RACINE, DOMINIQUE, prêtre catholique et évêque, né le 21 janvier 1828 dans la paroisse Saint-Ambroise, à Jeune-Lorette (Loretteville, Québec), fils de Michel Racine, forgeron, et de Louise Pepin, décédé à Chicoutimi, Québec, le 28 janvier 1888.

Michel Racine mourut vers l’âge de 40 ans, laissant une fille et six garçons dont l’aîné était âgé de 15 ans. La famille fut élevée fort modestement, voire dans une grande pauvreté. Né l’avant-dernier, Dominique Racine subit sans doute très tôt l’influence de ses frères Michel et Antoine*, l’un et l’autre étudiant au séminaire de Québec. Il y fera lui-même ses études, de 1840 à 1849, lesquelles le mèneront au grand séminaire, d’où il sortira en 1853, année de son ordination sacerdotale. Dès lors, il ne connaît guère de repos. Jusqu’en 1858, il est vicaire à la paroisse Notre-Dame de Québec, tout en occupant un poste de secrétaire à l’archevêché. En 1859, il dessert la cure de Saint-Basile. De 1859 à 1862, il est curé de la paroisse Saint-Patrice, à Rivière-du-Loup, et c’est en 1862 qu’il a son premier contact avec la région du Saguenay où il est nommé vicaire forain et curé de Chicoutimi.

Pendant de longues années, l’abbé Racine parcourt en tous sens cette région immense au climat rigoureux, bâtissant, prêchant, peinant sans relâche à l’organisation de l’Eglise saguenayenne et ne cessant en toute occasion de manifester une profonde aménité dont ses contemporains ont donné maints témoignages. Il voit ses efforts couronnés par l’érection du diocèse de Chicoutimi (comprenant le comté de Chicoutimi et Saguenay, ainsi que ceux de Charlevoix et du Lac-Saint-Jean), dont il devient le premier évêque le 4 août 1878. Entre-temps, il a donné à la région son premier couvent de filles, confié à la Congrégation des Sœurs servantes du Cœur-Immaculé de Marie, dites sœurs du Bon-Pasteur (1864), et un séminaire (1873) d’où sortiront quelques générations de prêtres. Enfin, en 1882, il fonde l’Hôtel-Dieu de Saint-Vallier de Chicoutimi, dirigé par les Religieuses hospitalières de la Miséricorde de Jésus, et l’école ménagère de Roberval, prise en charge par les ursulines de Québec. Au-delà de ces créations, il intervient constamment dans la vie publique, prenant parti tantôt dans l’affaire du chemin de fer de Québec au Saguenay, où s’affronteront les intérêts des régionaux et ceux des financiers québécois, tantôt dans les controverses que fait naître le marasme de l’agriculture, tantôt dans le conflit larvé né des conditions iniques faites aux travailleurs du bois par la famille de William Price*.

À compter de 1871, à titre de vicaire général de Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau*, l’abbé Racine mêle sa voix aux débats de l’heure : controverse entre l’université Laval et sa succursale montréalaise [V. Ignace Bourget ; Joseph Desautels], division du diocèse de Trois-Rivières [V. Luc Desilets], biens des jésuites [V. Antoine-Nicolas Braun]. En 1882 et 1885, il se fait à Rome le porte-parole énergique de l’archevêque de Québec, au sujet de la question universitaire. Sa correspondance témoigne de l’attention qu’il n’a cessé de porter aux affaires québécoises, parallèlement à celles de son diocèse.

Ainsi Mgr Racine contribua puissamment à édifier puis à perpétuer le pouvoir social des clercs au Saguenay. Cela apparut clairement lors de la fondation de l’Hôtel-Dieu de Saint-Vallier : en janvier 1882, Mgr Racine avait appris que le gouvernement fédéral autorisait la construction d’un hôpital de marine à Chicoutimi. Il désirait que des religieuses en prennent charge mais le contrat stipulait que la surveillance devait être confiée à un laïque. Ennemi de l’hôpital laïque et ami de sir Hector-Louis Langevin*, alors ministre des Travaux publics, Mgr Racine parvint à vaincre les résistances et à obtenir que les Religieuses hospitalières de la Miséricorde de Jésus assument la direction du nouvel établissement. Ce faisant, il sut pourtant se concilier tous les partis et s’assurer des amitiés très diverses, chez les puissants comme chez les humbles. On en verra un signe dans le déploiement inusité auquel sa mort donna lieu et dans les dévotions insolites qu’elle a suscitées. La nouvelle de son décès, survenu au milieu de l’hiver, fit accourir à Chicoutimi des gens de tous âges, de toutes conditions et de toutes provenances. Autour de sa dépouille, on se disputa les morceaux de ses habits, les restes des cierges, on fit des reliques avec ses cheveux et les pièces de sa soutane ; son cœur fut légué au séminaire, ses poumons aux religieuses de l’Hôtel-Dieu. On pourrait citer bien d’autres faits qui attestent l’attachement que cet homme avait su s’attirer.

Si l’on songe au contexte socio-économique, au milieu culturel dans lequel Mgr Racine a vécu, on conçoit tout le pouvoir dont il fut investi. Il semble avoir mérité le crédit de n’en avoir pas abusé et, même, d’avoir mis beaucoup de sagesse dans sa manière de gouverner. L’orientation spirituelle qu’il a voulu donner à son clergé, le style dont il a imprégné sa vie publique, fait de simplicité, de modération, et les efforts qu’il a déployés pour apaiser les querelles de la vie saguenayenne témoignent en ce sens.

Gérard Bouchard

ANQ-Q, État civil, Catholiques, Saint-Ambroise (Loretteville), 21 janv. 1828.— ANQ-SLSJ, Coll. Victor Tremblay, Doc., 168169.— Arch. de l’évêché de Chicoutimi (Chicoutimi, Québec), Reg. des lettres, I.— Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Chicoutimi, Monseigneur Dominique Racine, volume unique, 1878–1888 (Chicoutimi, 1903).— Le Canadien, 30 janv. 1888.— Le Progrès du Saguenay (Chicoutimi), 2 févr. 1888.— Allaire, Dictionnaire.— J.-C. Drolet, Monseigneur Dominique Racine, bâtisseur de l’Église saguenéenne ([Chicoutimi], 1968).— F.-X.-E. Frenette, Notices biographiques et notes historiques sur le diocèse de Chicoutimi (Chicoutimi, 1945).— Histoire de l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier de Chicoutimi, 1884–1934 (Chicoutimi, 1934).— J.-H. Charland, « Mgr Dominique Racine, 1er évêque de Chicoutimi », Rev. canadienne, 3e sér., 1 (1888) : 724–728.— Raymond Vézina, « Théophile Hamel, premier peintre du Saguenay », Saguenayensia (Chicoutimi), 17 (1975) : 10–16.

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Gérard Bouchard, « RACINE, DOMINIQUE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/racine_dominique_11F.html.

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Auteur de l'article:    Gérard Bouchard
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    28 novembre 2024