ISBISTER, ALEXANDER KENNEDY, trafiquant de fourrures de la Hudson’s Bay Company, éducateur et avocat, né en juin 1822 à Cumberland House (Saskatchewan), fils de Thomas Isbister et de Mary Kennedy, décédé le 28 mai 1883 à Barnsbury (maintenant partie de Londres).
Cumberland House, où naquit Alexander Kennedy Isbister, était un poste de la Hudson’s Bay Company dans Rupert’s Land. Thomas Isbister, natif des Orcades, y était commis ; Mary Kennedy était la fille de l’agent principal Alexander Kennedy et de son épouse crise, Aggathas. Kennedy envoya son petit-fils fréquenter l’école à St Margaret’s Hope, aux Orcades. Les quatre années que celui-ci y passa laissaient augurer un avenir prometteur, mais la mort de son grand-père semble avoir décidé de son retour à Rupert’s Land, où il continua ses études de 1833 à 1837 à la Red River Academy, dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba).
À l’âge de 16 ans, Isbister entra au service de la Hudson’s Bay Company, en qualité de chef de poste adjoint, et fut envoyé au fort Simpson (Fort Simpson, Territoires du Nord-Ouest), dans le district du fleuve Mackenzie. En 1840, il participa avec John Bell* à l’établissement du fort McPherson (Fort McPherson) sur la rivière Peel, fort qui demeura pendant de nombreuses années le poste le plus septentrional de la compagnie. La saison suivante, il explora la région de la rivière Peel, ce qui lui fournit matière à des publications scientifiques basées sur ses recherches et parues ultérieurement. Mais déjà Isbister s’irritait de son manque d’avancement à la compagnie ; dans les années 1830, les préjugés de George Simpson*, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, à l’égard des sang-mêlé étaient apparus au grand jour et laissaient peu d’espoir à ces gens de jamais accéder au rang de fonctionnaires, même s’ils possédaient une bonne instruction. Isbister remit sa démission en 1841, au début de la saison de traite, et alla passer le reste de la saison dans sa famille, à la colonie de la Rivière-Rouge. Il y demeura jusqu’à son départ pour la Grande-Bretagne à l’automne de 1842 ; il avait alors 20 ans.
De 1842 à 1844, Isbister étudia au King’s College (University of Aberdeen), et, l’année suivante, à l’University of Edinburgh. L’un de ses professeurs le décrivit comme un jeune homme doué « d’une grande intelligence et de beaucoup d’énergie ». La chimie, les mathématiques, l’histoire naturelle et le grec étaient les matières où il se montrait le plus brillant. Pendant quelque temps, il agit comme assistant du chirurgien du Royal Dispensary à Édimbourg, mais très vite on le retrouve à Londres, où commença pour lui une remarquable carrière d’éducateur. Adjoint au principal de l’East Islington Proprietary School en 1849, il en était lui-même le principal en 1851. Affecté au Jews’ College en 1855, il devint, trois ans plus tard, premier directeur de la Stationers’ Company School. Il rendit d’éminents services au College of Preceptors, organisme de surveillance du corps professoral anglais, en qualité de rédacteur en chef de son journal Educational Times [...] ; il occupa ce poste pendant plus de 20 ans, et devint, à compter de 1872, le doyen de l’organisme. Tout au long de sa carrière, Isbister publia plus de 20 manuels scolaires, traitant surtout de grammaire anglaise, d’arithmétique et de géométrie. Il réussit aussi à trouver le temps de poursuivre ses propres études, obtenant, en 1858, une maîtrise ès arts de l’University of Edinburgh, et, en 1866, un baccalauréat en droit de l’University of London, ce qui lui permit de devenir barrister-at-law à Middle Temple.
Tout ce que réalisa Isbister démontre une intelligence remarquable, mais il était aussi un homme « d’un abord tout à fait simple et agréable, d’une grande volonté et d’un naturel charitable ». Rien n’indique que le fait d’être un sang-mêlé constituât jamais un obstacle à sa carrière en Angleterre, mais il devint, ce qui se conçoit bien, un ardent défenseur des droits de ses concitoyens nés au pays : il jugeait que le monopole tyrannique exercé par la Hudson’s Bay Company dans Rupert’s Land les empêchait de faire valoir leurs talents. Partisan très actif de la campagne pour des droits de libre trafic à la Rivière-Rouge, Isbister prit en 1847 la tête d’une délégation qui présenta au gouvernement britannique une pétition contre la Hudson’s Bay Company, au nom de quelque 1000 habitants de cette région [V. George-Antoine Bellecourt*]. Il fréquenta assidûment des membres du parlement, écrivit des brochures et entretint avec le ministère des Colonies une volumineuse correspondance, exposant des faits qui venaient étayer la thèse des requérants : la compagnie négligeait le bien-être des Indiens et étouffait dans l’œuf le développement économique de la colonie. Il alla même jusqu’à mettre en question la validité de la charte de la compagnie. Cependant, lord Grey, alors ministre des Colonies, accepta plutôt la réfutation des accusations présentée par la compagnie. Après des mois de délais administratifs, on laissa tomber toute l’affaire, lorsque Isbister apprit que la responsabilité et les frais d’un procès contre la compagnie incomberaient aux requérants. Mais l’enquête parlementaire tant désirée par Isbister eut enfin lieu en 1857 ; il alla y témoigner que la Hudson’s Bay Company ne gouvernait ni ne développait Rupert’s Land dans l’intérêt de ses habitants. Craignant une mainmise américaine, il suggéra l’annexion de toute cette région au Canada. Éternel défenseur de l’opprimé, Isbister, après que la Hudson’s Bay Company eut remis Rupert’s Land au Canada en 1869, appuya, mais sans succès, les revendications des fonctionnaires de la compagnie demeurés dans cette région : ceux-ci se croyaient en droit de réclamer une partie de la somme de £300 000 versée à la compagnie à titre de compensation.
Isbister manifesta de façon bien concrète son intérêt pour l’instruction dans Rupert’s Land. Dès 1867, il constituait une fondation en vue de décerner un prix au gagnant d’un concours accessible à tous les élèves des écoles publiques de la colonie de la Rivière-Rouge. Il eut aussi un geste très généreux à l’endroit de la toute nouvelle université de Manitoba : il lui légua sa collection d’environ 5 000 livres, afin de favoriser la mise sur pied d’une « bibliothèque d’éducation permanente ». (La plupart furent malheureusement détruits en 1898 lors d’un incendie.) Enfin, il donna des fonds pour l’attribution de bourses d’études universitaires aux « écoliers et étudiants méritants des différents établissements scolaires mixtes de la province [...] où se donne le meilleur des enseignements, sans égard à la race, à la religion ou à la nationalité ».
Ayant vécu pendant plus de 20 ans à Londres, où l’une de ses sœurs et sa mère veuve vinrent le rejoindre, Isbister déménagea à Barnsbury, dans le Middlesex, où il mourut. Sa brillante carrière en Angleterre n’avait jamais constitué un obstacle au vif intérêt qu’il portait au développement de l’Ouest canadien, ni au souci très particulier qu’il entretenait au sujet du bien-être des autochtones de cette région. L’engagement de toute sa personne et sa générosité firent qu’en 1883 la Société historique et scientifique de Manitoba lui rendit hommage à titre de l’un des fils les plus valeureux du vieux Manitoba.
Alexander Kennedy Isbister est l’auteur de : A few words on the Hudson’s Bay Company, with a statement of the grievances of the natives and half-caste Indians, addressed to the British government through their delegates now in London (Londres, 1847) ; et A proposal for a new penal settlement, in connexion with the colonization of the uninhabited districts of British North America (Londres, 1850). D’autres écrits sont répertoriés dans le British Museum general catalogue et le National union catalog.
PAM, HBCA, B.80/a/17 ; B.200/b/14 : ff.3, 14 ; C.1/935 f.40 ; D.4/23 : f.122 ; D.4/24 D.4/24 : f.5 ; MG 1, D2 ; MG 2, C1 ; C4.— Educational Times and Journal of the College of Preceptors (Londres), 36 (1883) : 189s.— G.-B., Parl., House of Commons paper, 1849, XXXV, 227 : 509–627, Hudson’s Bay Company (Red River Settlement) [...] ; 1857, Report from the select committee on the HBC.— HBRS, XXX (Williams).— DNB.— Isaac Cowie, The company of adventurers : a narrative of seven years in the service of the Hudson’s Bay Company during 1867–1874 on the great buffalo plains [...] (Toronto, 1913).— [George] Bryce, « In memoriam : late A. K. Isbister [...] », HSSM Trans., [8] (1883–1884) : 1–4.— H. C. Knox, « Alexander Kennedy Isbister », HSSM Papers, 3e sér., no 12 (1957) : 17–28.
Sylvia M. Van Kirk, « ISBISTER, ALEXANDER KENNEDY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/isbister_alexander_kennedy_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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