BERGIER, MARC, prêtre, missionnaire, grand vicaire de l’évêque de Québec pour les missions de la vallée du Mississipi et supérieur des missionnaires du séminaire de Québec dans cette région, né vers 1667 à Tain, diocèse de Vienne, en Dauphiné, décédé le 9 novembre 1707 au poste des Tamarois (Cahokia, Ill.).

Arrivé à Québec en 1698, Marc Bergier fut agrégé au séminaire des Missions étrangères de Québec le 30 juillet 1699 et nommé, le lendemain, vicaire général de Mgr de Saint-Vallier [La Croix] au Mississipi.

Il se présente lui-même, à l’époque, comme « docteur ez lois », fils de Jean-Jacques Bergier, prêtre retiré à l’Hôpital Général de Vienne. Il explique que son père a embrassé le sacerdoce peu de temps après être devenu veuf, alors que Marc n’était encore qu’un enfant de quatre ans. Malheureusement, le missionnaire ne dit pas où il reçut sa formation, ni quelles circonstances l’amenèrent en Nouvelle-France.

Le 7 février 1700, après six mois de voyage extrêmement pénible, Bergier arrivait chez les Tamarois avec le jeune ecclésiastique qui le seconda jusqu’en 1703, Michel Buisson de Saint-Cosme. Le grand vicaire allait succéder au fondateur de la mission Sainte-Famille, Jean-François Buisson de Saint-Cosme (1667–1706), frère aîné de son compagnon.

Chargé du soin de ce qui était une «vigne contestée », Bergier ne devait pas tarder à être aux prises, à son tour, avec les Jésuites qui continuaient de réclamer le village des Tamarois comme leur fief spirituel exclusif. En effet, un mois plus tard, les pères Pierre-François Pinet et Joseph de Limoges venaient prendre la relève du défunt rival de Saint-Cosme, le père Julien Binneteau. En changeant de protagonistes la querelle des Tamarois n’allait que prendre plus d’ampleur.

Toutefois, au début, Bergier composa avec les Jésuites pour éviter le scandale en attendant que Mgr de Saint-Vallier tranchât le débat. Il se contenta d’exercer son ministère auprès des quelques Français de l’endroit ‘ Il lui était d’ailleurs difficile d’entrer en concurrence avec Pinet dont il n’avait ni le don des langues ni l’expérience de l’apostolat en pays illinois. Après deux ans de séjour parmi eux, Bergier se plaignait d’être encore, chez les Tamarois, « Missionnaire Sans Mission, Superieur Sans Commandement, et grand vicaire Sans authorité ». Le fait est que les Jésuites ne voulaient pas reconnaître la juridiction de l’évêque de Québec et de son délégué. Bien plus, selon Bergier, ils allaient jusqu’à employer les moyens les plus mesquins pour l’empêcher d’apprendre la langue indigène, dans le but de conserver le monopole de la conversion des Indiens. « Ils voudroint avoir La droite et la gauche dans Le Royaume de Jesus Christ », déclarait le missionnaire frustré de son champ d’action.

Cependant, au printemps de 1702, Bergier décide, à bout de patience et pour obéir à Mgr de Laval et à Mgr de Saint-Vallier, de s’acquitter de ses fonctions auprès des Indiens. Lui qui ravitaillait ses adversaires depuis huit mois ne veut plus, désormais, leur céder de vin de messe qu’en échange d’Illinois à évangéliser! Il va même jusqu’à interdire Pinet. Ce dernier passe outre, sur les ordres de son supérieur le père Pierre-Gabriel Marest. Aussi, le grand vicaire regrette-t-il d’en être venu à semblable extrémité. « Voila donc presentement Le trouble, Le Scandale et La Division dans levilage, s’écrie Bergier, Autel contre Autel, Missionaire contre Missionaire, Sauvages contre Sauvages. » Il entretient même des doutes sur la. validité de son interdit que les Jésuites contestent. Ceux-ci crient de plus en plus fort à la persécution et se disent les victimes des prêtres des Missions étrangères par toute la terre, reliant la querelle des Tamarois à celle des rites chinois.

Mais, ayant enfin appris que les arbitres nommés par le roi ont, depuis un an, réglé le litige en faveur du séminaire de Québec, le père Pinet cède la place et part le 14 juin s’établir à deux lieues de là, chez les Kaskaskias. Lucide, Bergier ne se croit pas pour autant tiré d’affaire. Il est trop conscient de ses limites. « En Cecy je reconnois que Les Secrets de La Providence sont veritablement impenetrables, et que Dieu ne juge pas comme Les hommes [dit-il]. Car qu’il ait osté cette Mission a ce P. pour m’en charger, C’est ce qui paroit contre toute raison ; Et je crains que ce ne soit un effet de sa justice Sur moy et Sur les Sauvages pour avoir Si mal correspondu Les uns et les autres a ses graces. Les voila reduits a des mamelles Seches. Dieu les rende abondantes par Sa Misericorde infinie. »

Comme Bergier l’avait prévu, la mission des Tamarois ne devait faire, sous sa direction, que de très lents progrès, quoiqu’on reconnût en lui, à l’époque, le meilleur missionnaire des Missions étrangères au Mississipi. Le principal obstacle à son apostolat était l’impossibilité où il se trouvait, après le départ de Michel Buisson de Saint-Cosme, d’accompagner les Indiens dans leurs chasses d’été et d’hiver. Privé d’adjoint, il ne pouvait guère s’absenter. Il dut le faire, cependant, au début de 1707, pour aller s’approvisionner à Mobile. Il profita de son séjour là-bas pour apaiser les violentes querelles des autorités civiles et religieuses de l’endroit.

Bergier s’appliqua à son ministère avec ardeur et une grande exactitude. Il souleva plusieurs questions relatives à la célébration du baptême et du mariage ainsi qu’à la sanctification du dimanche chez les indigènes : les solutions des Jésuites ne le satisfaisaient pas. Par ailleurs, il faisait preuve d’un détachement et d’un abandon à la Providence peu communs. À son avis, les missionnaires auraient dû attendre leur subsistance de la générosité des Indiens plutôt que de faire la traite qui, aux yeux des sauvages, assimilait les prêtres aux riches marchands. Bien plus, malgré le dénuement notoire des missions du Mississipi, il reprochait à l’évêque de Québec de lui envoyer trop d’argent.

Il faut dire que Bergier était un ascète dont l’extrême austérité faisait craindre pour sa santé. Les inquiétudes de ses confrères étaient justifiées puisqu’il succomba le 9 novembre 1707, « le Ventre plain dabsez au dedans et au dehors sans medecins sans Chirurgiens autres que dieu seul ». C’était à la suite d’une épidémie où il s’était dépensé sans compter pour les indigènes. Sa mort fut jugée encore plus héroïque que celle de saint François Xavier, le missionnaire des Tamarois n’ayant pu être soutenu dans son agonie solitaire par la pensée des fruits de son ministère.

Les Indiens le regrettèrent, après l’avoir malmené. Ils lui décernèrent leur plus bel éloge, disant que Marc Bergier était véritablement un homme.

Céline Dupré

ASQ, Lettres, M, 38, p.29 ; Lettres, N, 133 ; Lettres, O, 41 ; Lettres, P, 8, p.10 ; Lettres, r, 29 ; Lettres, R, 30, 41–73, 86 ; Lettres, S, 101 ; Polygraphie, IX : 11, 26, 27.— JR (Thwaites), passim.— Provost, Le Séminaire de Québec : documents et biographies, 435s.— Old Cahokia, a narrative and documents illustrating the first century of its history, J. F. McDermott et al., édit. (Saint-Louis, 1949).— Alvord, The Illinois country, I : 117, 139.— Delanglez, French Jesuits in Louisiana, 20–23, 37ss, 62s., 379–386.- Marcel Giraud, Histoire de la Louisiane française, I : passim.— Gosselin, Vie de Mgr de Laval, II : 463–494.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III 550–573 ; Les Jésuites et la N.-F. au XVIIIe siècle, I 254–263.— Joseph H. Schlarman, From Quebec to New-Orleans : the story of the French in America. Fort Chartres (Belleville, II I., 1929).

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Céline Dupré, « BERGIER, MARC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bergier_marc_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024