ISHAM, JAMES, agent de la Hudson’s Bay Company, naturaliste, né vers 1716 dans la paroisse St Andrew’s, Holborn, Londres, fils de Whitby lsham et d’Ann Skrimshire ; il épousa Catherine Mindham en 1748 à Londres ; décédé le 13 avril 1761 au fort York (York Factory, Man.).
James Isham commença sa carrière à la Hudson’s Bay Company en 1732 et travailla continuellement à la baie d’Hudson jusqu’à sa mort, à l’exception de brèves visites en Angleterre en 1737, 1745, 1748, et 1758. Bien que son style, sa grammaire et son orthographe aient toujours été quelque peu fantaisistes, ses écrits fournissent des renseignements essentiels à tous ceux qui s’intéressent au commerce des fourrures au xviiie siècle ; ils nous permettent également de comprendre les problèmes de la compagnie face à l’opposition dressée contre elle et aux défis à relever, et ils nous fournissent une étude de la flore et de la faune de Rupert’s Land. Isham fut à la fois un traiteur intelligent et habile, un planificateur et un stratège perspicace, ainsi qu’un naturaliste consciencieux et doué du sens de l’observation.
Comme il avait reçu une instruction assez poussée, la Hudson’s Bay Company l’engagea en 1732 en tant qu’« écrivain » et l’envoya au fort York pour y apprendre la tenue des livres. Plus tard dans sa carrière, Isham fut accusé d’exercer une autorité arbitraire, tant en dirigeant le commerce de son poste qu’en entraînant ses hommes. Toutefois, dans les premiers rapports, on ne trouve que des louanges sur la modération de sa conduite, son caractère industrieux et ses progrès. En 1736, alors qu’il n’avait que 20 ans, il fut nommé pour remplacer Thomas White comme commandant du fort, si ce dernier persistait à vouloir retourner en Angleterre ; en 1737 il prit le commandement au départ de White. Il désirait lui-même vivement rentrer au pays, et, à l’origine, il ne devait occuper le poste de commandant que jusqu’à ce qu’un remplaçant fût envoyé d’Angleterre ; néanmoins, jusqu’en 1741, il demeura au fort où il améliora ses capacités de trafiquant et où il apprit à connaître les « Indiens Français » qui descendaient des postes que Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye était en train d’établir près du lac Ouinipigon (lac Winnipeg). Au cours de cette période, Isham montra une remarquable indépendance d’esprit dans ses observations sur les articles de traite qui lui étaient envoyés et dans ses réponses aux nombreuses demandes de renseignements qui lui étaient adressées. Il fit preuve d’une compréhension clairvoyante du caractère des Indiens, fit progresser le commerce de son poste, entreprit de rédiger des rapports systématiques sur ses subordonnés et commença à s’intéresser à l’histoire naturelle de la région.
La première contribution importante d’Isham à l’étude de cette science nous est rapportée par le naturaliste George Edwards, qui déclara en 1750 dans son ouvrage : Natural history of uncommon birds,
À l’exception du fait qu’on n’avait pas tenu compte de son opinion suivant laquelle l’ancien emplacement du fort York était trop marécageux pour supporter le poids d’un édifice de pierre, tous les éléments étaient favorables à Isham lorsqu’il fut transféré à Churchill (Man.) en 1741. Ce déplacement était un témoignage de confiance, puisque la compagnie avait pour politique de concentrer le commerce derrière les fortifications de pierre que l’on était en train de construire à Churchill. Bien que le fort York fût resté, dans une certaine mesure, un centre de communication avec les « Indiens de l’Ouest » et un bastion contre les « empiétements » des Français, il allait dépendre de Churchill. Toutefois, l’idée qui avait été lancée précédemment d’utiliser Churchill comme point de départ des recherches pour découvrir la rivière Coppermine dont parlait la rumeur publique et pour développer le commerce avec les Esquimaux et les Athapascans du Nord avait été abandonnée. Cette idée avait été rejetée depuis qu’Arthur Dobbs avait persuadé sir Bibye Lake, gouverneur de la compagnie, d’envoyer le capitaine James Napper* en expédition vers le nord à partir de Churchill jusqu’à l’inlet de Rankin en 1737. Dobbs et le capitaine Christopher Middleton refusèrent de considérer l’expédition peu concluante de Napper comme la fin de la recherche d’un passage au nord-ouest et en 1741 ils se firent prêter deux navires pour une nouvelle expédition commandée par Middleton. Lorsqu’il se rendit à Churchill en 1741, Isham avait reçu de Londres l’ordre de prêter assistance à Middleton si celui-ci se trouvait en péril grave ou s’il risquait de perdre son navire. En outre, il avait reçu des directives supplémentaires lui enjoignant de fournir à Middleton la meilleure assistance possible, et Thomas White, qui venait d’arriver de Londres afin de prendre la relève au fort York avant le départ d’Isham pour Churchill, lui transmit oralement d’autres instructions plus détaillées. Cependant, comme aucune ligne de conduite précise ne lui avait été fixée, Isham fut quelque peu dans l’embarras à son arrivée à Churchill à la mi-août 1741, lorsqu’il trouva les deux navires déjà à l’ancre et leurs équipages se préparant à y passer l’hiver.
Toutefois, Isham et Middleton se connaissaient bien et avaient beaucoup de points communs du fait de leur curiosité scientifique et de leur mépris des charlatans. Les hommes de Middleton qui vivaient dans le vieux fort furent victimes pendant l’hiver du froid, du scorbut, de l’oisiveté et de l’alcool ; 10 d’entre eux périrent avant le printemps. Isham trouva que les explorateurs étaient pour lui une responsabilité, ainsi qu’une source de distraction et de désagrément ; cinq de ses hommes partirent avec Middleton lorsque celui-ci s’embarqua au printemps de 1742, et il lui fallut recourir aux châtiments corporels et à l’emprisonnement pour maintenir son autorité sur ceux qui restaient. Toutefois, les deux commandants avaient de l’estime l’un pour l’autre, et tandis que Middleton empêchait les membres de son équipage de faire le commerce des fourrures, Isham permettait à ses hommes de travailler à préparer l’expédition et leur fournissait des vivres et autres commodités dans la mesure de ses capacités. Ce comportement sensé discrédita les deux hommes : en effet Dobbs affirma que Middleton avait été soudoyé pour protéger le commerce de la compagnie et celle-ci soupçonnait Isham de s’être montré trop complaisant pour de mauvais motifs.
Lorsque l’expédition se mit en route, Isham entreprit de développer le commerce de Churchill, de surveiller la construction du fort (il fit à ce sujet certaines observations caustiques mais sensées qui témoignent de l’indépendance de son jugement) et de supporter patiemment la mauvaise santé dont il avait toujours été affligé en ce lieu. Entre 1741 et 1743 il souffrit apparemment d’une affection des bronches, de crises de goutte et d’une enflure de l’aine ; au cours de cette dernière année, il demanda son retour en Angleterre pour raisons de maladie. Ce n’est qu’en 1745 qu’il fut rappelé, après qu’il eut renouvelé son contrat pour une période de trois ans en 1744 ; ce n’est d’ailleurs pas à cause de sa santé qu’il fut rappelé, mais pour rendre compte de sa conduite à l’égard de Middleton. Il emporta non seulement ses oiseaux et ses autres animaux mais aussi des écrits qu’il avait rassemblés en 1743 et qui portaient les titres suivants : « Vocabulary of English and Indian », « Account of goods traded with discourses upon different subjects », « Observations upon Hudson’s Bay » et « Small account of the Northward Indian language, with a description of that part of the country towards the copper mines ». À Londres, il présenta ces écrits au gouverneur et au comité. Aucune indication ne nous permet de savoir si ces derniers y prêtèrent une quelconque attention ; en tout cas, ces ouvrages ne dissipèrent aucunement l’ignorance générale au sujet de la baie d’Hudson puisqu’ils ne furent publiés qu’en 1949 par la Hudson Bay Record Society dans le volume XII de sa collection. Cependant, la perspicacité des observations d’Isham, l’ampleur de ses connaissances et son style simple et plaisant permettent de lui accorder une place importante dans l’histoire de la littérature canadienne. Ses « Discourses » et son « Vocabulary of English and Indian » nous renseignent sur les principales expressions qui étaient utilisées pour effectuer le commerce avec les Cris, et ses descriptions des comptoirs de fourrures ont une valeur inestimable. Il a fait œuvre de pionnier en enrichissant notre connaissance par ses notes sur la flore et la faune, qui, bien que parfois fantaisites, constituent un apport important.
