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UNIACKE, RICHARD JOHN, avocat, fonctionnaire et homme politique, né le 22 novembre 1753 à Castletownroche (république d’Irlande), quatrième fils de Norman Uniacke et d’Alicia Purdon ; le 3 mai 1775, il épousa dans le canton de Hopewell (Nouveau-Brunswick) Martha Maria Delesdernier, et ils eurent six filles et six fils, dont Norman Fitzgerald*, Richard John, Robert Fitzgerald* et James Boyle* ; le 14 janvier 1808, il épousa à Halifax Eliza Newton, et de ce mariage naquit un fils ; décédé le 11 octobre 1830 à Mount Uniacke, Nouvelle-Écosse.
Catholiques, les Uniacke avaient beaucoup souffert de la répression que les Tudors puis Cromwell avaient exercée en Irlande mais, au début du xviiie siècle, ils étaient déjà devenus de farouches protestants et partisans de la couronne britannique qui avaient de puissants protecteurs. Richard John fréquenta d’abord l’école à Lismore, puis, comme son père s’alarmait de la préférence croissante qu’il marquait pour les enseignements du prêtre catholique de l’endroit, il le fit entrer comme stagiaire chez un attorney de Dublin. Uniacke semble avoir pris part à des manifestations politiques qui se tenaient dans cette ville et que suscitait probablement la cause de l’émancipation des catholiques ; ce jeune homme « passionné » contraria tellement son père qu’il partit « chercher fortune dans le Nouveau Monde ». À l’été 1774, après un arrêt aux Antilles, il arriva à Philadelphie, où il s’associa à Moses Delesdernier*, commerçant néo-écossais. Au terme d’une traversée dangereuse, ils parvinrent dans le canton de Hopewell, sur la Petitcodiac (Nouveau-Brunswick), où Delesdernier devint représentant des propriétaires. En mai 1775, Uniacke épousa la fille de Delesdernier, Martha Maria, qui était alors âgée de 12 ans. Il fut un mari dévoué jusqu’à la mort de sa femme en 1803.
Certes, Uniacke participa pendant l’automne de 1776 au soulèvement organisé par Jonathan Eddy* dans l’isthme Chignecto, mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure. Il est certain que d’emblée il se sentit des affinités avec les rebelles mais, apparemment, il les soutint par crainte de représailles. Tard dans l’année, on l’arrêta et le conduisit à Halifax afin qu’il soit jugé pour trahison ; il fut cependant libéré, probablement grâce à l’intervention d’officiers irlandais de la garnison et d’autorités locales qui connaissaient sa famille. En 1777, désireux de terminer ses études de droit, il s’embarqua pour l’Irlande. Le 22 juin 1779, il fut reçu attorney aux King’s Inns de Dublin ; de retour en Nouvelle-Écosse, il fut admis au barreau le 3 avril 1781. Grâce aux relations qu’il possédait en Irlande, il avait pu obtenir en 1780 une audience auprès de lord George Germain, secrétaire d’État aux Colonies américaines, qui lui avait promis le poste de procureur général de la Nouvelle-Écosse dès que celui-ci serait vacant. L’occasion se présenta en 1781, mais le poste fut attribué à Richard Gibbons*, qui était plus ancien ; le 27 décembre 1781, Uniacke fut toutefois nommé solliciteur général. En 1783, il fut élu député du canton de Sackville.
Les perspectives de Uniacke semblaient excellentes, mais l’arrivée des loyalistes le força à se battre pour survivre sur le plan professionnel. Le poste de procureur général se libéra en 1784 et alla une fois de plus à quelqu’un d’autre, le loyaliste Sampson Salter Blowers*. Cependant, grâce à son ami et protecteur, le gouverneur John Parr*, il fut nommé avocat général de la Cour de vice-amirauté la même année. À l’Assemblée, il se distingua comme chef de la lutte que menaient les colons d’origine américaine arrivés avant la guerre d’Indépendance pour empêcher les loyalistes de leur ravir les faveurs du gouvernement. Il devint président de la chambre en 1789. Parr mourut deux ans plus tard et fut remplacé par un loyaliste, John Wentworth*. Plusieurs facteurs – la nomination de Wentworth, l’antipathie que le juge en chef Thomas Andrew Lumisden Strange* éprouvait envers lui et l’inimitié de puissants loyalistes comme Blowers et Thomas Henry Barclay – concoururent à exclure Uniacke du gouvernement et à lui retirer son influence, de sorte qu’il refusa de se présenter aux élections de 1793. Au cours des années 1790, Uniacke affronta Wentworth à plusieurs reprises, notamment au sujet des mesures à prendre pour protéger Halifax contre une éventuelle attaque française. La réaction de Wentworth fut de décrire, dans des lettres personnelles à des fonctionnaires britanniques, la conduite de Uniacke comme « obscure, insidieuse et secrètement liée à des desseins séditieux ».
Quand Strange démissionna en 1797, il était entendu que le procureur général Blowers lui succéderait. Les loyalistes étant déterminés à ne jamais laisser Uniacke devenir procureur général, Wentworth recommanda plutôt un loyaliste qui était un protégé de Blowers, Jonathan Sterns. Uniacke en appela au secrétaire d’État à l’Intérieur, le duc de Portland, en arguant que son ancienneté lui donnait droit au poste et en nommant les protecteurs de sa famille, dont l’un était le beau-frère de Portland. Le duc nomma Uniacke procureur général le 9 septembre – le même jour, Blowers devint juge en chef – et administra à Wentworth l’une des plus sèches remontrances que, de mémoire d’historien, un gouverneur de la Nouvelle-Écosse ait subie. L’affaire créa entre Uniacke et Sterns beaucoup de rancœur. Ils s’affrontèrent dans la rue ; Uniacke frappa Stems durement, après quoi Blowers le provoqua en duel. Blowers et Uniacke furent sommés de se tenir tranquilles, mais ils demeurèrent des ennemis jusqu’à la mort d’Uniacke.
Bénéficiant dès lors d’une position plus sûre, Uniacke entra de nouveau à l’Assemblée en 1798, cette fois comme député de la circonscription de Queens. L’année suivante, il redevint président de la chambre, poste qu’il allait conserver jusqu’à sa retraite en 1805. Cette année-là, il publia un recueil des lois votées par la Nouvelle-Écosse entre 1758 et 1804 ; généralement connu sous le nom de lois de Uniacke, ce recueil allait servir de principal ouvrage de référence jusqu’en 1851. À titre de président, Uniacke résista à Wentworth chaque fois que celui-ci contestait à l’Assemblée son droit de superviser les finances de la province et il travailla à sa chute en dénonçant sa conduite et ses nominations dans des lettres à lord Castlereagh, secrétaire d’État aux Colonies. Même si Wentworth avait recommandé son nom, Uniacke refusa d’entrer au Conseil de la Nouvelle-Écosse tant que le lieutenant-gouverneur serait en place ; il ne fut d’ailleurs nommé qu’en 1808, après l’entrée en fonction du successeur de Wentworth, sir George Prevost*. Pendant les deux décennies qui suivirent, Uniacke allait exercer au sein du gouvernement de la Nouvelle-Écosse une influence considérable.
La pensée constitutionnelle de Uniacke s’était formée à l’étude de Commentaries on the laws of England, de sir William Blackstone, et elle était profondément enracinée dans le xviiie siècle. Il voulait que les gouvernements provinciaux soient conformes au modèle exposé dans la constitution britannique du xviiie siècle, dont le principe fondamental était l’équilibre des pouvoirs de la couronne, des lords et des Communes et qui, selon lui, départageait avec précision les fonctions de l’exécutif et de l’Assemblée. Insensible aux changements de son époque, Uniacke ne voyait pas qu’un jour l’exécutif serait responsable de ses actes devant le Parlement ; d’après lui, tous les fonctionnaires n’avaient de comptes à rendre qu’au roi. Par ailleurs, il était très atteint par les excès des révolutionnaires français qui, à ses yeux, avaient tenté de « détruire les principes de la vraie religion et [...] de subvertir les règles du gouvernement civil ». Dans les années 1820, il exprimait la crainte que les « hérésies » révolutionnaires (athéisme et démocratie), après s’être répandues parmi les « hordes de semi-barbares » du sud et de l’ouest des États-Unis, ne déferlent sur la Nouvelle-Angleterre, puis sur l’Amérique du Nord britannique.
Pour éviter pareille catastrophe, Uniacke prônait l’union des Maritimes et celle du Haut et du Bas-Canada ; c’est dans cet esprit qu’en 1806 il présenta au ministère des Colonies un mémoire sur l’Amérique du Nord britannique. Cependant, dès 1821, il concluait que seule l’union de toutes les colonies nord-américaines mettrait en échec le républicanisme, l’athéisme et la démocratie. En 1822, le dépôt au Parlement britannique d’un projet de loi sur l’union des Canadas le poussa donc à proposer une union générale à Frederick John Robinson, président du comité de commerce du Conseil privé. En Amérique du Nord britannique, d’autres personnes étaient intéressées à une union générale, notamment Jonathan Sewell*, John Beverley Robinson* et John Strachan*, même si ce n’était pas toujours pour les mêmes raisons. À peu près à la même époque, Londres reçut donc plusieurs propositions en ce sens. En 1826, Uniacke présenta au ministère des Colonies un rapport intitulé « Observations on the British colonies in North America with a proposal for the confederation of the whole under one government ». Ce texte, semblable par certains côtés à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui allait être adopté 40 ans plus tard, représentait à la fois le plus convaincant des plans proposés et la dernière tentative, avant le rapport Durham en 1839, pour renouveler les relations entre les colonies. Mais, en 1826, aucune proposition sur une forme quelconque d’union n’était accueillie avec grand enthousiasme en Grande-Bretagne, et le mémoire de Uniacke ne fut jamais publié. Toutefois, son fils James Boyle en remit un exemplaire à lord Durham [Lambton*].
Uniacke estimait essentiel que les colonies aient toute liberté de commercer et, plus que quiconque en Amérique du Nord britannique à l’époque, il pressentait que, si le gouvernement britannique la leur accordait, il devrait aussi accroître substantiellement leur autonomie politique. Pendant plus de 30 ans, Uniacke se battit pour ce qu’il appelait « le grand principe du libre-échange », par quoi il entendait que devaient être abrogées les lois qui empêchaient les colonies de commercer avec qui elles voulaient et quand elles le voulaient. À compter du début des années 1790, il demanda des ports francs en Nouvelle-Écosse afin que la province devienne un entrepôt de marchandises britanniques, antillaises et américaines. Il avait des liens étroits avec les marchands de Halifax et, à plusieurs reprises, convaincus qu’il était le Néo-Écossais le plus capable de défendre leur cause devant le gouvernement britannique, ils firent appel à lui. De plus, c’est lui qui, dans son style mordant, écrivit la plus grande partie du rapport conjoint dans lequel l’Assemblée et le Conseil de la Nouvelle-Écosse critiquaient la convention anglo-américaine de 1818. Il y affirmait par exemple que la Grande-Bretagne devait « renforcer ses colonies d’Amérique du Nord [...] afin qu’elles puissent constituer à ses côtés une force sérieuse lorsque commencera[it] le combat auquel les États-Unis se prépar[aient] manifestement ».
L’aspect le moins édifiant de la carrière publique de Uniacke fut son opposition à toute diminution du rôle de l’Église d’Angleterre, à titre d’Église officielle en Nouvelle-Écosse. Dans sa jeunesse, il avait été attiré par le ministère anglican, mais il s’était révolté contre l’« insatiable rapacité » des serviteurs de l’Église. Entre 1780 et 1800, il était un des fidèles de l’église Mather (église St Matthew), congrégation dissidente de Halifax, et ce n’est qu’en 1801, pour des raisons encore inconnues, qu’il commença à louer un banc à l’église anglicane St Paul. À compter de cette date, cependant ; il devint l’un des chefs de l’aile extrémiste du groupe favorable au rapprochement de l’Église et de l’État. Persuadé qu’une Église établie était nécessaire pour que la civilisation chrétienne triomphe de ce qu’il considérait comme les hérésies révolutionnaires de son temps, il maintenait avec intransigeance que l’Église d’Angleterre était l’un des remparts de la constitution britannique. Personne ne se battit plus énergiquement que lui pour empêcher les presbytériens scissionnistes de Thomas McCulloch* de transformer la Pictou Academy en collège et, à titre de principal homme de loi de la province, c’est lui qui rédigea la charte restrictive de l’établissement en 1820. En 1819, alors que l’Assemblée et le conseil approuvaient presque unanimement un projet de loi autorisant les ministres non conformistes à célébrer des mariages avec dispense de bans, il fut l’un des seuls à manifester son opposition, que cette phrase exprime mieux que toute autre : « aucun bon gouvernement ne peut exister longtemps sans religion établie [...] et si ce projet de loi était adopté, l’Église ne tarderait pas à être écartée définitivement et la constitution de nos pères à périr ».
