PICARD, LOUIS-ALEXANDRE, bijoutier, joaillier, orfèvre et lieutenant de milice, né dans la paroisse Saint-Eustache à Paris vers 1728, fils de Pierre-François Picard et de Marie-Jeanne Léger, décédé à l’Hôtel-Dieu de Montréal le 27 avril 1799.

Selon toute évidence, Louis-Alexandre Picard fait l’apprentissage de son métier à Paris puis, vers 1750, s’engage dans la cavalerie où il sert pendant deux ans. Son service terminé, il s’établit à Bordeaux où il séjourne deux ans et demi. Il arrive à Québec en 1755, s’installe rue de l’Escalier avec l’orfèvre Jacques Terroux et se lie aussitôt avec le chef de file des orfèvres de la ville, Ignace-François Delezenne. Dès le mois d’octobre, « désirant S’établir en Son particulier », il propose à Terroux de dissoudre l’association qu’ils avaient conclue verbalement et de lui racheter sa part. Picard installe sa boutique rue Saint-Louis et travaille dès lors pour Delezenne.

Ce dernier a fort à faire avec les commandes d’orfèvrerie de traite qui lui viennent de Bigot. Les sommes qu’il verse à Picard s’élèvent, à l’automne de 1756, en cette période de pénurie de numéraire, au total impressionnant de 2 729#, versées en or et en argent. Ces pièces seront utilisées pour la fabrication d’ « effets d’argenterie d’orphevrerie et autres Bijoux de la dte profession ». À cette époque, Picard met au point de nouveaux outils qui lui permettent de produire plus rapidement tout en utilisant moins de matériau précieux. Il engage successivement trois apprentis : Amable Maillou en 1756, Jean-François Risbé en 1757 et Charles Diverny, dit Saint-Germain, en 1759. Vers 1758, il déménage rue de la Montagne où se trouve l’atelier de Delezenne ; son apprenti Risbé, qui demeurait chez lui l’année précédente, habite chez Delezenne en 1758. Son mariage, en mai 1759, avec Françoise Maufils, de qui il a eu une fille au mois de janvier précédent, nous fait connaître son cercle d’amis. Lors du témoignage de liberté au mariage, Delezenne, « qui a fréquenté Le dit picart depuis [quatre ans] qu’il est en Canada », affirme savoir ce qu’il a « dans l’âme ». Quelques jours plus tard, Delezenne assiste à la signature du contrat de mariage en compagnie de Christophe Pélissier et de Jacques Imbert*, agent des trésoriers généraux de la Marine, que l’on peut soupçonner d’avoir eu des accointances avec la Grande Société [V. Michel-Jean-Hugues Péan].

À l’été de 1759, l’activité bourdonnante de l’atelier de la rue de la Montagne est interrompue brutalement par le siège de Québec. La paix revenue, Picard se lance dans des activités immobilières intenses qui l’occuperont pendant plusieurs années. Il garde contact avec Delezenne qui poursuit ses activités d’orfèvre de traite avec de nombreux négociants. Ne tardant pas à se relancer en affaires, Picard acquiert de son ex-associé Terroux pour 1 000ª d’ « Effets, marchandises, et [...] pierreries dorphevrerie [...] pour estre Employées En son commerce ». Mais la crise économique sévit et les affaires ne semblent plus aussi prospères. Malgré des efforts répétés, Picard n’arrive pas à vendre sa maison de la rue de la Montagne, même « à très bon marché [selon] des conditions fort avantageuses pour l’acquéreur ». À ces problèmes financiers s’ajoute celui des apprentis : Philippe Bélanger résilie son contrat en 1766, et Louis Migneau s’enfuit en 1772. Comble de malchance, son fils Pierre se noie en 1775 et une nouvelle guerre s’annonce. Picard reçoit au mois d’août une commission de lieutenant dans la milice canadienne de Québec. Le 31 décembre 1775, il était de garde au poste de Près-de-Ville lorsque celui-ci est attaqué par le major général Richard Montgomery. À l’issue de l’engagement, non seulement les Américains ont perdu 36 hommes, dont Montgomery, mais leurs troupes sont mises en déroute.

La paix rétablie, Picard entreprend la construction d’une nouvelle maison, rue des Remparts, celle de la rue de la Montagne ayant été lourdement endommagée. Même si Picard s’obstine à demeurer à Québec, la capitale de l’orfèvrerie de traite est dorénavant Montréal. Bien qu’une certaine activité lui permette d’engager l’apprenti Michel Létourneau en 1783, Picard fait faillite : il ne peut acquitter des traites de 9 380# sur sa maison et est emprisonné. Libéré en 1785, il remonte lentement la pente. Il loge successivement rue Saint-Jean et place du Marché. En 1795, il signe avec six autres orfèvres de Québec une pétition demandant qu’une loi relative à l’utilisation des forges ne s’applique pas à eux, car elle leur porte préjudice à plusieurs égards [V. Michel Forton*]. Peu après il se résigne, malheureusement trop tard, à déménager à Montréal. Les Pierre Huguet*, dit Latour, Dominique Rousseau* et Robert Cruickshank* y dominent alors le marché.

L’œuvre de Picard est pratiquement inconnu. Seul un gobelet conservé au Musée du Québec, portant le poinçon AP dans un rectangle, lui a été attribué.

Robert Derome

ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 28 avril 1799.— ANQ-Q, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 7 mai 1759, 26 janv. 1762, 19 janv. 1769 ; Greffe de Claude Barolet, 13, 29 déc. 1756, 22 avril 1757, 6 mars, 6 mai 1759 ; Greffe de M.-A. Berthelot d’Artigny, 2 août 1777 ; Greffe de François Lemaître Lamorille, 16 déc. 1762 ; Greffe de J.-C. Louet, 2 oct. 1755, 17 janv. 1763 ; Greffe de J.-C. Panet, 9 juill. 1766 ; Greffe de J.-N. Pinguet, 13 janv. 1785, 1er mai 1786 ; Greffe de F.-D. Rousseau, 24 sept. 1783 ; Greffe de J.-A. Saillant, 15 mars 1757 ; QBC 26, 1, 1re partie, p.2.— ASQ, S, Carton 13, no 51.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, Dossier L.-A. Picard.— Les dénombrements de Québec faits en 1792, 1795, 1798 et 1805 par le curé Joseph-Octave Plessis, ANQ Rapport, 19481949, 18, 83.— Invasion du Canada (Verreau), 121.— La milice canadienne-française à Québec en 1775, BRH, XI (1905) : 228.— Témoignages de liberté au mariage (15 avril 175727 août 1763), ANQ Rapport, 19511953, 49, 83s.— La Gazette de Québec, 27 déc. 1764, 3 janv. 1765, 17, 24 nov., 15 déc. 1766, 6 oct. 1768, 30 juill. 1772, 27 juill. 1775, 27 déc. 1792.— Derome, Les orfèvres de N.-F.— J. Trudel, L’orfèvrerie en N.-F., 221.— Robert Derome, Delezenne, les orfèvres, l’orfèvrerie, 17401790 (thèse de m.a., université de Montréal, 1974).— Frégault, François Bigot.— Langdon, Canadian silversmiths.— Ouellet, Hist. économique.— Traquair, Old silver of Que.— Gérard Morisset, L’orfèvre Louis-Alexandre Picard, La Patrie (Montréal), 30 avril 1950, 37s.

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Robert Derome, « PICARD, LOUIS-ALEXANDRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/picard_louis_alexandre_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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