SINCLAIR, JAMES, trafiquant de fourrures et marchand, né en 1811 dans Rupert’s Land, un des plus jeunes fils de William Sinclair, fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company originaire des Orcades, Écosse, et de sa femme Nahovway, d’ascendance crise ou partiellement crise ; décédé le 26 mars 1856 aux Cascades (Cascade Locks, Oregon).

À l’âge de huit ans, James Sinclair fut envoyé en Écosse pour y faire ses études. Il revint dans Rupert’s Land en 1826 et passa l’hiver à travailler au fort Albany (Fort Albany, Ontario) et à Chickney Goose Tent, propriétés de la Hudson’s Bay Company. Le 6 juillet 1827, il quitta le fort Albany pour se rendre dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba), où il s’établit comme trafiquant indépendant. Nanti seulement, au départ, d’un petit héritage venant de son père, mort en 1818, Sinclair posséderait en 1849 des biens d’une valeur de £4 500, notamment un lot de grève, une maison, des étables, du bétail, des charrettes et des bateaux. À une date inconnue, il s’associa à Andrew McDermot*, principal marchand de la colonie et trafiquant de fourrures indépendant. Pendant les années 1830 et la décennie qui suivit, les deux associés transportèrent des marchandises pour la Hudson’s Bay Company et pour des expéditeurs privés, et participèrent au commerce d’approvisionnement dans les Prairies, à la traite des fourrures et au commerce de détail, ainsi qu’à toute une gamme d’autres activités comme l’achat et la vente de produits du bois, de bétail et de foin, et l’hébergement des visiteurs de la colonie. En 1845, sir George Simpson, gouverneur de la compagnie en Amérique du Nord, notait que les deux associés jouissaient d’un « rang supérieur et [d’]une intelligence à l’avenant ».

En 1824, la Hudson’s Bay Company avait accordé un permis de traite de fourrures à McDermot ; plus tard, lui et Sinclair « trafiquèrent beaucoup » et vendirent leurs fourrures à la compagnie qui espérait ainsi empêcher ces dernières de tomber aux mains de ses concurrents américains.

Afin de contrer la menace grandissante que la traite indépendante et illégale des fourrures autour de la colonie de la Rivière-Rouge faisait peser sur son monopole, la Hudson’s Bay Company entreprit différentes manœuvres en vue de réduire l’excès de population de la colonie. En 1841, elle organisa l’émigration de 23 familles dans la région du fleuve Columbia avec l’espoir que, en s’y établissant, ces dernières donneraient du poids aux prétentions de la Grande-Bretagne sur le territoire de l’Oregon, qui faisait alors l’objet d’un litige avec les États-Unis. En tant que chef de groupe, Sinclair conduisit ces familles à travers les Prairies et la région alors peu connue du sud des Rocheuses. Guidés par James Bird*, beau-frère de Sinclair, et par le Cri Maskepetoon*, les futurs colons franchirent le col White Man, passèrent par le canon Red Rock (cañon Sinclair, Colombie-Britannique) et arrivèrent au fort Vancouver (Vancouver, Washington) le 13 octobre.

En retournant à la Rivière-Rouge après ce voyage remarquable, Sinclair entra en contact avec des trafiquants de fourrures américains. Il importa des marchandises américaines et travailla avec Peter Garrioch et d’autres à l’établissement de la « piste charretière » qui relierait la colonie à St Paul (Minnesota). Il refusa de signer un contrat en vertu duquel il aurait passé des fourrures en contrebande à Norman Wolfred Kittson* à Pembina (Dakota du Nord), mais la Hudson’s Bay Company les soupçonnait, lui et McDermot, de faire de la traite clandestine et d’encourager les activités de Kittson. En 1844, elle résilia donc ses contrats de transport avec les deux associés. Le comité de Londres de la Hudson’s Bay Company avait autorisé Sinclair à expédier du suif en Grande-Bretagne, mais un chargement fut laissé à York Factory (Manitoba). En outre, la compagnie adopta des mesures pour contrer l’importation de marchandises américaines et l’exportation illicite de fourrures. Sinclair, de concert avec le groupe de Garrioch, résista au prélèvement de droits de douane sur leurs importations américaines. Il lutta afin d’obtenir une compensation pour le bris des contrats de transport et pour la résiliation des privilèges de traite des fourrures acquis depuis longtemps. Avec Garrioch, il envoya en contrebande des fourrures d’une valeur estimée à plus de 2 000 $ à Kittson.

Le 29 août 1845, Sinclair et 22 autres colons adressèrent à Alexander Christie*, gouverneur d’Assiniboia pour le compte de la Hudson’s Bay Company, une lettre contenant une série de questions sur leurs droits de traite en tant qu’autochtones. Christie leur répondit qu’ils n’avaient pas plus de droits que d’autres sujets britanniques et devaient respecter les privilèges détenus par la compagnie en vertu de sa charte. Sinclair alla porter en Angleterre un mémoire rédigé en anglais et une pétition rédigée en français, préparés au début de 1846 par les colons mécontents. Grâce à l’aide d’Alexander Kennedy Isbister*, qui était originaire de Rupert’s Land et demeurait à Londres, ces documents furent soumis au gouvernement, qui refusa d’y donner suite. Sinclair quitta l’Angleterre en 1847, et les documents furent finalement déposés au Parlement en 1849.

Au printemps de 1848, déterminé à refuser les restrictions économiques imposées par la Hudson’s Bay Company, Sinclair se rendit à St Louis, au Missouri, après avoir conduit ses filles Harriette et Maria au Knox College de Galesburg, dans l’Illinois. Il poursuivit ensuite sa route jusqu’en Californie où il eut la chance, dit-on, de trouver en une semaine de l’or pour une valeur de £1 300. Au début de l’hiver de 1848–1849, il retourna dans la colonie de la Rivière-Rouge, où la traite illicite des fourrures préoccupait encore la compagnie. Le 17 mai 1849, Pierre-Guillaume Sayer* fut traduit en justice pour avoir fait la traite illégale des fourrures. Un groupe de Métis armés entourait le palais de justice, et Sinclair, à titre de membre d’une délégation de manifestants, réussit à conjurer la violence. Il joua le rôle d’avocat conseil auprès de Sayer, qui ne reçut aucune peine même s’il fut déclaré coupable. Les accusations qui pesaient sur trois autres trafiquants indépendants furent abandonnées, nouvelle que la foule accueillit avec enthousiasme en criant : « Le commerce est libre ! »

Après avoir transmis une autre pétition, à Simpson cette fois, Sinclair décida d’émigrer dans le territoire de l’Oregon. Il vendit sa maison et sa terre de la Rivière-Rouge et, en octobre 1849, à St Paul, il obtint la citoyenneté américaine. Il passa l’hiver à St Louis afin d’organiser l’expédition de ses articles de ménage par le cap Horn ; tous furent perdus dans un naufrage. Décidé à emmener un autre groupe d’émigrants dans le territoire de l’Oregon, il retourna à la Rivière-Rouge au printemps de 1850. Comme les inondations rendaient impossible tout déplacement en groupe, il laissa sa femme et ses enfants à la Rivière-Rouge et partit pour l’Ouest, où il passa quelque temps à explorer des voies d’accès aux Rocheuses, cherchant sans doute le nouveau col dont il avait parlé à John Palliser* en 1848. Conduit par des guides de Rocky Mountain House (Alberta), où il acheta des vivres le 6 octobre, il traversa de nouveau les montagnes. Puis il passa quelques mois en Oregon et en Californie, revint par l’isthme de Panama, La Havane et New York, et arriva à la Rivière-Rouge le 6 juin 1852.

Après s’être réconcilié avec Simpson dans des circonstances mystérieuses et s’être allié avec lui, en 1853, contre les trafiquants indépendants, Sinclair entra au service de la Hudson’s Bay Company. Employé à titre de commis, il recevait néanmoins les appointements d’un chef de poste et devait prendre en charge le poste du fort Walla Walla (Walla Walla, Washington) et la région de la rivière Snake afin d’y rétablir le bon fonctionnement des activités. On lui promit 200 têtes de bétail pour une entreprise personnelle d’élevage. Comme agent secret de la compagnie, il entreprit de conduire un deuxième groupe d’émigrants, comprenant sa femme et ses enfants, dans la région du fleuve Columbia. Partis de la colonie à la fin de mai 1854, les voyageurs traversèrent les Prairies, remontèrent les rivières Bow et Kananaskis (Alberta), franchirent les Rocheuses, descendirent une autre rivière, l’Elk (Colombie-Britannique) peut-être, et parvinrent à Canal Flats au terme d’un trajet difficile. Sinclair, de son côté, retourna au fort Walla Walla, où il arriva tard en décembre. En plus de s’occuper des affaires de la compagnie à cet endroit, il s’y établit comme colon avec sa famille.

En octobre 1855, des conflits ayant éclaté avec les Indiens, l’agent des Affaires indiennes ordonna à Sinclair d’évacuer le fort Walla Walla. Il revint avec 150 volontaires américains pour découvrir que le poste avait été saccagé et le bétail tué ou dispersé après plusieurs jours de combat. Sinclair entreprit un autre voyage pour la Hudson’s Bay Company, mais il fut tué le 26 mars 1856, au cours d’une attaque lancée par des Indiens contre l’établissement situé aux Cascades.

Le 3 décembre 1829, Sinclair avait épousé Elizabeth Bird, fille de James Bird, agent principal à la retraite. Ils eurent neuf enfants, dont la plupart moururent jeunes, et elle-même mourut en 1846 ou 1847. L’aînée des enfants survivants, Harriette, raconta plus tard qu’elle avait grandi dans un univers de « confort et de bonheur ». Sinclair se remaria le 20 avril 1848 avec Mary Campbell, fille du chef de poste Colin Campbell, et eut trois autres filles et un fils posthume.

Mort à 45 ans seulement, James Sinclair avait fait dans sa courte vie une carrière aux multiples facettes : il avait été le premier à faire passer des groupes nombreux par le sud des Rocheuses canadiennes, qui était alors inexploré ; il avait été l’un des premiers à promouvoir la traite entre la colonie de la Rivière-Rouge et des centres américains ; il avait dirigé avec perspicacité et courage les autochtones de Rupert’s Land dans leur lutte contre les prétentions monopolistiques de la Hudson’s Bay Company. Paradoxalement, sa recherche constante de possibilités économiques plus vastes, qui l’avait opposé à la compagnie, le poussa, vers la fin de sa vie, à entrer au service de cette dernière, qui le tenait pour un fonctionnaire très précieux.

Irene M. Spry

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Irene M. Spry, « SINCLAIR, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sinclair_james_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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