En dépit de ces opinions extrêmes, Uniacke n’était pas intolérant envers les autres confessions religieuses : dans les années 1820, par exemple, il fut l’un des plus grands défenseurs de l’émancipation des catholiques en Nouvelle-Écosse. En même temps, il se montrait parfois conciliant sur des questions qui concernaient l’Église établie. C’est lui qui, lors d’une visite en Angleterre en 1806, parvint à convaincre l’archevêque de Cantorbéry et le gouvernement britannique de n’exiger des étudiants du King’s College l’adhésion aux Trente-neuf Articles qu’à la fin de leurs études plutôt que dès leur inscription. Cependant, d’autres membres du conseil d’administration du collège manœuvrèrent pour exiger cette adhésion au moment de l’entrée des élèves.
Uniacke amassa une fortune appréciable, surtout grâce aux honoraires qu’il reçut comme avocat général de la Cour de vice-amirauté pendant les guerres napoléoniennes et la guerre de 1812. Il consacra cet argent à l’éducation de ses 12 enfants survivants, à une grande villa située à Halifax et à sa maison de campagne, Mount Uniacke. Celle-ci, dont la construction fut achevée dès 1815, se trouvait à 25 milles au nord-ouest de Halifax, sur un domaine de 11 000 acres. Elle symbolisait le triomphe de son propriétaire sur les vicissitudes de l’existence dans le Nouveau Monde et la confiance avec laquelle il envisageait l’avenir de ses enfants en Nouvelle-Écosse. Plus tard, on se rappellerait combien il était impressionnant de voir marcher dans les rues de Halifax Uniacke et ses six fils, qui mesuraient tous plus de six pieds.
Politiquement, le meilleur moyen de situer Uniacke est de dire que ses positions constitutionnelles étaient celles d’un tory modéré tandis que ses positions sur l’Église et l’État étaient celles d’un ultra-tory. Toutefois, son conservatisme ne se résumait pas à une défense du statu quo. Les barrières qui restreignaient le commerce colonial devaient être levées, la constitution de chacune des colonies avait besoin d’une modification radicale et une grande union coloniale s’imposait. Seule l’adoption de ces mesures protégerait l’Amérique du Nord britannique contre l’assaut qu’il craignit pendant une grande partie de sa vie.
Les contemporains de Richard John Uniacke gardèrent surtout de lui le souvenir d’un homme exubérant et doté d’une forte personnalité. Amoureux de la vie, il avait beaucoup d’attachement pour sa famille et ses amis. Il était de tempérament excessif, et les jugements qu’il portait sur les êtres ou les événements se noyaient parfois dans l’émotivité. Il était ambitieux pour lui-même et ses enfants et, s’il n’obtint pas tout ce qu’il désirait, il réalisa plus de rêves que la plupart des hommes. Mount Uniacke est aujourd’hui une maison historique ouverte au public, où le souvenir d’un homme « remarquable et extraordinaire » demeure vivant.
APC, MG 11, [CO 217] Nova Scotia A, 96–171 ; MG 23, C6.— PANS, MG 1, 926–927 ; 1769, no 42 ; RG 1, 192–195 ; 218W–XX ; 222–236 ; 286–291.— PRO, CO–217/59–160 ; 218/7–30 (mfm aux PANS).— SRO, GD45 (mfm aux APC).— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1781–1830.— B. [C. U.] Cuthbertson, The old attorney general : a biography of Richard John Uniacke (Halifax, [1980]).— « Trials for treason in 1776–7 », J. T. Bulmer, édit., N.S. Hist. Soc., Coll., 1 (1879) : 110–118.— R. G. Fitzgerald-Uniacke, « Some old County Cork families : the Uniackes of Youghal », Cork Hist. & Archaeological Soc., Journal (Cork, république d’Irlande]), 3 (1894), nos 30–31, 33–36.— Murdoch, Hist. of N.S., 3.— L. G. Power, « Richard John Uniacke », N.S. Hist. Soc., Coll., 9 (1895) : 73–118.
Brian C. Cuthbertson, « UNIACKE, RICHARD JOHN (1753-1830) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/uniacke_richard_john_1753_1830_6F.html.
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Auteur de l'article: | Brian C. Cuthbertson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |