SINCLAIR, PETER, fermier et homme politique, né le 13 novembre 1819 à Glendaruel, presqu’île de Cowal, Argyll, Écosse, fils de Peter Sinclair et de Mary Crawford ; le 5 février 1879, il épousa à New Annan, Île-du-Prince-Édouard, Margaret MacMurdo, et ils eurent quatre fils et quatre filles ; décédé le 9 octobre 1906 à Summerfield, Île-du-Prince-Édouard.

Fils d’un conducteur de bestiaux qui mourut vers 1830 en laissant de nombreux enfants, Peter Sinclair fit, semble-t-il, de bonnes études dans le comté d’Argyll. En 1840, six membres de la famille immigrèrent à l’Île-du-Prince-Édouard. Mme Sinclair acheta une ferme de 100 acres à la limite ouest du comté de Queens, dans une portion du lot 67 qui se trouvait à l’intérieur des terres et qui était colonisée depuis peu. Peter se mit à l’exploitation de cette ferme, baptisée Summerfield comme la maison des Sinclair en Écosse.

Actif dans son milieu, Sinclair obtint l’investiture libérale dans le 1er district de Queens en 1858. Cependant, il perdit le scrutin, car l’électorat était en train de se détourner des libéraux de George Coles*. Il dut attendre que les libéraux se soient remis en selle, à la faveur des débats sur la Confédération et la question foncière, pour remporter la victoire, en février 1867, dans son district de résidence. Au cours de sa campagne, il posa, comme condition à la Confédération, que le peuple en accepte les modalités par voie de scrutin. Porte-parole compétent des petits fermiers, il préconisait, relativement à la question foncière, que l’on force les propriétaires absentéistes à vendre.

Réputé pour ses idées bien arrêtées sur la responsabilité financière et pour son opposition ferme au financement public des écoles confessionnelles, Sinclair entra au comité des comptes publics peu après l’inauguration de la chambre d’Assemblée en mars. Il fut nommé au bureau d’Éducation l’année suivante et accéda au Conseil exécutif quand Robert Poore Haythorne* prit la tête du gouvernement en 1869. Sinclair avait aussi un fort penchant idéaliste : il souhaitait le resserrement des lois sur la tempérance et sur l’observance du dimanche. En matière économique, il prévenait les insulaires que ce serait une folie de construire un chemin de fer avant d’investir dans l’amélioration des routes, des quais et de la navigation. Impressionné par le comité du Congrès américain qui s’était rendu dans l’île en 1868 pour négocier la réciprocité, il devint un fervent libre-échangiste. En 1870, il déploya son éloquence en rejetant, avec ses collègues du gouvernement Haythorne, les « meilleures conditions » offertes par le Canada à l’Île-du-Prince-Édouard pour entrer dans la Confédération. Il manifesta aussi son opposition lorsque la Grande-Bretagne, impatiente de voir l’île devenir province canadienne, exerça des pressions financières sur elle pour la convaincre de payer le salaire de son lieutenant-gouverneur.

Les élections de juillet 1870 portèrent non pas sur la Confédération, mais sur le financement publie des écoles confessionnelles. Au lendemain du scrutin, le premier ministre Haythorne prononça un discours en faveur de l’octroi d’une subvention au collège catholique, St Dunstan. Sinclair et trois de ses collègues du cabinet s’élevèrent contre cette idée. Partagé en deux camps d’égale force, le gouvernement démissionna en septembre. James Colledge Pope* forma un gouvernement de coalition qui adopta en 1871 un projet de loi sur le chemin de fer. Sinclair s’y opposa parce que les électeurs n’avaient pas été consultés et parce que, selon lui, le projet de loi était une manœuvre visant à imposer à l’île une dette dont elle ne pourrait se libérer qu’en consentant à entrer dans la Confédération. La façon dont le gouvernement Pope lança la construction du chemin de fer suscita tellement de controverse que les libéraux reprirent le pouvoir en 1872. Sinclair devint leader du gouvernement à l’Assemblée et membre du bureau des Travaux publics. En outre, il accéda au cabinet, contrairement aux trois autres conseillers exécutifs qui s’étaient opposés à Haythorne en 1870.

De retour au pouvoir, les libéraux de Haythorne n’eurent pas d’autre choix que de terminer le chemin de fer au plus vite. Celui-ci coûta plus cher que prévu parce que l’on ajoutait des embranchements et des « virages » à la ligne principale « pour accommoder les députés », expliqua Sinclair à l’Assemblée. En fait, lui-même avait l’impression de ne rien demander « d’exceptionnel en proposant un détour pour le bénéfice de ses électeurs ». Désormais, Sinclair et son gouvernement étaient résignés à ce que la colonie fasse partie du Canada.

Au début de 1873, les libéraux négocièrent les conditions de l’entrée de l’Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération. En avril, ils sollicitèrent l’approbation de la population en tenant des élections qui furent d’autant plus animées que l’on discuta aussi des écoles confessionnelles. Les libéraux furent battus, mais Sinclair réussit à conserver son siège. En novembre, un journal catholique, le Charlottetown Herald, l’accusa d’avoir incité des ministres protestants à « lier par un engagement » des candidats aux élections d’avril. Cependant, à ce moment-là, Sinclair n’était plus à l’Assemblée. En septembre, après avoir démissionné de son siège, il était devenu l’un des premiers députés de l’Île-du-Prince-Édouard aux Communes : lui et David Laird* avaient été élus sans opposition dans Queens.

En novembre, après que le gouvernement de sir John Alexander Macdonald* eut démissionné à cause du scandale du Pacifique, les libéraux d’Alexander Mackenzie* prirent le pouvoir à Ottawa. Les préoccupations de Sinclair en tant que député de l’Ile-du-Prince-Édouard n’allaient pas toujours coïncider avec celles de son parti. En 1875, il prononça aux Communes un discours dans lequel il s’opposa à ce que le gouvernement fédéral intervienne pour obliger le Nouveau-Brunswick à établir des écoles catholiques, mais dans l’ensemble, son opposition aux écoles confessionnelles ne trouva guère à s’exprimer sur la scène fédérale. Il appuya son gouvernement lorsque celui-ci, en 1878, présenta une loi de tempérance, la loi Scott, mais non lorsqu’il tenta de hausser le tarif pour venir à bout de la dépression économique des années 1870. L’indifférence dont le Canada faisait montre à l’égard de l’« obligation contractée par traité » d’assurer une liaison constante par vapeur entre l’île et le continent était ce dont Sinclair se plaignait le plus. En 1876, il déclara : « un gouvernement qui se sent apte à mener à bien le chemin de fer du Pacifique ne saurait craindre de franchir le détroit de Northumberland. De toute évidence, on néglige les intérêts de la province parce qu’elle est petite en comparaison des autres provinces. » Quand Laird quitta Ottawa pour devenir lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, en 1876, aucun député de l’Île-du-Prince-Édouard ne le remplaça au cabinet. Mackenzie écrivit à Sinclair qu’une province aussi peu peuplée « ne pouvait guère considérer avoir droit à un ministre ». Aux élections fédérales de 1878, cinq des six libéraux de l’île furent défaits, dont Sinclair.

En 1879, à l’âge de 59 ans, Sinclair se maria et fonda une famille. Trois ans plus tard, il réintégra la politique provinciale : vainqueur dans le 1er district de Queens, il faisait partie des 11 libéraux qui formèrent l’opposition aux tories de William Wilfred Sullivan*. Dans les années 1880, période difficile pour l’île, il se battit contre la négligence d’Ottawa, surtout pour ce qui était d’assurer la liaison avec le continent en hiver. En 1885, il était si furieux que le dominion ne respecte pas « les conditions de l’union » qu’il était « prêt à demander l’abrogation de la Confédération ». En critiquant sans relâche les conservateurs, qui ne cessaient d’endetter la province et n’assuraient pas le suivi des nombreuses réclamations au trésor fédéral, il s’assura une place dans le cabinet de Frederick Peters, formé à la victoire des libéraux en 1891. Durant la dernière décennie du siècle, il continua d’être très respecté par la population et d’exercer beaucoup d’influence sur ses collègues. Un de ses adversaires politiques, l’ancien premier ministre Neil McLeod*, le qualifia en 1891 de « fermier économe et habile homme d’affaires ». Sinclair se montra tel à la présidence de la commission de la Government Stock Farm de même qu’à la présidence du comité d’agriculture de l’Assemblée, où il s’efforça d’améliorer la production laitière et de faire adopter de nouvelles techniques, la réfrigération par exemple, pour que les produits de l’île soient en meilleure position sur les marchés. Sous le gouvernement d’Alexander Bannerman Warburton*, en 1897–1898, il ne siégea pas au cabinet ; par contre, il fut ministre sans portefeuille dans le cabinet de Donald Farquharson de 1898 à 1900.

Peter Sinclair déploya une activité parfois exubérante jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en juin 1900, à l’âge de 80 ans. Il avait servi sa province sur la scène publique durant 33 ans. Dans la dernière partie de sa carrière, il en vint à personnifier l’endurance et la longévité de ces hommes qui étaient entrés en politique au tournant de la période coloniale et de la période de la Confédération et qui vivaient encore à l’aube du xxe siècle.

Kenneth A. MacKinnon

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Kenneth A. MacKinnon, « SINCLAIR, PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sinclair_peter_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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