DE LAMARRE, ELZÉAR, prêtre catholique, professeur, auteur, directeur de revues et fondateur d’œuvres religieuses, né le 8 septembre 1854 à Sainte-Brigitte-de-Laval, Bas-Canada, fils de Charles De Lamarre, navigateur puis cultivateur, et de Luce Laroche ; décédé le 21 avril 1925 à Chicoutimi, Québec.

Septième d’une famille qui compterait dix enfants, Elzéar De Lamarre grandit à Hébertville, au Lac-Saint-Jean, où ses parents s’étaient installés vers 1858 pour y exploiter une terre. Grâce à la libéralité du curé de l’endroit, qui avait remarqué son intelligence, il entra, à l’âge de 16 ans, au petit séminaire de Québec, où il fit ses études classiques. Selon un cheminement fréquent à l’époque, il passa en 1878 du petit au grand séminaire, celui de Chicoutimi cette fois, où il entreprit une formation théologique, tout en remplissant la tâche de maître de salle chez les plus jeunes et celle de professeur de versification et de belles-lettres, indice de ses habiletés intellectuelles. Ordonné prêtre le 29 juin 1883, il fit quelques années de service pastoral, notamment à La Malbaie et aux Éboulements. En 1889, le nouvel évêque de Chicoutimi, Mgr Louis-Nazaire Bégin, qui voulait doter le séminaire de Chicoutimi de prêtres bien formés, l’envoya poursuivre ses études au collège de la Propagande à Rome. Il y obtint un doctorat en théologie en 1891 ; l’université Laval lui conférerait aussi le titre de docteur en théologie en 1902.

À son retour de Rome en 1891, l’abbé De Lamarre assuma des tâches d’enseignement, d’encadrement, d’animation et d’administration au séminaire (le petit et le grand) de Chicoutimi. Il fut notamment supérieur du séminaire de 1899 à 1905 et procureur de 1905 à 1908. En fait, son nom est surtout associé à la création et à l’expansion d’œuvres pieuses et charitables, dont certaines connurent une destinée remarquable. Le filon conducteur en est la dévotion à saint Antoine de Padoue, que l’on peut sans doute attribuer à un pèlerinage que l’abbé De Lamarre fit à Padoue, en Italie, en 1891, et qui fut renforcée par des échanges fréquents entre le prêtre et le propagandiste italien de cette dévotion, le chanoine Antonio Locatelli, avec qui il s’était lié d’amitié au moment de son séjour à Rome. Les récollets avaient commencé à susciter l’intérêt pour le saint homme de Padoue auprès des catholiques de la Nouvelle-France au xviiie siècle. Des ordres et des congrégations de la famille franciscaine en avaient assuré la survie jusqu’à ce que la dévotion connaisse un important regain de popularité au moment du réveil religieux catholique que connut la province de Québec dans la seconde moitié du xixe siècle. L’action de l’abbé De Lamarre s’inscrivit donc dans le contexte de la propagation de la piété ultramontaine et de l’expansion de dévotions populaires caractérisées par une forme intense d’émotivité.

Grâce à l’énergie que déploya l’abbé De Lamarre, la promotion du culte à saint Antoine connut un essor spectaculaire dans les deux dernières décennies du xixe siècle. En 1894, il fonda un orphelinat pour filles qui prit le nom d’orphelinat Saint-Antoine ; les Augustines de la miséricorde de Jésus acceptèrent d’en prendre charge à l’Hôtel-Dieu Saint-Vallier de Chicoutimi. Il y associa immédiatement l’Œuvre du pain de saint Antoine, dont le but était d’assurer le soutien financier de la maison de charité. La même année, il publiait à Chicoutimi la Dévotion à saint Antoine de Padoue, livre qui connut plusieurs éditions dont une en anglais dès 1895. En juin de la même année, avec l’abbé Victor-Alphonse Huard, il entreprit la publication du Messager de Saint-Antoine, qu’il animerait pendant 30 ans. De façon générale, le périodique voulait assurer l’éducation à la prière et au recours à Dieu dans la vie de tous les jours, de même que le développement de la pratique des vertus chrétiennes. Plus particulièrement, il visait à promouvoir la dévotion à saint Antoine et à soutenir les œuvres de l’abbé De Lamarre. Le mensuel contenait un éditorial, la plupart du temps sur des questions religieuses, des articles parus dans d’autres revues, une tranche de la vie de saint Antoine, des nouvelles de l’Église, des témoignages, des faveurs obtenues et demandées, des récits de miracles et des annonces. Progressivement, il devint aussi un instrument de propagation de la dévotion mariale. Tiré à plus de 10 000 exemplaires dans la première décennie du xxe siècle, il était distribué au Canada et dans des États de l’est des États-Unis. En janvier 1896, l’abbé De Lamarre lançait le St Anthony’s Canadian Messenger, version anglaise du Messager publiée jusqu’en décembre 1903. En 1904, pendant son mandat de supérieur, l’abbé De Lamarre fonda une communauté religieuse féminine, les Sœurs de Saint-Antoine de Padoue, chargée de l’entretien du séminaire de Chicoutimi, et rédigea les premières constitutions et règles de cette congrégation ; ces religieuses prendraient le nom de Sœurs antoniennes de Marie, Reine du clergé, en 1929.

En 1907, l’abbé De Lamarre acquit une propriété au lac Bouchette, au sud du lac Saint-Jean, où il fit construire une maison et une chapelle (décorée par son cousin, le peintre Charles Huot) pour y prendre du repos. L’ermitage San’Tonio, ainsi qu’il le baptisa, devint bientôt un centre régional de pèlerinage à Notre-Dame de Lourdes : au cours d’une de ses promenades, l’abbé De Lamarre découvrit une grotte qui ressemblait à celle de Lourdes, en France, et y fit installer une statue de la Vierge ; des gens des alentours y vinrent prier et, à la suite de témoignages de faveurs obtenues par la fréquentation des lieux, le nombre de visiteurs ne cessa d’augmenter. En 1922, une hôtellerie de 50 chambres fut construite pour accueillir les pèlerins. L’abbé De Lamarre, par son engagement dans la diffusion de la dévotion à saint Antoine, contribua aussi à la popularité du lieu. Ainsi, il fut directeur pour l’Amérique du Nord de l’Association universelle en l’honneur de saint Antoine de Padoue de 1895 à 1925, période pendant laquelle il veilla particulièrement à la consécration d’enfants au saint. En 1920, il publia à Montréal le Manuel du pèlerin. Parallèlement, grâce au Messager, diverses formes cultuelles et votives (répons miraculeux, neuvaines, mois de saint Antoine) s’implantaient parmi les fidèles, qui venaient de plus en plus nombreux à l’ermitage. Comme bien des prêtres de son époque, l’abbé De Lamarre avait un goût certain pour l’écriture. Il le démontra dans ses œuvres à caractère religieux, bien sûr, mais il le manifesta sur d’autres tribunes. C’est ainsi qu’il participa en 1892 à la fondation du journal collégien du petit séminaire de Chicoutimi, l’Oiseau-Mouche, dans lequel il écrivit sous le pseudonyme de Livius. En 1924, sous le nom de C. de La Roche, il publia à Québec un ouvrage sur son neveu Victor De Lamarre* : Victor De Lamarre, le roi de l’haltère. Il est également l’auteur de Ad limina apostolorum : (ode-symphonie), écrite en 1883 pour saluer le retour de Rome de l’évêque de Chicoutimi, Mgr Dominique Racine*, et mise en musique par l’abbé David-Odilon Dufresne.

Homme aux talents multiples, l’abbé Elzéar De Lamarre possédait, semble-t-il, une personnalité plutôt effacée et conciliante. On ne lui connaît qu’un seul épisode de tension avec les autorités diocésaines et il advint à la fin de sa vie, avec Mgr Michel-Thomas Labrecque*, au sujet de la cession du sanctuaire du Lac Bouchette aux capucins plutôt qu’à l’église diocésaine de Chicoutimi. Le prêtre avait d’ailleurs eu de la difficulté à trouver une congrégation religieuse disposée à reprendre le flambeau de son œuvre, probablement en raison des dettes dont était affligé le sanctuaire. L’évêque de Chicoutimi se rendit finalement aux dernières volontés de l’abbé De Lamarre et, à compter du 21 octobre 1925, les capucins furent propriétaires du sanctuaire ainsi que du Messager de Saint-Antoine. Ces deux œuvres, de même que l’Œuvre du pain et la congrégation des Sœurs antoniennes de Marie, demeurent bien vivantes aujourd’hui et rappellent celui que l’on considère comme un « saint homme ».

Claude Gilbert

On trouve de nombreux renseignements sur l’abbé Elzéar De Lamarre et ses œuvres aux Arch. du diocèse de Chicoutimi, Québec, et aux Arch. des Sœurs antoniennes de Marie (Chicoutimi).

ANQ-Q, CE301-S27, 10 sept. 1854.— Le Progrès du Saguenay (Chicoutimi), 23 avril 1925.— Antonio Dragon, l’Abbé Delamarre, fondateur des Sœurs antoniennes de Marie et des pèlerinages du Lac Bouchette ([Chicoutimi], 1974).— Évocations et Témoignages : centenaire du diocèse de Chicoutimi, 1878–1978 (Chicoutimi, 1978).— Louise Gagnon-Arguin, « la Dévotion à Saint-Antoine à travers le Messager de Saint-Antoine ; essai d’analyse d’une dévotion populaire » (mémoire de m.a., univ. Laval, 1978).— André Simard, les Évêques et les Prêtres séculiers au diocèse de Chicoutimi, 1878–1968 ; notices biographiques (Chicoutimi, 1969), 93–95.— Laurent Tremblay, Au service du royaume ; spiritualité de l’abbé De Lamarre (Chicoutimi, 1979).

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Claude Gilbert, « DE LAMARRE, ELZÉAR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/de_lamarre_elzear_15F.html.

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Auteur de l'article:    Claude Gilbert
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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