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MARQUIS, CALIXTE (baptisé Joseph-Calixte Canac, dit Marquis), prêtre catholique, missionnaire colonisateur, curé et protonotaire apostolique, né le 14 octobre 1821 à Québec, fils de David Marquis (Canac, dit Marquis), marchand, et d’Euphrosine Goulet ; décédé le 19 décembre 1904 à Saint-Célestin, Québec.
Après des études classiques (1831–1839) et théologiques (1840–1844) au petit et au grand séminaire de Québec, Calixte Marquis est ordonné prêtre le 21 décembre 1844. À l’automne de 1845, il devient vicaire à Saint-Grégoire (Bécancour) où il se signale par son zèle. Il s’occupe, en 1847, de placer 33 orphelins irlandais à Saint-Grégoire et Bécancour et il contribue, de ses propres deniers, à l’éducation de quatre d’entre eux, deux garçons et deux filles. Avec son curé Jean Harper, il s’attaque au problème des écoles et, à titre de secrétaire-trésorier de la commission scolaire, il doit faire face à un fort groupe d’opposants qui refusent de contribuer au financement des écoles, et vont jusqu’à incendier une grange et empoisonner sa jument. En collaboration étroite avec son supérieur, il jette, de 1849 à 1853, les bases d’une communauté de religieuses enseignantes, les Sœurs de l’Assomption de la Sainte Vierge, dont il revendique le titre de fondateur, contesté cependant par les partisans du curé Harper [V. Edwige Buisson].
L’abbé Marquis s’intéresse à la colonisation des Cantons-de-l’Est dès son arrivée à Saint-Grégoire, mais plus activement encore quand il devient, en 1852, curé de Saint-Célestin avec responsabilité sur « tous les fidèles [...] du Township d’Aston ». Malgré une santé fragile, qui l’immobilise fréquemment, il rayonne dans les missions – il en dessert jusqu’à huit à la fois – et il contribue à la fondation de 12 paroisses. Dans ces établissements en émergence, il ajoute à ses tâches pastorales des activités de leader local pour, dit-il, « surveiller la construction des édifices religieux, l’ouverture des chemins, s’interposer entre le colon et le département des terres, ou les grands propriétaires, au besoin, être notaire, médecin, maître de poste, juge de paix, etc. » Il intervient de façon régulière dans les questions municipales et scolaires, et il ne craint pas d’appuyer ouvertement certains candidats libéraux ; il songe même à se présenter aux élections fédérales de 1877, mais Mgr Louis-François Laflèche*, évêque du diocèse de Trois-Rivières, s’interpose. Agissant officieusement comme agent des terres, il achète un très grand nombre de lots, parmi les plus fertiles et les mieux situés, et il les revend aux colons, avec de bons profits, d’où certaines accusations de spéculation et même de malhonnêteté. Pendant ces années, l’abbé Marquis se révèle l’un des plus ardents théoriciens de la colonisation : il dénonce les obstacles comme l’absence de chemins, la spéculation des grands propriétaires fonciers et le manque de secours religieux ; en 1857 et 1867, il propose des plans globaux pour corriger la situation. Son idée clé est de faire du clergé « l’engin de la colonisation » et de lui assurer le leadership dans les Cantons-de-l’Est en créant un diocèse à Nicolet.
Ce projet, l’abbé Marquis le poursuit pendant plus de 30 ans. En 1852, avec un groupe de prêtres de la rive sud, il demande de fixer à Nicolet plutôt qu’à Trois-Rivières la résidence du nouvel évêque demandé par l’épiscopat canadien. Il revient à la charge, en 1867, pour proposer la création d’un diocèse formé à partir de ceux de Québec et de Trois-Rivières (la rive sud, moins les vieilles paroisses du littoral) : comme ville épiscopale, on peut trouver, dit-il, « un endroit central », avec « église et résidence convenables pour y recevoir un évêque », et même un collège ; ce ne peut être que Nicolet. La création du diocèse de Sherbrooke en 1874 correspond mal aux plans du missionnaire colonisateur.
Le curé Marquis se joint alors aux prêtres du séminaire de Nicolet qui, inquiets pour la survie de leur établissement depuis que Mgr Laflèche a érigé en séminaire diocésain le collège de Trois-Rivières en 1874, demandent à Rome la division du diocèse de Trois-Rivières et la création d’un diocèse à Nicolet. D’abord discret, son appui devient une campagne ouverte avec l’arrivée d’un délégué apostolique, Mgr George Conroy*, en 1877. Mgr Laflèche le dénonce comme « l’âme de toute cette agitation » et Mgr Conroy parle de lui comme d’un « intrigant de bas étage ». Au cours de l’été de 1877, l’évêque de Trois-Rivières profite de la plainte de quelques paroissiens de Saint-Célestin pour l’éloigner « du théâtre de ses intrigues et des grandes voies de communications [...] et d’une population qui le redout[e] et dont plusieurs suspect[ent] son honnêteté ». Le curé Marquis refuse sa mutation à Sainte-Ursule et se retire du ministère actif ; il demeure désormais dans une modeste maison en face de l’église de Saint-Célestin. L’annonce du refus de la création d’un nouveau diocèse à Nicolet en avril 1878 l’oblige à demander des moyens de subsistance à Mgr Laflèche, ce qui sera un brandon de discorde entre les deux antagonistes pendant quelques années. En 1883, l’ancien curé se fait incorporer au diocèse de Chicoutimi dirigé par son ami, Mgr Dominique Racine*, tout en continuant à résider à Saint-Célestin.
L’abbé Marquis profite de ses nouveaux « loisirs » pour fignoler une autre supplique au Saint-Siège en faveur de Nicolet ; terminée en août 1881, elle n’est présentée à la Propagande qu’en décembre 1882. Le rédacteur s’installe à Rome en 1882 et y dirige le dossier grâce à un réseau d’amis au sein des congrégations romaines ; il sert d’informateur à ses partisans demeurés au pays, et il fournit une masse de documents et de commentaires au Saint-Siège. Il détruit habilement les principaux arguments des adversaires de Nicolet et dénigre systématiquement Mgr Laflèche et son agent Luc Desilets*. Malgré les objections du délégué apostolique Joseph-Gauthier-Henri Smeulders, il obtient la création du diocèse de Nicolet en 1885, grâce à l’appui de la majorité des évêques du Québec et à l’intervention musclée de l’archevêque Elzéar-Alexandre Taschereau*. Le chanoine Elphège Gravel, de Saint-Hyacinthe, devient le premier évêque du diocèse.
Marquis revient alors à Saint-Célestin auréolé du titre de fondateur du nouveau diocèse, de protonotaire apostolique ad instar participantium et même de chanoine honoraire des basiliques de Lorette et de Vérone, en Italie. Il rapporte aussi un nombre considérable de reliques qu’il aurait puisées dans les catacombes de Rome et dans la chapelle de la famille Odeschalchi. Il en distribue une bonne partie dans les paroisses qui lui en font la demande, mais il en conserve beaucoup dans sa maison. Regroupées dans 226 reliquaires, 6 200 reliques ornent la première Tour des martyrs, une chapelle construite par Mgr Marquis à Saint-Célestin en 1895–1896, qui devient un lieu de pèlerinage paroissial et, dans les années 1930, le « Sanctuaire national de la dévotion aux reliques de Saints ».
Cette fondation ajoute encore du lustre à la carrière de Calixte Marquis, homme entreprenant, tout d’une pièce, au verbe coloré, qui a fait sa marque en religion, éducation, politique et colonisation. Le gouvernement d’Honoré Mercier* le reconnaît en l’invitant, en 1889, à collaborer avec le sous-commissaire François-Xavier-Antoine Labelle* à la promotion de la colonisation dans la partie nord du Lac-Saint-Jean ; les deux prêtres travaillent tout spécialement à établir à Mistassini des trappistes pour s’occuper d’enseignement agricole [V. Pierre Oger*]. C’est la dernière mission de Mgr Marquis. Il vit de plus en plus isolé, ses nombreuses amitiés au sein de l’épiscopat disparaissant avec les décès ou les brouilles ; il ne lui reste que l’affection et la vénération de ses anciens paroissiens. À ses funérailles en décembre 1904, on ne rencontre parmi la foule nombreuse aucun évêque en titre, pas même le nouveau de Nicolet, Mgr Hermann Brunault.
Calixte Marquis est l’auteur de : Mémoire sur la colonisation des terres incultes du Bas-Canada : pour être présenté à Nosseigneurs les évêques de la province ecclésiastique du Canada, réunis à Québec, à l’occasion de la consécration de Sa Grandeur Mgr. J. Langevin, évêque de Rimouski ([Québec], 1867) ; Petit Recueil de cantiques, à l’usage des missions, retraites, neuvaines et cathéchismes (1re éd., [Trois-Rivières, Québec], 1845 ; 2e éd., [Québec], 1863 ; 3e éd., [Trois-Rivières], 1889).
ANQ-Q, CE1-1, 14 oct. 1821.— Arch. de l’évêché de Trois-Rivières, Québec, Doc. relatifs à Mgr Calixte Marquis (en cours de classement).— Arch. du séminaire de Nicolet, Québec, C133 (Division du diocèse de Trois-Rivières) ; F163 (Calixte Marquis).— Archivio della Propaganda Fide (Rome), Scritture originali riferite nelle Congregazioni generali, 1021 ; Scritture riferite nei Congressi, America settentrionale, 15 (1877) ; 16 (1877a : Mgr Conroy) ; 17 (1877b : Mgr Conroy) ; 18 (1877c) ; 26 (1875–1886).— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. des journaux, 1857, app. 47 ; Comité spécial nommé pour prendre en considération la colonisation des terres incultes du Bas-Canada, Rapport (Québec, 1862) ; Comité spécial nommé pour s’enquérir des causes qui retardent la colonisation des townships de l’est du Bas-Canada, Premier et Second Rapports (Québec, 1851) ; Comité spécial sur la colonisation, Rapport (Québec, 1860).— Georges Désilets, le Guide du pèlerin à la Tour des martyrs de Saint-Célestin, comté de Nicolet, P. Qué., Canada ([Annaville ?, Québec], 1932).— Arthur Girard, la « Tour des martyrs » de Saint-Célestin, comté de Nicolet (Arthabaska, Québec, 1924).— J.-E. Laforce, « Monseigneur Calixte Marquis colonisateur... », SCHEC Rapport, 11 (1943–1944) : 113–135.— André Laganière, « le Missionnaire, un membre de la société », les Cahiers nicolétains (Nicolet), 4 (1982) : 90–110 ; « les Missionnaires colonisateurs dans les Bois-Francs : 1840–1870 » (thèse de
Nive Voisine, « MARQUIS, CALIXTE (baptisé Joseph-Calixte Canac, dit Marquis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marquis_calixte_13F.html.
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Auteur de l'article: | Nive Voisine |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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