BRAUN, ANTOINE-NICOLAS, prêtre, jésuite et écrivain, né le 5 février 1815 à Saint-Avold, Moselle, France, fils d’Antoine-Nicolas Braun et de Marguerite-Victoire Simonet, décédé le 1er février 1885 à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord).

Après des études secondaires dans sa paroisse natale, Antoine-Nicolas Braun commença sa théologie au grand séminaire de Metz, entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Tronchiennes, Belgique, et, en 1846, fut ordonné prêtre à Laval, France. Vicaire à Laprairie (La Prairie) dès son arrivée au Bas-Canada en 1851, le père Braun fut nommé à Québec quatre ans plus tard, et il y fit du ministère pendant 15 ans. Directeur spirituel des Sœurs de la Charité de Québec de 1856 à 1870, il rédigea les règles de cette communauté [V. Marie-Anne-Marcelle Mallet*], à la demande de Mgr Charles-François Baillargeon*, évêque de Québec. Il fut aussi directeur de la Congrégation des hommes de la haute ville et prédicateur de retraites. Plus d’une fois, l’évêque de Québec lui confia la prédication du carême à la cathédrale. Après avoir entendu sa série de conférences sur le mariage chrétien en 1866, Mgr Baillargeon lui suggéra de la publier. Une lettre à ce sujet du général de la compagnie, le père Pierre Beckx, mit fin aux hésitations du père Braun. Les Instructions dogmatiques sur le mariage chrétien parurent à Québec en 1866 et à Montréal en 1873. Cet exposé, dans lequel étaient réfutées les théories gallicanes du légiste français Robert-Joseph Pothier, théories enseignées à l’université Laval, valut à son auteur d’être, par suite de pressions, évincé du diocèse de Québec en 1870.

Reçu au collège Sainte-Marie, à Montréal, Braun fut chargé de cours, puis s’adonna à la prédication au Gesù et dans les différentes paroisses du diocèse. Le sermon qu’il prononça, le 29 octobre 1872, à l’occasion du jubilé d’or sacerdotal de Mgr Ignace Bourget, suscita une tempête qui, par la voix des journaux, s’étendit à toute la province. Les réactions de l’auditoire et du public s’expliquent pour une large part par des circonstances imprévues. Le père Braun devait prononcer dans la chapelle de l’évêché le sermon réservé au personnel de Mgr Bourget, et Mgr Louis-François Laflèche*, celui pour le clergé et le public à l’église Notre-Dame ; ce dernier manquant à la dernière heure, on retint le père Braun pour Notre-Dame et on lui substitua pour le sermon à l’évêché l’abbé Alexis Pelletier* qui avait été admis à Montréal après avoir eu quelques difficultés avec les autorités diocésaines de Québec. Homme de doctrine et ultramontain de stricte observance, le père Braun exalta le zèle de son évêque pour les « bons principes » : liberté de l’Église, droit que possède l’évêque d’ériger des paroisses indépendamment de l’autorité civile, lutte contre le gallicanisme et le libéralisme qui constituent des dangers pour la foi. De là l’animosité de plusieurs, tant clercs que laïcs, car ils étaient nombreux ceux qui ne donnaient pas aux « bons principes » la même extension que Mgr Bourget. Le 10 novembre 1872, le père Jean Bapst, supérieur des jésuites de la province de New York, écrivit au père Braun que son sermon lui paraissait irréprochable. Les censeurs romains en dirent autant en 1873, lors d’un voyage que Braun fit avec Mgr Laflèche dans la Ville éternelle. Somme toute, avec le recul du temps, on voit que ce sermon ne méritait « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ». Il ne fut qu’un incident dans la vie du jésuite.

En 1869, les supérieurs de la compagnie avaient demandé au père Braun d’étudier le problème des biens des jésuites et d’éclairer l’opinion des législateurs. Cette question était en suspens depuis la mort, en 1800, du père Jean-Joseph Casot*, dernier jésuite de la Nouvelle-France. À ce moment, l’Angleterre s’était approprié les biens des jésuites et, plus tard, les avait cédés à la province du Canada. Comme ces biens étaient tous situés dans la province de Québec, celle-ci les avait pris en charge – malgré le retour des jésuites au Canada en 1842 – lors de l’instauration de la Confédération. En 1874, Braun publia son ouvrage Mémoire sur les biens des jésuites en Canada, par un jésuite. Cette étude, savant traité de droit ecclésiastique, établit l’inaliénabilité des biens que l’Église possède ou de ceux qui lui ont appartenu et dont les donateurs ou propriétaires sont morts. Dans ce dernier cas, l’Église a le droit et même le devoir de les récupérer, si la chose est possible, et c’est à elle, dans la personne du pape, qu’il appartient de les redistribuer de la façon qui paraîtra la plus conforme à la pensée des disparus. Le père Braun énonça les principes qui ont amené le règlement de la question des jésuites. En 1888, le gouvernement d’Honoré Mercier* et les jésuites du Canada, délégués ad hoc par le Saint-Siège, en vinrent à une entente. Par la suite, le pape Léon XIII fit le partage de l’indemnité jugée équitable par les deux parties : par un bref papal, daté du 15 janvier 1889, la Compagnie de Jésus reçut $160 000 et un terrain situé à Laprairie, l’université Laval $100 000 et sa succursale à Montréal $40 000 ; un montant de $100 000 devait être divisé entre les évêques de la province.

En 1875, le père Braun vit se réaliser un projet qu’il caressait depuis longtemps, à savoir l’ouverture d’un carmel à Montréal. Pour aider au recrutement et initier le public à la vie des carmélites déchaussées, il publia en 1875 Une fleur du Carmel ; la première carmélite canadienne, Marie-Lucie-Hermine Frémont, en religion sœur Thérèse de Jésus, biographie d’une jeune fille de Lévis qui, se croyant appelée à la vie du Carmel, alla faire son noviciat à Reims, France, en 1872. Elle y mourut quelque six mois plus tard, et c’est alors que les carmélites de Reims décidèrent de venir à Montréal ; elles arrivèrent en mai 1875. Avec l’appui du père Braun, mère Séraphine du Divin Cœur de Jésus, supérieure à Montréal, entendait que le monastère fût construit selon les règles de son ordre, projet que les administrateurs laïques qualifièrent d’extravagant, et dont ils faisaient porter la responsabilité au père Braun. Dans le but de calmer les esprits surexcités, Mgr Bourget demanda à Braun de ne plus paraître au Carmel. Mais le fier batailleur qu’était le père Braun avait estimé qu’il y avait place au Canada pour cet ordre contemplatif, et l’expérience lui a donné raison. Depuis 1875, deux autres carmels ont été ouverts : celui de Saint-Boniface en 1912, transféré à Trois-Rivières en 1929, et celui de Québec en 1950.

De 1875 à 1885, le père Braun fut affecté à l’église du Gesù comme prédicateur et confesseur ; de plus, il donna des retraites tant à la ville qu’à la campagne. Mgr Édouard-Charles Fabre*, qui l’estimait beaucoup, l’invita souvent comme prédicateur à la cathédrale de Montréal. Brisé de fatigue, il fut assigné au noviciat de Sault-au-Récollet, qui était alors la maison d’accueil pour les jésuites âgés et malades ; il y mourut le 1er février 1885. Antoine-Nicolas Braun fut dans sa vie personnelle aussi rigide qu’il l’avait été pour les autres dans sa direction et sa prédication.

Léon Pouliot

Les principaux écrits d’Antoine-Nicolas Braun sont : Instructions dogmatiques sur le mariage chrétien (Québec, 1866 ; réimpr., Montréal, 1873) ; Mémoire sur les biens des jésuites en Canada, par un jésuite (Montréal, 1874) ; Une fleur du Carmel ; la première carmélite canadienne, Marie-Lucie-Hermine Frémont, en religion sœur Thérèse de Jésus (Montréal, 1875 ; 3e éd., Québec, 1881).

Arch. de la Compagnie de Jésus, prov. du Canada français (Saint-Jérôme, Québec), Fonds général, 1 092, 5 274 ; Sér. A-1, 7 ; Sér. BO 37.— L’Étendard (Montréal), 2 févr. 1885.— Le Nouveau Monde (Montréal), 30 oct. 1872.— Le Carmel au Canada français : mère Séraphine du Divin Cœur de Jésus, 1816–1888, fondatrice et prieure du Carmel de Montréal (nouv. éd., Montréal, 1944).— R. C. Dalton, The Jesuits’ estates question, 1760–1888 : a study of the background for the agitation of 1889 (Toronto, 1968).— Paul Desjardins, Le collège Sainte-Marie de Montréal (2 vol., Montréal, 1940-[1944]), II : 186.— Lareau, Hist. de la littérature canadienne.— « Chronique diocésaine et provinciale », La Semaine religieuse de Montréal, 6 (1885) : 105s.

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Léon Pouliot, « BRAUN, ANTOINE-NICOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/braun_antoine_nicolas_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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