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VARLET, DOMINIQUE-MARIE, prêtre, missionnaire, vicaire général, évêque de Babylone (Bagdad, Iraq), né à Paris, le 15 mars 1678, fils d’Achille Varlet, sieur de Verneuil, et de Marie Vallée, décédé à Rijnwijk (Zeist, Pays-Bas), le 14 mai 1742.
Dominique-Marie Varlet était fils de comédien. Son père, connu sous le nom de sieur de Verneuil, et son oncle, Charles Varlet, le célèbre La Grange, collaborateur et ami de Molière, s’étaient illustrés sur diverses scènes parisiennes avant de faire partie de la Comédie-Française, dès sa fondation en 1680. De sa mère nous savons peu de chose, sinon qu’elle était la fille d’un chapelier parisien, qu’elle avait fait, elle aussi, du théâtre et qu’elle était de beaucoup plus jeune que son mari. Les époux Varlet avaient eu sept enfants, dont trois seulement atteindront l’âge adulte. Jean-Achille, né en 1681, qui mourra en 1720 procureur au Parlement de Paris, Marie-Anne, la cadette, qu’on mariera à Antoine Olivier, procureur au Châtelet, et Dominique-Marie.
Ce dernier avait été destiné très tôt, semble-t-il, à l’état ecclésiastique. Inscrit au séminaire de Saint-Magloire, à Paris, dirigé par les oratoriens, puis au collège de Navarre (collège de l’Université de Paris), il y prépara successivement le baccalauréat (1701), la licence et le doctorat en théologie (1706). C’est également à Saint-Magloire qu’il fit la connaissance de deux jansénistes notoires, Jacques Jubé, le futur liturgiste, et Jean-Baptiste-Paulin d’Aguesseau, le frère du chancelier de France, Henri-François d’Aguesseau, avec lesquels il se lia d’une profonde amitié. Par son père, qui se retirait à l’occasion dans sa maison de campagne, à proximité du célèbre pèlerinage du mont Valérien, Varlet avait déjà, à cette époque, été mis en contact avec la Congrégation des prêtres du Calvaire, si bien qu’en 1699 il avait demandé et obtenu son agrégation à cette communauté. Tous ces milieux, fortement imprégnés de jansénisme, n’allaient pas peu contribuer à déterminer son orientation future.
Ordonné prêtre en 1706, il se vit aussitôt affecté au ministère paroissial dans la banlieue parisienne. En 1708, il était curé de Conflans-Sainte-Honorine. En butte à toutes sortes de difficultés, il se présenta, trois années plus tard, aux directeurs du séminaire des Missions étrangères de Paris et demanda à faire partie de leur société afin de se consacrer, comme il l’avait depuis longtemps désiré, à l’évangélisation des infidèles. En 1712, il résigna sa cure et vint se mettre à la disposition de ses nouveaux supérieurs. On le désigna alors pour aller relever la mission des Tamarois (Cahokia ; aujourd’hui East St Louis, Ill.), restée pratiquement sans pasteur depuis la mort de Marc Bergier* en 1707.
Varlet s’embarqua à Port-Louis à la fin de janvier 1713 et, le 6 juin suivant, il ralliait Mobile (Ala.). Atteint, dès son arrivée, d’un flux de sang qui faillit l’emporter, il dut se résigner à demeurer sur place avec ses confrères Albert Davion* et François Le Maire, en attendant que des circonstances plus favorables lui permissent de pousser jusqu’au pays des Illinois.
Ses premières impressions furent plutôt négatives. La Louisiane, écrivait-il, n’était pas, comme on le croyait en France, « une merveille du monde ». Sans doute le sol paraît-il sain, la forêt giboyeuse, mais, pour le moment, ce qu’on a devant les yeux n’est qu’un pays « sauvage, inculte », par conséquent, de peu d’attrait. Quant au travail d’évangélisation, le tableau qu’il en trace n’est guère plus réjouissant. Les missionnaires sont trop peu nombreux et trop grandes les difficultés qu’ils rencontrent dans leur apostolat auprès de peuplades étonnamment frustes et grossières.
Varlet résolut de profiter d’une expédition organisée, au début de 1715, par de Lamothe Cadillac [Laumet*], gouverneur de la Louisiane – on était alors à la recherche de mines dans le haut Mississipi – pour aller s’installer à Cahokia, à la mission Sainte-Famille, comme le lui avait demandé le séminaire de Paris. Cette même année, il fut nommé vicaire général de l’évêque de Québec pour la région du Mississipi et de l’Illinois. Il allait rester un peu plus de deux ans à Cahokia, consacrant le meilleur de son temps à ses Tamarois, n’hésitant pas, l’hiver venu, à les accompagner jusque dans leurs territoires de chasse, mais se heurtant aux mêmes obstacles que son prédécesseur, Bergier. Dès le printemps de 1717, il songea à partir pour Québec. Il s’agissait d’aller y recruter un certain nombre d’auxiliaires, mais surtout de consolider sa position, face aux revendications des jésuites qui continuaient à déplorer la présence de prêtres du séminaire de Québec dans une région qu’ils estimaient leur avoir été réservée.
Parti le 24 mars de Cahokia, Varlet réussit à gagner Québec le 11 septembre suivant. Dès le 6 octobre, il obtenait de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] confirmation des privilèges accordés en 1698 pour la mission des Tamarois. Mettant à profit les longs mois d’hiver, il réussit, d’autre part, à convaincre le séminaire de lui fournir des renforts. Le 10 mai 1718, le chanoine Goulven Calvarin*, Thaumur* de La Source et Jean-Paul Mercier partaient pour Cahokia. Mais Varlet ne devait pas revoir lui-même le pays des Illinois. Rappelé à Paris par ses supérieurs, il quitta Québec vers le début d’octobre 1718 ; il avait séjourné un peu plus de 13 mois dans la capitale.
Le 13 novembre, il était à La Rochelle et, 15 jours plus tard à Paris, où on lui apprit sa nomination comme coadjuteur de l’évêque de Babylone (Bagdad, Iraq), Mgr Louis-Marie Pidou de Saint-Olon. Il fut consacré évêque titulaire d’Ascalon le 19 février 1719 à Paris. Un des consécrateurs était Mgr de Mornay, coadjuteur de l’évêque de Québec. Le même jour, Varlet reçut des lettres de la Propagande lui apprenant la mort de Mgr de Saint-Olon et le pressant de partir le plus tôt possible pour son évêché. Dans sa hâte, il négligea, consciemment ou non, de se présenter chez le nonce entre les mains duquel il devait, selon la prescription de Rome, prêter le serment d’adhésion à la bulle Unigenitus Dei Filius, proclamée le 8 septembre 1713, laquelle condamnait comme hérétiques les 101 propositions jansénistes extraites des Réflexions morales sur le Nouveau Testament (éd. de 1699) de l’oratorien Pasquier Quesnel. Cet « oubli » lui fut fatal. Dès son arrivée en Perse au début de novembre 1719, il se vit interdire, par décret de la Propagande, tout exercice d’ordre et de juridiction. Contraint de rebrousser chemin, il vint s’installer en Hollande où il avait séjourné quelques mois plus tôt, en route pour son évêché, et où il comptait pouvoir travailler à sa justification. Les circonstances eurent tôt fait de l’amener à identifier sa cause avec celle des jansénistes néerlandais. Non content de les appuyer dans leur conflit avec Rome, il accepta en 1724 de conférer l’épiscopat à Cornelius Steenoven qui avait été élu archevêque d’Utrecht par le chapitre de cette ville, consacrant du coup la rupture de ces jansénistes avec le Saint-Siège, tout en méritant le titre de « père spirituel » de l’Église dite d’Utrecht. Appelant de la bulle Unigenitus depuis 1723, Varlet le demeurera jusqu’à sa mort, survenue à Rijnwijk le 14 mai 1742, malgré les efforts tentés par François de Montigny, procureur de la Société des Missions étrangères à Rome, pour régulariser sa situation.
Missionnaire jusqu’au fond de l’âme, il restera toute sa vie hanté par le problème du salut des infidèles. Son expérience auprès des Tamarois l’avait marqué. En 1733, au plus fort de ses démêlés avec Rome, il avait écrit : « je regrette encore souvent les bois de l’Amérique ». Peut-être avait-il souhaité secrètement ne les avoir jamais quittés.
Dominique-Marie Varlet, Apologie de Mgr. l’évêque de Babilone [...] (Amsterdam, 1724) ; Lettre de Mgr. l’évêque de Babylone à Mgr. l’évêque de Montpellier pour servir de réponse à l’ordonnance de M. l’archevêque de Paris [...] (Utrecht, 1736) ; Lettre de Mgr. l’évêque de Babylone à Mgr. l’évêque de Senez, au sujet de la lettre de ce prélat sur les erreurs avancées dans quelques nouveaux écrits (s.l., 1737) ; Lettre de Monsieur l’évesque de Babylone, aux missionnaires du Tonquin (Utrecht, 1734) ; Réponse de Mgr. l’évêque de Babylone à Mgr. l’évesque de Senez [...] (s.l., 1736) ; Seconde apologie de Monseigneur l’évêque de Babilone [...] (Amsterdam, 1727).— C. J. [Steenoven] et D.-M. [Varlet], Lettre de Mgr. l’archevesque d’ Utrecht et de Mgr. l’évesque de Babylone à Mgr. l’évesque de Senez, au sujet du jugement rendu à Ambrun contre ce prélat (s.l., 1728).
AN, LL, 1 591.— Archives du Vatican, Fonds de la Secrétairerie d’État, Nonciature de France, 234, 389.— Archives royales d’ Utrecht (Pays-Bas), Fonds Port-Royal d’Ammersfoort, 3 797.— BN,
Le lecteur pourra aussi consulter Gosselin, L’Église du Canada jusqu’à la conquête, I : 331–335, et Anselme Rhéaume, Mgr Dominique-Marie Varlet, BRH, III (1897) : 18–22, sans oublier de se référer à l’article de Maximin Deloche, Un missionnaire français en Amérique au XVIIIe siècle ; contribution à l’histoire de l’établissement des Français en Louisiane, Bulletin de la section de géographie (Paris), XLV (1930) : 39–60, qui corrige plusieurs de leurs affirmations [p. h.].
Pierre Hurtubise, « VARLET, DOMINIQUE-MARIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/varlet_dominique_marie_3F.html.
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Auteur de l'article: | Pierre Hurtubise |
Titre de l'article: | VARLET, DOMINIQUE-MARIE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |