prirent la fuite avec le tout ». Batt fut le premier employé de la Hudson’s Bay Company à être tué par des Indiens dans la région de la Saskatchewan.

Des documents indiquent que dès 1777 Batt s’était lié à une Indienne et qu’il eut des descendants dans la région où il faisait la traite des fourrures. En effet, James Spence, père, son associé, laissa un héritage à son « épouse indienne Nestichio, fille du défunt Isaac Batt », et à leurs quatre enfants.

Jennifer S. H. Brown

HBC Arch., Isaac Batt file ; A.1/39, p.306 ; A.1/42, ff.34, 97–98, 126, 156, 187 ; A.11/115, ff.16, 22, 24–25, 50, 63, 74, 80, 85, 111, 120, 122, 137, 144, 153, 158, 171, 182 ; A.11/116, ff.22–23 ; A.11/117, f.135 ; A.30/1, ff.62, 79 ; A.30/2, f.12 ; A.30/3, ff.15, 38, 62 ; A.30/4, f.74 ; A.30/5, f.39 ; A.32/3, f.229 ; A.36/12, f.224 ; B.121/a/6, f.35 ; B.121/a/7, ff.13–14 ; B.239/a/72, f.43d.— Hertfordshire Record Office (Hertford, Angl.), D/P102 1/3 (registre des mariages de Stanstead Abbots, 18 avril 1761).— HBRS, XIV (Rich et Johnson) ; XV (Rich et Johnson) ; XXVI (Johnson).

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Jennifer S. H. Brown, « BATT, ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/batt_isaac_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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