DELESDERNIER (Le Derniers, Les Derniers), MOSES, propriétaire foncier, « promoteur », fonctionnaire, agent foncier et auteur, né vers 1713 à Russin (canton de Genève, Suisse) ; décédé le 8 septembre 1811 à Halifax.
Moses Delesdernier et sa première femme, Judith Martin (Martine), émigrèrent à Londres en 1740 ; dix ans plus tard, ils arrivèrent à Halifax avec Gideon Delesdernier, frère ou oncle de Moses. En Nouvelle-Écosse, Moses se trouva mêlé au projet d’Abram Dupasquier, qui consistait à recruter des colons dans le Palatinat (République fédérale d’Allemagne) ; il retourna en Europe pendant l’automne de 1750. L’entreprise s’avéra des moins fructueuses et il était de retour à Halifax en août 1751.
Au début de 1754, Delesdernier se trouvait à Pisiquid (maintenant partie de Windsor) où, prétendait-il, l’ancien gouverneur Edward Cornwallis* lui avait octroyé une concession de terre. Les Acadiens de l’endroit donnèrent apparemment « leur consentement au fait que Le Derniers demeurait parmi eux », et il y devint probablement le premier exploitant de marécages de la province qui n’était pas acadien. Pendant la déportation des Acadiens en 1755 [V. John Winslow*], il fit fonction d’officier d’intendance auprès des troupes de la Nouvelle-Angleterre. Il affirma plus tard que lui et ses domestiques s’étaient joints aux soldats et que leur action avait eu pour résultat la reddition de nombreux Acadiens et la réquisition de leur bétail au profit de Halifax. Il aura dû tout d’abord gagner la confiance des Acadiens et il compatit à leur fâcheuse situation, mais il comprit également et semble avoir accepté les motifs du gouvernement en exécutant l’ordre de « bannissement ».
Delesdernier devint prospère à Pisiquid où le gouverneur Charles Lawrence* lui donna 30 acres. Or, en même temps, il empruntait largement à Michael Francklin* et à Joseph Gerrish* pour amender et coloniser ses terres. En 1760, il fut nommé truckmaster. Sa première femme était morte en 1759 sans avoir eu d’enfants ; deux ans plus tard, il épousait Eleanor Bonner, née Pritchard, avec qui il eut dix enfants.
En 1765, Delesdernier connut des ennuis avec ses créanciers, Francklin et Gerrish, ayant été « trop optimiste » dans ses efforts pour favoriser la colonisation de ses terres. Ils l’obligèrent à leur vendre la plupart de ses biens immobiliers pour acquitter ses dettes, mais étant « conscients de sa grande malchance », ils le nommèrent représentant chargé de la colonisation du nouveau canton de Hillsborough, le long de la rivière Petitcodiac (Nouveau-Brunswick). Delesdernier s’y installa et, en 1768, devint juge de paix de la région ; en 1770, son établissement comprenait 9 personnes et s’étendait sur 800 acres. Trois ans plus tard, il régla ses dernières dettes envers Gerrish, mais en sacrifiant toutes ses propriétés de Windsor. À l’été de 1774, Delesdernier alla dans les colonies du Sud recruter des colons pour le canton de Hopewell, au sud de celui de Hillsborough, et, à Philadelphie, il fit la connaissance de Richard John Uniacke*, son futur gendre. La même année, il retourna dans le canton de Hillsborough avec Uniacke et, au printemps suivant, tous deux se fixèrent dans le canton de Hopewell ; à ce moment, Delesdernier devint le représentant officiel des propriétaires du canton de Hopewell, parmi lesquels le major général Haldimand, Suisse romand comme lui. Delesdernier s’engagea imprudemment à payer une amende de £500 en promettant de régler un litige entre les propriétaires et les exécuteurs testamentaires du représentant précédent ; ayant échoué dans sa tentative, il perdit tous ses bestiaux.
La rébellion qu’avait fomentée Jonathan Eddy dans le comté de Cumberland (Nouvelle-Écosse) pendant l’année 1776 allait laisser Delesdernier appauvri et discrédité auprès du gouvernement. Selon Delesdernier, un bon nombre de colons « mécontents » allèrent en Nouvelle-Angleterre au printemps de 1776. Lui-même, après avoir rédigé une déclaration de loyauté, fit partir famille et bétail qu’il installa au fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), situé non loin de sa résidence, avant que les rebelles du comté n’usassent de représailles. Par la proclamation du 7 novembre, le lieutenant-colonel Joseph Goreham* donna ordre à la population de soutenir les troupes du roi. Delesdernier offrit alors des bœufs et du sel à la garnison. Cependant, des menaces contre ses biens et sa famille le forcèrent à signer une représentation contre le roi. Une fois le groupe d’Eddy vaincu, Delesdernier renia sous serment sa signature et, malgré son inculpation, fut acquitté d’action déloyale. En fait, il semblerait n’avoir aucunement agi en collusion avec les rebelles, comme l’expliqua Goreham dans une lettre à Haldimand en octobre 1778. Toutefois, un fils de Gideon, Lewis Frederick Delesdernier, avait pris le parti des rebelles, et Uniacke avait été fait prisonnier et envoyé à Halifax sous l’inculpation de trahison. Les pertes qu’avait subies Moses pendant la rébellion le laissèrent sans ressources ; en outre, « les préjugés et la malveillance » prévalurent contre lui à cause des relations que sa famille entretenait avec des rebelles suspects. Au début de 1777, il fut destitué de toutes ses fonctions officielles en raison de sa « désaffection à l’égard du gouvernement ».
Delesdernier continua néanmoins à vivre dans le comté de Cumberland. En juillet 1779, il fut élu député à la chambre d’Assemblée de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) dans des circonstances inconnues, mais il manqua une session, et son siège fut déclaré vacant en octobre. Au cours de la même année, à l’âge de 66 ans, il entreprit un voyage de commerce qui l’amena à Québec où il se référa à Haldimand pour obtenir l’autorisation d’expédier des approvisionnements à la baie de Fundy. Il put regagner suffisamment les bonnes grâces du gouvernement pour être de nouveau nommé juge de paix en 1781 et pour obtenir des concessions dans les régions de la haute Petitcodiac et de la rivière Philip. Peu à peu, il liquida ses terres, comme il l’avait fait pour ses autres biens. Sa situation financière dut plus tard se détériorer quelque peu car, en 1798, avec l’aide d’Uniacke et du lieutenant-gouverneur Wentworth, il présenta une pétition au gouvernement pour obtenir 20 000 acres de terre en Nouvelle-Écosse, déclarant qu’« après l’épreuve de l’adversité [...], il en [était] réduit en dernière extrémité à solliciter [...] aide et protection ». Sa demande fut rejetée ; lui et sa femme allèrent s’établir alors à Halifax où Uniacke s’occupa d’eux.
Moses Delesdernier est l’auteur de deux manuscrits sur l’histoire, vue sous certains aspects, des premiers temps des Maritimes et que consulta Andrew Brown* en 1791 lorsqu’il entreprit son esquisse historique de la Nouvelle-Écosse. À un certain moment entre 1785 et 1790, il écrivit « Observations on the progress of agriculture in Nova Scotia and New Brunswick for consideration of proprietors in both province ». Après quelques réflexions concernant les techniques d’exploitation des marais, il présentait un projet en règle qui consistait à faire venir des redemptioners allemands et suisses afin de construire des remblais et de drainer les marécages des comtés de Westmorland et de Cumberland. Vers 1790, il écrivit « Observations on the situation, customs and manner of the ancient Acadians ». Selon lui, les Acadiens, qui étaient complètement illettrés, avaient vécu à l’état naturel et en grande harmonie, et, dans une large mesure, s’étaient suffi à eux-mêmes. Ceux qui étaient revenus après la Déportation avaient observé une « séparation inviolée » d’avec tous les autres et avaient maintenu leur « bigoterie superstitieuse », mais étaient « des membres utiles et très paisibles de la société ».
L’information concernant les terres de Moses Delesdernier se trouve aux Cumberland, Halifax, and Hants county registries of deeds, dont les archives sont également disponibles sur microfilm aux PANS. Ses deux manuscrits se trouvent dans les Andrew Brown papers à la BL, Add. mss 19071 : ff.259–264 ; 19073 : ff.126–135.
PANS, MG 100, 134, no 6 ; RG 1, 134 : 126 ; 163 : 112 ; 212 : 334 ; 367, docs.13, 14 ; 367 1/2, doc.17 ; RG 20 ; RG 39, C, 1–35.— PRO, CO 217/170 : 266.— Bell, Foreign Protestants.— E. C. Royle, « Pioneer, patriot and rebel, Lewis Delesdernier of Nova Scotia and Maine, 1752–1838 » (copie dactylographiée, s.l., 1972) (copie à l’UNBL).— B. C. U. Cuthbertson, « The old attorney general : Richard John Uniacke, 1753–1830 » (thèse de m.a., Univ. of N.B., 1970) ; The old attorney general : a biography of Richard John Uniacke (Halifax, [1980]).— E. C. Wright, The Petitcodiac : a study of the New Brunswick river and of the people who settled along it (Sackville, N.-B., 1945).
Brian C. U. Cuthbertson, « DELESDERNIER (Le Derniers, Les Derniers), MOSES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/delesdernier_moses_5F.html.
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Auteur de l'article: | Brian C. U. Cuthbertson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |