LATOUR, BERTRAND DE (plusieurs sources lui attribuent erronément le prénom Louis et le patronyme Bertrand de Latour), prêtre, sulpicien, grand vicaire, supérieur des communautés religieuses féminines du diocèse de Québec, conseiller clerc au Conseil supérieur, né à Toulouse, France, le 6 juillet 1701, fils de Pierre de Latour, avocat au parlement, et de Catherine de Jonquières, décédé à Montauban, France, le 19 janvier 1780.

Bertrand de Latour descendait d’une famille d’avocats anoblie par le capitoulat. Après des études dans sa ville natale il commença son droit puis décida d’entrer au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, le 12 juin 1724. Il y « montra autant de talents que de piété [et] fit sa licence avec distinction ». Il termina aussi ses études de droit puisque dès 1729 il portait le titre de docteur en droit.

Le 2 mai 1729, Latour, qui avait été cédé au séminaire des Missions étrangères, était nommé par Louis XV doyen du chapitre de Québec. Le 17, il devenait conseiller clerc au Conseil supérieur de la Nouvelle-France, remplaçant Jean-Baptiste Gaultier* de Varennes. C’est en considérant « les témoignages avantageux qui lui ont été rendus des bonnes mœurs capacité et bonne doctrine de cet ecclésiastique » que le roi avait nommé Latour à ces dignités, écrivait le ministre Maurepas au gouverneur Beauharnois*. Latour arriva à Québec le 2 septembre suivant. Le vaisseau du roi, la flûte Eléphant, qui l’amenait de France avec le nouvel évêque coadjuteur de Québec, Mgr Dosquet, avait fait naufrage la nuit précédente sur la batture du cap Brûlé, à une dizaine de lieues de Québec. Ce contretemps offrit au jeune doyen du chapitre une occasion de choix de faire ses débuts à Québec. Les chanoines tenaient à ce que ce fût leur doyen et non l’archidiacre Eustache Chartier* de Lotbinière qui reçût le nouveau coadjuteur. Aussi envoyèrent-ils un canot quérir Latour, qui, arrivé à Québec quelques heures avant Mgr Dosquet, put l’accueillir officiellement, enlevant ainsi à Chartier de Lotbinière une nouvelle chance d’affirmer son autorité.

Quelques jours plus tard, le Conseil supérieur admettait dans ses rangs son nouveau conseiller clerc. Celui-ci étonna toute l’assemblée lorsqu’à l’invitation du président il refusa de prendre place au bout de la table des délibérations, à la suite des autres conseillers, tous plus anciens que lui. Le jeune docteur en droit protesta que là n’était pas sa place et que « conformément à ses provisions il devait avoir séance après le doyen des conseillers ». L’affaire fut portée devant le roi, et Latour eut gain de cause. Cette fermeté, autant que cette attitude légaliste, caractérisa son séjour à Québec et provoqua de vives oppositions. Grand vicaire de Mgr Dosquet avant la fin de l’année 1729, il fut nommé supérieur des communautés religieuses féminines le 7 mars 1730 et s’acquitta de sa tâche de façon très autoritaire, suscitant les protestations des religieuses [V. Marie-Thérèse Langlois*, dite de Saint-Jean-Baptiste]. Il provoqua une querelle au sein du chapitre en exigeant une augmentation de sa prébende que lui refusèrent la plupart de ses confrères. La situation s’envenima au point qu’en octobre 1730 les chanoines firent appel au Conseil supérieur qui donna tort à Latour. Au sortir de la séance celui-ci fut hué par ses confrères du chapitre.

Le 29 octobre 1731, Latour s’embarquait pour La Rochelle, chargé par le chapitre de Québec de contrôler les comptes de Pierre Hazeur de L’Orme, dont la gérance de l’abbaye de Saint-Pierre de Maubec (Méobecq, dép. de l’Indre) – bénéfice qui appartenait au chapitre – ne satisfaisait ni le doyen ni les chanoines. Latour ne devait jamais revenir au Canada, bien que le séminaire des Missions étrangères l’eût nommé curé de la paroisse cathédrale de Québec le 3 octobre 1733. Il démissionna de cette cure le 8 mai de l’année suivante mais garda son titre de doyen du chapitre jusqu’en 1738, refusant toutefois d’en toucher le revenu.

En France, Bertrand de Latour devint un prédicateur prolifique, ayant un goût prononcé pour la polémique. Il prit part à diverses querelles théologiques et canoniques qui secouaient l’Église de France, entre autres à celle que provoqua la bulle Unigenitus [V. Dominique-Marie Varlet*], se faisant l’ardent défenseur de l’orthodoxie romaine contre le gallicanisme. En 1736, il était chanoine de la cathédrale de Tours, grand vicaire et official, en plus d’être supérieur des communautés religieuses féminines de la ville. Curé de Saint-Jacques de Montauban en 1740, il devint membre de l’Académie des belles-lettres de cette ville en décembre de la même année.

De 1739 à 1779, Latour publia une imposante somme de sermons, panégyriques, discours dogmatiques, mémoires liturgiques, canoniques et autres. En quittant le Canada, il avait emporté une copie manuscrite des « Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec » rédigées par Jeanne-Françoise Juchereau* de La Ferté, dite de Saint-Ignace. Il fit paraître ce texte en 1752 à Montauban, sous le titre d’Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec. En 1761, il devenait le premier historien de Mgr de Laval* en publiant, à Cologne (République fédérale d’Allemagne), les Mémoires sur la vie de Mde Laval, premier évêque de Québec, texte qu’il rédigea pendant son séjour au Canada, alors qu’il avait pu consulter des documents de première main et interroger des personnes qui avaient connu l’évêque. Vigoureusement opposé au théâtre, il publia à Avignon, de 1763 à 1778, 20 volumes sous le titre de Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théâtre.

Bertrand de Latour fut un homme peu ordinaire. La nature et l’éducation avaient rassemblé chez lui des qualités susceptibles de lui assurer une carrière également brillante en divers domaines. Prêtre par vocation, juriste par tradition familiale, intelligent et travailleur, il brûlait d’enthousiasme pour la défense du bien et de la justice. Partout où il passa, il suscita de l’intérêt, parfois de l’admiration et souvent de l’opposition. Bien qu’il eût gardé peu de contacts avec le Canada, il légua, à sa mort, une fondation de 225# sur le diocèse de Toulouse « en faveur des trois communautés de Québec et du dépôt de [leurs] pauvres ».

Jules Bélanger

Les Œuvres complètes de La Tour, doyen du chapitre de la cathédrale de Montauban, réunies pour la première fois en une seule collection [...], J.-P. Migne, édit. (7 vol., Paris, 1855), contiennent entre autres des sermons, discours, mémoires et monographies pieuses que l’auteur avait déjà publiés de son vivant, en plus de ses Mémoires sur la vie de M. de Laval, premier évêque de Québec (Cologne, République fédérale d’Allemagne, 1761) et de ses Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théâtre (20 vol., Avignon, France, 1763–1778).  [j. b.]

AAQ, 10 B, ff.70v.–71, 77v.–79, 83, 84 ; 11 B, V : 55, 10–13 ; VI : 27.— AD, Tarn-et-Garonne (Montauban), G, 238.— AN, Col., B, 53, f.573v. ; C11A, 51, f.186.— ANQ-Q, NF 11, 39, f.188v. ; 40, ff.7v., 68v. ; NF 12, 6, f.130v.— Archives de la Compagnie de Saint-Sulpice (Paris), Registre des entrées, 1713–1740, p.14.— Archives municipales de Toulouse (dép. de la Haute-Garonne, France), GG 278, f.74.— ASQ, mss, 12, f.2 ; 208 ; Paroisse de Québec, 5.-Bibliothèque municipale de Montauban, mss 5.— [J.-F. Juchereau de La Ferté, dite de Saint-Ignace, et M.-A. Regnard Duplessis, dite de Sainte-Hélène], Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, Bertrand de Latour, édit. (Montauban, [1752]).-Jules Villain, La France moderne ; grand dictionnaire généalogique, historique et biographique (4 vol., Montpellier, France, 1906–1913), II : 1 029s.— Jules Bélanger, Bertrand de Latour et la querelle du théâtre au dix-huitième siècle (thèse de d. ès l., université de Rennes, France, 1969).— P.-J.-O. Chauveau, Bertrand de La Tour (Lévis, Québec, 1898).— Émerand Forestié, La Société littéraire et l’ancienne Académie de Montauban ; histoire de ces sociétés et biographie de tous les académiciens (2e éd., Montauban, 1888), 209s.— H.-A. Scott, Louis Bertrand de la Tour & son œuvre, SRC Mémoires, 3e sér., XXII (1928), sect. : 113–140.

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Jules Bélanger, « LATOUR (Bertrand de Latour), BERTRAND (Louis) DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/latour_bertrand_de_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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