Les écrits d’Isham sur ce sujet prirent une plus grande importance par la suite ; d’autre part, certaines de ses opinions eurent une portée plus immédiate, notamment celles sur la rivalité avec les trafiquants français, les expéditions ayant pour but l’exploration et le commerce, et la possibilité d’atteindre la mine de cuivre dont parlait la rumeur publique. Ses « Observations » expriment clairement l’idée que les Anglais devraient pénétrer à l’intérieur des terres, vers le territoire situé à l’ouest de Churchill et au sud de la rivière Hayes, ainsi que vers « la source de la rivière Port Nelson » (située quelque part dans la région de ce qui allait devenir Cumberland House, Sask.) ; d’autre part, il recommandait que l’on envoyât en expédition une poignée d’hommes expérimentés accompagnés d’Indiens pour reconnaître l’emplacement de la mine de cuivre. Il pensait que celle-ci « serait découverte plus tôt par voie de terre que par la mer » ; et de ce fait il devança le plan qui conduisit Samuel Hearne* à l’embouchure de la rivière Coppermine en 1771. Bien qu’il lit mention des tentatives d’observations astronomiques de Middleton et d’un document intitulé « The effects of cold », publié par ce dernier, Isham ne fit pas directement allusion dans ses « Observations » aux explorateurs sauf pour dire qu’« il n’[était] pas improbable qu’un passage eût été découvert en 1741, mais [que] les navires auraient abouti au territoire des Couteaux-Jaunes ».
Il n’y a cependant aucun doute qu’Isham fut soumis à un interrogatoire serré au sujet des explorateurs ; en effet, Dobbs s’était ouvertement séparé de Middleton et se préparait à attaquer la charte et les privilèges commerciaux de la compagnie. En mars 1745, Dobbs avait présenté à la chambre des Communes un rapport intitulé « Discovery of a north west passage, through Hudson’s Straits » ainsi qu’un projet de loi qui offrait une récompense de £20 000 à quiconque découvrirait ce passage. Ensuite, avec l’aide de ses bailleurs de fonds, il équipa deux navires, le Dobbs Galley (commandé par William Moor) et le California (commandé par Francis Smith), en vue d’une expédition. C’est pour entraver cette intervention qu’Isham avait été rappelé en Angleterre et c’est en compagnie du Dobbs Galley et du California qu’il fit voile de nouveau vers le fort York où il arriva à la fin d’août 1746.
Comme sa conduite à l’égard de Middleton l’avait rendu suspect et qu’il avait reçu de ses employeurs des instructions strictes, Isham s’efforça d’éviter les contacts lorsque les explorateurs décidèrent d’hiverner avec lui au fort York. Par la suite, sa conduite fut remise en question, ce qui le poussa à écrire ses « Notes on a voyage to Hudson’s Bay » pour répondre aux « allégations qui [n’étaient] conformes ni à la vérité, ni à la justice, ni à l’honneur », publiées dans A voyage to Hudson’s Bay de Henry Ellis, agent pour le compte des propriétaires à bord du Dobbs Galley. Le journal d’Isham présenté par lui au gouverneur et au comité de Londres établit de façon incontestable qu’il se montra aussi peu secourable que possible à l’égard des découvreurs, que ceux-ci étaient obstinés et ignorants et que ce fut un hiver dangereusement inconfortable pour toutes les parties intéressées.
Le voyage effectué en 1747 par le Dobbs Galley et le California se révéla aussi peu concluant que celui que Middleton avait fait auparavant ; néanmoins Dobbs refusa une fois encore de se rendre à l’évidence. Il mit en question la charte de la compagnie devant le Conseil privé, les légistes de la couronne et enfin devant le parlement ; en mars 1749, il obtint la nomination d’un comité parlementaire « pour s’enquérir de l’état et condition des contrées attenantes à la baie d’Hudson et du commerce qui s’y effectue ». Il était évident qu’Isham serait un témoin essentiel, et comme la tension montait, le gouverneur et le comité ordonnèrent son retour vers la mère patrie. Il arriva en octobre 1748 et fournit un témoignage précieux au comité parlementaire ; ce témoignage était conforme à l’opinion qu’il entretenait de longue date à savoir qu’il était impossible de s’établir près des rives de la baie car on ne pouvait pas y faire de culture, qu’il était nécessaire de créer des postes à l’intérieur des terres même si le coût des transports n’était pas rentable et qu’il n’existait aucun passage au nord-ouest qui fût praticable.
L’enquête menée par le comité parlementaire rendit justice à la compagnie mais, lorsqu’Isham s’embarqua de nouveau pour le fort York en 1750, il n’était pas encore certain que l’opposition eût totalement disparu. En conséquence, ce n’est pas à York même qu’il fut nommé mais dans un petit avant-poste du nom de Flamborough House qui avait été établi pour repousser les navires interlopes. Toutefois, Isham prit le commandement du fort York à son arrivée, étant donné que l’agent principal, John Newton, s’était noyé. Isham continua d’occuper ce poste jusqu’à sa mort, à l’exception d’un bref séjour en Angleterre pour des raisons de famille et de santé en 1758 et 1759.
Au cours de cette dernière période au fort York, Isham ne cessa de se préoccuper de l’opposition française et il établit le plan qui amènera les trafiquants anglais vers l’intérieur, jusqu’au lac Ouinipigon, à la rivière Paskoya (Saskatchewan) et aux Prairies, et même jusqu’aux Rocheuses, pendant la génération suivante. Il donna son appui à la construction d’un poste près de la rivière Severn et à l’entretien de Henley House (à la jonction des rivières Albany et Kenogami), afin d’éloigner les Indiens des Français, et il instaura un plan qui consistait à envoyer vers l’intérieur des hommes audacieux chargés de pacifier les Indiens en conflit, de neutraliser l’influence française et d’attirer les Indiens en aval des établissements français pour faire du commerce avec eux dans la baie d’Hudson. En 1754, il envoya Anthony Henday en compagnie d’une bande de Cris pour effectuer un voyage épique qui conduisit celui-ci jusqu’à la rivière Saskatchewan, dans les prairies, les territoires où l’on chassait le bison, et parmi les cavaliers Siksikas (Pieds-Noirs) ; au cours des années suivantes il l’envoya de nouveau dans les terres à plusieurs reprises. Ces voyages firent progresser considérablement le commerce d’Isham au fort York, et il entretenait un groupe important de voyageurs (Joseph Smith, Joseph Waggoner, William Grover, Isaac Batt* et George Potts) ; il inculqua ses idées à Andrew Graham* et Humphrey Marten*, qui devinrent tous deux commandants du fort par la suite et qui, en reconnaissance à son égard, l’appelaient l’« ami très cher » et « le digne maître » de leur génération. Certes, les idées d’Isham étaient en avance sur celles du gouverneur et du comité de Londres, puisqu’en 1756 il ordonna à Henday de choisir un emplacement pour établir un poste à environ 500 milles à l’intérieur des terres. C’est cette façon de penser qui fit adopter le plan définitif pour l’établissement de Cumberland House.
Les connaissances étendues d’Isham étaient hors pair ; toutefois cela ne l’empêchait pas d’user de perspicacité. Les trafiquants le reconnaissaient comme un maître et il fut pleuré à sa mort comme « l’idole des Indiens ». Ses observations et suggestions étaient toujours clairvoyantes et sensées, et bien qu’elles ne fussent pas toujours retenues par ses employeurs, ces derniers n’en furent jamais offensés. La seule chose qu’on lui reprochait, c’était sa famille indienne. Il avait des parents en Angleterre, et il mentionne sa fille et sa femme dans sa correspondance jusqu’à la mort de celle-ci en 1760 ; toutefois, lorsqu’il mourut au fort York, le 13 avril 1761, il légua tous ses biens à son fils métis, Charles Thomas Price Isham*, qui allait lui-même devenir un voyageur et un trafiquant redoutable au service de la Hudson’s Bay Company.
HBC Arch. A.6 ; A.11/2, A.11/13, A.11/114 ; B.42/a ; B.239/a ; Arthur Dobbs folder.— Arthur Dobbs, An account of the countries adjoining to Hudson’s Bay in the north-west part of America (Londres, 1744 ; réimpr. New York, 1967) ; Remarks upon Middleton’s defence.— George Edwards, A natural history of uncommon birds, and of some other rare and undescribed animals [...] (4 parties, Londres, 1743–1751), iiie partie.— Henry Ellis, A voyage to Hudson’s-Bay by the Dobbs Galley and California, in the years 1746 and 1747, for discovering a north west passage [...] (Londres, 1748).— The geography of Hudson’s Bay : being the remarks of Captain W. Coats, in many voyages to that locality, between the years 1727 and 1751, John Barrow, édit. (« Hakluyt Soc. », 1e sér., XI, Londres, 1852).— HBRS, XII (Rich et Johnson) ; XXV (Davier et Johnson) ; XXVII (Williams).— Christopher Middleton, The effects of cold ; together with observations of the longitude, latitude, and declination of the magnetic needle, at Prince of Wales’s fort, upon Churchill-River in Hudson’s Bay [...], Philosophical Transactions [of the Royal Society] (Londres), XIII (1742–1743) : 157–171 ; A vindication of the conduct of Captain Christopher Middleton [...] (Londres, 1743).— Report from the committee on Hudson’s Bay.— [Charles Swaine (T. S. Drage)], An account of a voyage for the discovery of a north-west passage [...]. (2 vol., Londres, 1748–1749).— Morton, History of the Canadian west.— Rich, History of the HBC, I.
E. E. Rich, « ISHAM, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/isham_james_3F.html.
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Auteur de l'article: | E. E. Rich |
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |