TREMBLAY, PIERRE-ALEXIS, arpenteur, homme politique et journaliste, appelé communément « Pitre » et familièrement « Pitre à Kiki » (Kilo étant le prénom charlevoisien de son père), né à La Malbaie le 27 décembre 1827, fils d’Alexis Tremblay et de Josephte Duguay, décédé à Québec le 4 janvier 1879.

Pierre-Alexis Tremblay fit ses études au petit séminaire de Québec, où il se lia d’amitié avec des étudiants qui plus tard firent leur marque dans le monde religieux, tels les prélats Dominique* et Antoine* Racine, les abbés Benjamin Pâquet* et Pierre-Télesphore Sax. On note d’ailleurs chez Tremblay un attachement constant à sa religion, malgré les adversités et les attaques personnelles qui lui viendront de fervents catholiques et même de plusieurs membres du clergé. Ses principes et ses croyances se concrétisaient aussi bien dans sa vie personnelle que dans sa vie publique. Lors du désastreux incendie de 1870 qui ravagea le Saguenay et ruina plusieurs milliers de colons, il parcourut la province et écrivit maintes relations du sinistre pour susciter des dons permettant de couvrir les besoins les plus pressants. En fait, Pierre-Alexis Tremblay nous apparaît comme un batailleur, un chevalier toujours armé et prêt à défendre ce qu’il croit être le bien et la justice. C’est un homme « grand, mince, élancé. Ses traits amaigris et sa figure pâle nous révèlent un tempérament nerveux. Sa chevelure noire, entremêlée de filets argentins, couronne un front bien développé ». Un portrait de Tremblay, conservé aux Archives du musée de la province de Québec, confirme cette description.

Le 5 octobre 1853, Pierre-Alexis Tremblay devint arpenteur dans la région du Saguenay, en particulier dans les cantons Demeulles, Parent, Signay, Labarre et Caron ; on lui doit le relevé de la rivière Péribonca et le tracé de la route du Lac-Saint-Jean. Son grand rêve, de voir s’ouvrir à la colonisation les fertiles districts du Saguenay, devait fatalement venir en concurrence avec les ambitions des marchands de bois qui formaient alors « une sorte d’aristocratie commerçante ». Parmi les plus importants, retenons le nom des Price qui, dans le comté de Chicoutimi-Saguenay, « souscrivaient à la caisse conservatrice, et bénéficiaient en échange, non seulement de privilèges commerciaux, mais d’un appui électoral ». Tremblay s’opposa au système établi, malgré les offres alléchantes qui lui furent faites.

Cet homme n’avait pas peur de la bataille ; il aimait les difficultés. La politique lui fournit amplement l’occasion d’exercer ses dons de jouteur, puisqu’il s’en occupa activement dès 1857 et ce, jusqu’à sa mort, dans les comtés de Chicoutimi-Saguenay et de Charlevoix. Pierre-Alexis Tremblay se présenta d’abord sous l’étiquette conservatrice, mais par suite de son opposition à la Confédération il quitta le parti. C’est comme indépendant, puis comme libéral, qu’il fut élu sept fois à l’Assemblée législative et à la chambre des Communes ; en 1874 lorsque la fin du double mandat l’obligea à faire son choix, il opta pour le fédéral. C’est lui qui proposa le scrutin secret aux élections, mesure qui devait d’abord jouer contre lui avant de rendre service à la démocratie.

Chacune des élections auxquelles Tremblay participa mériterait d’être décrite, si l’on voulait avoir une excellente illustration des mœurs électorales de l’époque, ou bien saisir vraiment ce qu’a été le rôle politique du clergé dans les années 1870–1880. Comme exemple-type, retenons l’élection de Charlevoix en 1876, où Tremblay fut défait par Hector-Louis Langevin* après une lutte mémorable. L’« influence indue » s’y manifesta avec une efficacité particulière. Tremblay et ses collaborateurs relevèrent plusieurs propos tenus à cette occasion et les produisirent devant la justice et devant Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau*. Certes les bons ruraux du comté de Charlevoix ne pouvaient résister aux arguments de curés comme celui de Baie-Saint-Paul : « Le document no 3 prouve que le 16 janvier dernier, le Révérend Mons. [Joseph] Sirois [-Duplessis], [...] m’a représenté du haut de la chaire, moi, et ceux qui me supportaient, comme des hommes dangereux, des persécuteurs de la religion, de faux prophètes et de faux Christ, des serpents venimeux cherchant à tromper le peuple. D’après ce Révérend Monsieur, si j’étais élu, le peuple était menacé d’une révolution ; on verrait le Pape, les Évêques, les Prêtres conduits sur les échafauds et égorgés : ceux qui m’auraient supporté seraient coupables de tous ces crimes, et à l’heure de la mort, ils seraient en proie aux remords et au désespoir. » Cette très célèbre élection de 1876 permit à Tremblay de déployer sa persévérance habituelle qui finira par le faire triompher en Cour suprême. Lors des élections de septembre 1878, dans le même comté, il fut élu sans concurrent.

Pierre-Alexis Tremblay est peut-être moins connu comme journaliste, même si sa collaboration s’étend à divers journaux, tels le Canadien, la Nation, le National, l’Événement ; mais c’est surtout à l’Éclaireur qu’il donna sa pleine mesure comme polémiste et écrivain populaire. L’écrit le plus remarquable qui nous reste de Tremblay est sans doute le testament qu’il rédigea de son lit de mort et adressa au public. Ce texte, publié par les journaux de la province, était inspiré par une charité qui lui faisait pardonner à tous ceux qui l’avaient offensé et demander pardon à tous ceux qu’il avait blessés au cours de sa carrière mouvementée. Dans les deux cas, les individus étaient nombreux. Il y protestait enfin de sa fidélité et de son attachement à l’Église, malgré des propos ou des attitudes antérieures qui avaient pu donner lieu à des interprétations défavorables.

Pierre-Alexis Tremblay mourut le 4 janvier 1879, des suites d’une infection à la jambe, dont l’origine est inconnue. Ses funérailles eurent lieu à la cathédrale de Québec et il fut inhumé au cimetière St Patrick, dans le caveau de la famille de son épouse, Mary Ellen Connolly. Il ne laissait aucun enfant. Au printemps de 1880, son corps fut transporté au cimetière de La Malbaie.

Noël Bélanger

Les journaux auxquels Pierre-Alexis Tremblay a collaboré sont une source importante pour l’étude de ce personnage. ASHS, Dossier 86, pièces 34, 35, 36 ; Dossier 1 638, pièces 1, 3, 10, 11 ; Mémoires 115 (Mlle Émilie Tremblay), par. 25, 59, 65, 70.— Auguste Achintre, Portraits et dossiers parlementaires du premier parlement de Québec (Montréal, 1871).— [Arthur Buies], Chroniques [...] (2 vol., Québec, 1873–1875), I.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, I, II.

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Noël Bélanger, « TREMBLAY, PIERRE-ALEXIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tremblay_pierre_alexis_10F.html.

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Auteur de l'article:    Noël Bélanger
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    1 décembre 2024