Titre original :  Daniel J. O’Donoghue. Library and Archives Canada, C-043281.

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O’DONOGHUE, DANIEL JOHN, typographe, dirigeant syndical, homme politique, rédacteur en chef et fonctionnaire, né le 1er août 1844 à Listry, près de Killarney (république d’Irlande), fils aîné de John O’Donoghue et de Catherine Flynor (Flynn) ; le 15 septembre 1870, il épousa à Ottawa Marie-Marguerite Cloutier, et ils eurent 11 enfants parmi lesquels 3 filles et 5 garçons survécurent ; décédé le 16 janvier 1907 à Toronto.

Daniel John O’Donoghue immigra au Canada avec sa famille en 1852. À cause de la mort de son père, il fut mis en apprentissage chez un imprimeur d’Ottawa à l’âge de 13 ans. Bien que sa scolarité ait été faible ou nulle, sa contribution au soutien de sa famille devint vitale, surtout après que son frère Morris fut allé s’enrôler dans l’armée de l’Union pendant la guerre de Sécession. O’Donoghue était toujours apprenti lorsqu’il devint en 1860 préposé à l’éclairage dans une brigade de pompiers volontaires, la First Fire-Brigade, et s’inscrivit à la St Patrick’s Literary Society. Vers 1865, une fois devenu compagnon typographe, il quitta Ottawa et travailla un temps à Buffalo, dans l’État de New York, où il adhéra au National Typographical Union. Puis, après un bref séjour à Ottawa, il passa environ un an à faire une tournée, comme c’était la coutume chez les jeunes compagnons typographes : il alla à Cleveland, à Milwaukee, à Chicago, à St Louis, à Memphis et à La Nouvelle-Orléans. De retour à Ottawa en 1866, il entra à l’atelier de composition du Times et participa à l’organisation de l’Ottawa Typographical Union, section 102 du National Typographical Union (celui-ci deviendrait trois ans plus tard l’International Typographical Union).

Le syndicat d’Ottawa livra sa première grande bataille en novembre 1869 en déclenchant une grève à l’Ottawa Citizen parce que le propriétaire tentait de réduire le tarif des compositeurs affectés à l’exécution d’un contrat gouvernemental d’imprimerie obtenu peu de temps auparavant. Les typographes eurent gain de cause : leur tarif resta le même. L’année suivante, O’Donoghue épousa Marie-Marguerite Cloutier, fille de Georges Cloutier, chef du syndicat des typographes et comme lui compositeur au Times. Les unions entre familles de typographes étaient courantes ; celles entre catholiques irlandais et Canadiens français l’étaient moins. Quand O’Donoghue ferait de la politique, le fait d’avoir épousé une Canadienne française serait un atout pour lui.

O’Donoghue se fit connaître comme dirigeant syndical à Ottawa et ailleurs pendant les luttes ouvrières qui survinrent au Canada au début des années 1870. Il se signala d’abord à la suite de la grève des typographes torontois et de l’arrestation de leurs leaders syndicaux, dont John Armstrong, au printemps de 1872. Avec le tailleur de pierre Donald Robertson, il réussit à convaincre le premier ministre du pays, sir John Alexander Macdonald*, d’établir une loi équivalente à celle qui venait de légaliser les syndicats en Grande-Bretagne. Grâce à cette loi, le Parti libéral-conservateur de Macdonald allait pouvoir se targuer durant une vingtaine d’années d’être l’ami de la classe ouvrière. En décembre 1872, O’Donoghue et Robertson jouèrent un rôle prépondérant dans la formation de l’Ottawa Trades Council, qui regroupait les syndicats de la ville. Élu secrétaire de cette centrale en 1872, O’Donoghue accéda à la présidence l’année suivante.

En 1873, O’Donoghue, qui était en plus président de l’Ottawa Typographical Union, mena une grève farouche pour la journée de neuf heures, concession obtenue l’année précédente par les typographes de Toronto. La grève se solda par un échec : pour remplacer les grévistes, les patrons firent venir des typographes étrangers et enseignèrent à des femmes à faire de la composition. Sans aucun doute, les positions qu’O’Donoghue afficherait par la suite à l’égard des travailleurs immigrés s’inspiraient en partie de cette expérience ; peut-être aussi le sensibilisa-t-elle davantage à la condition des ouvrières. O’Donoghue ne resta pas à Ottawa pendant toute la durée de la grève. Il assista à Toronto à l’assemblée de fondation du Canadian Labor Union, la première centrale syndicale du pays. Au cours de ce congrès, il travailla au comité des statuts et au comité des métiers de l’imprimerie. Il devint également vice-président de l’organisation, fonction à laquelle il serait réélu en 1874 et en 1875. En 1873, l’International Typographical Union se réunit à Montréal ; O’Donoghue, unique délégué de la section 102 d’Ottawa, fut élu au comité directeur.

En janvier 1874, l’Ottawa Trades Council décida de présenter un candidat ouvrier à l’élection partielle qui se tiendrait dans la circonscription provinciale d’Ottawa par suite de la démission de Richard William Scott*, éminent homme politique catholique. O’Donoghue fut choisi à l’assemblée de mise en nomination, mais seulement après un fort mouvement d’opposition partisane dirigé par son ancien allié Donald Robertson. Le candidat officiel des libéraux-conservateurs finit par se retirer de la course, aidant ainsi, passivement du moins, O’Donoghue à remporter une victoire sans équivoque sur le candidat réformiste. On ne peut guère douter que les électeurs catholiques irlandais et canadiens-français, auxquels il était lié de par sa religion et son mariage, contribuèrent à sa réussite. Élu en tant que candidat ouvrier indépendant, O’Donoghue fut le premier député ouvrier à siéger dans une Assemblée provinciale au Canada.

Pendant sa campagne, O’Donoghue avait eu l’appui tacite des libéraux-conservateurs, mais cela ne l’empêcha pas, au cours de sa première année à la Chambre, de soutenir la plupart des initiatives du gouvernement réformiste d’Oliver Mowat, par exemple des lois pro-ouvrières sur l’arbitrage des conflits de travail, le privilège foncier des fournisseurs et le droit des employés à une part des bénéfices. Cependant, aux élections générales de 1875, il dut affronter les deux partis. La lutte fut serrée, mais il en sortit vainqueur. Ce n’était pas un mince exploit, étant donné qu’il avait pour adversaires le maire d’Ottawa, John Peter Featherstone, réformiste, et l’ancien ministre fédéral John O’Connor*, tory. Le programme qu’il défendit au cours de ses deux campagnes était très proche des objectifs du Canadian Labor Union. Il s’engagea à travailler à l’extension du droit de vote, à l’amélioration de la loi sur le privilège foncier des fournisseurs, à l’abolition du travail carcéral et à l’adoption d’une politique d’immigration qui limiterait l’entrée des travailleurs spécialisés. Il promit en outre d’agir dans l’intérêt de l’industrie du bois et de promouvoir la multiplication des travaux publics, ce qui intéressait davantage ses électeurs d’Ottawa. En 1874, sa voix fut « étouffée » en Chambre, mais pendant son deuxième mandat, il préconisa la limitation de l’immigration et l’extension du suffrage masculin tout en s’opposant au travail carcéral et forfaitaire. Fait à noter, bien qu’il ait lutté pour le droit de vote des ouvriers de sexe masculin, il se prononça contre le droit de vote des femmes propriétaires aux scrutins municipaux.

Aux élections de 1879, O’Donoghue se vit infliger une cuisante défaite par le candidat tory. Mowat avait recommandé que les réformistes d’Ottawa le choisissent comme candidat, mais ils avaient refusé. La terrible dépression des années 1870 avait eu raison du Canadian Labor Union, de l’Ottawa Trades Council et d’un bon nombre de syndicats locaux, ce qui l’avait certainement privé de ses anciens appuis. Après sa défaite, il s’établit à Guelph, où il fut un temps rédacteur en chef d’un journal.

Installé à Toronto en novembre 1880, O’Donoghue reprit le métier de compositeur, cette fois au World. Membre du Toronto Typographical Union, section 91 de l’International Typographical Union, il recommença à jouer un rôle important dans le mouvement ouvrier. Au printemps de 1881, le Toronto Typographical Union se mit à discuter de la réorganisation d’une centrale torontoise. L’idée fit boule de neige au congrès de l’International Typographical Union qui se tint à Toronto en juin. En août, les délégués d’un certain nombre de syndicats torontois se réunirent pour fonder le Toronto Trades and Labor Council. Presque dès la fondation, et durant 19 ans, O’Donoghue fut président du comité législatif. C’est surtout à partir de cette tribune qu’il promut sa propre vision de la réforme ouvrière. Il était particulièrement virulent à l’endroit de la Politique nationale et de la politique d’immigration du gouvernement fédéral. Son cri de ralliement était : « Il faut protéger la main-d’œuvre aussi bien que le capital. » O’Donoghue instaura l’examen systématique du travail accompli par les agents canadiens d’immigration dans les îles Britanniques. En outre, sous sa direction, le comité législatif faisait circuler des pétitions et de la documentation parmi des syndicats de tout le Canada. Grâce à ces initiatives et à la volumineuse correspondance qu’il entretenait avec des journaux et des syndicalistes britanniques, il étendit beaucoup le rayon d’influence du Toronto Trades and Labor Council.

En 1882 survint un événement tout aussi important, sinon plus, pour les travailleurs de Toronto : l’arrivée de l’ordre des Chevaliers du travail. Dans la décennie suivante, cette organisation allait devenir le fer de lance d’un remarquable mouvement social qui placerait les travailleurs du centre du Canada à l’avant-scène du débat politique national. Les Chevaliers du travail avaient un objectif tout nouveau, organiser l’ensemble de la classe ouvrière ; ce fut la clef de leur succès. Instruit par l’expérience des militants des syndicats de métier qui, dans les années 1870, avaient vu leurs organisations s’écrouler à cause de la mécanisation, l’ordre estimait que l’on favorisait les dissensions au sein de la classe ouvrière en maintenant des distinctions sociales et des distinctions fondées sur le métier. Les ouvriers ontariens, hommes et femmes, catholiques et protestants, spécialisés ou non, noirs ou blancs, s’inscrivirent en masse à l’ordre. La fondation à Toronto de l’assemblée locale Excelsior n° 2305, en octobre 1882, est particulièrement digne de mention. Bien vite, cette assemblée prit en main l’organisation et la définition de la théorie des Chevaliers du travail, qui prenaient rapidement de l’expansion dans le centre du Canada. En tant que membres, O’Donoghue et d’autres chefs syndicaux qui avaient milité dans les années 1870, par exemple le tailleur Alfred F. Jury*, les peintres Charles March et John W. Carter et le journaliste Thomas Phillips Thompson*, mettaient au point les stratégies qui allaient prédominer pendant au moins une dizaine d’années. Leur plus grande réussite fut la fondation d’une nouvelle centrale, le Congrès des métiers et du travail du Canada, qui se réunit pour la première fois à Toronto à l’automne de 1883. Formé sur l’initiative du Toronto Trades and Labor Council, et surtout d’O’Donoghue et du comité législatif, le congrès accueillait aussi bien les syndicats que les assemblées locales des Chevaliers du travail. Parce qu’O’Donoghue et ses collègues réussirent une telle intégration au Congrès des métiers et du travail, puis au Toronto Trades and Labor Council et dans d’autres centrales municipales, le conflit entre les assemblées locales et les syndicats, qui minait gravement l’ordre des Chevaliers du travail aux États-Unis, se trouva minimisé pour un temps au Canada.

O’Donoghue était officieusement le lieutenant canadien de Terence Vincent Powderly, chef de l’ordre en Amérique du Nord. En cette qualité, il mena des négociations importantes avec les évêques catholiques pour s’assurer qu’ils ne suivraient pas l’exemple des prélats conservateurs des États-Unis et de la province de Québec qui avaient dénoncé l’ordre parce que c’était une société secrète. Pour commencer, O’Donoghue discuta en 1884 avec l’archevêque de Toronto, John Joseph Lynch*, et gagna son appui. L’hostilité de l’archevêque de Québec, Elzéar-Alexandre Taschereau*, causa des problèmes en 1886. O’Donoghue se vit alors confier la mission de rendre visite aux évêques Joseph-Thomas Duhamel d’Ottawa et Édouard-Charles Fabre* de Montréal pour tenter de régler la question. Plus tard la même année, il visita aussi l’ablégat pontifical afin de lui expliquer ce qu’étaient les Chevaliers du travail. Si, finalement, le pape donna raison aux évêques américains qui soutenaient que l’ordre n’était pas incompatible avec la doctrine catholique, ce fut en grande partie grâce aux démarches d’O’Donoghue, surtout auprès de Lynch, qui appuyait ces évêques.

Durant trois ans, tout alla bien pour les Chevaliers du travail ainsi que pour O’Donoghue et « les gars de la 2305 », comme il surnommait ses collègues dans sa correspondance avec Powderly. Aux élections provinciales de 1883, deux candidats ouvriers défendirent dans Toronto East et Toronto West un programme mis au point par le Toronto Trades and Labor Council. Ils perdirent tous les deux, mais l’un d’eux récolta 48 % des suffrages. Fait plus impressionnant, en janvier 1886, une alliance formée du mouvement ouvrier et du mouvement de réforme sociale parvint à assurer la mise en nomination de William Holmes Howland* à la mairie ; ce dernier battit le maire sortant Alexander Henderson Manning, qui s’était aliéné les ouvriers parce qu’il était lié au Parti tory et surtout au Toronto Daily Mail.

Dès le début de 1886, O’Donoghue et les membres de l’assemblée locale 2305 régnaient sur le Toronto Trades and Labor Council, le Congrès des métiers et du travail et les Chevaliers du travail. En y établissant leur emprise, ils avaient détourné des tories les électeurs de la classe ouvrière. Cette année-là, les Chevaliers continuèrent de prendre de l’expansion et firent deux grèves importantes : une dans la plus grosse manufacture de Toronto, l’usine de machines agricoles de Hart Almerrin Massey*, et une contre la Toronto Street Railway Company. La seconde grève embêta encore plus les tories que la première, car le détenteur de la franchise était un éminent conservateur, le sénateur et ministre Frank Smith. À cause de ces problèmes qui sévissaient à Toronto et de l’importance que les Chevaliers du travail prenaient à l’échelle nationale, sir John Alexander Macdonald mit sur pied une commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail [V. James Sherrard Armstrong*]. Il espérait ainsi apaiser les ouvriers torontois, mais il rata son but en nommant à la commission Samuel R. Heakes, ex-candidat ouvrier qui leur avait déplu lorsqu’il était monté sur les tribunes tories aux élections provinciales de décembre 1886.

La deuxième stratégie, plus indirecte, par laquelle les tories escomptaient regagner le suffrage des travailleurs ontariens était centrée sur Alexander Whyte Wright*. Journaliste et tenant de la Politique nationale, Wright acheta en 1886 l’édition torontoise du Palladium of Labor et la relança sous le titre de Canadian Labor Reformer. Il se mettait ainsi en concurrence directe avec O’Donoghue, qui avait fondé le Labor Record la même année. Le principal objectif de Wright était, semble-t-il, de contrecarrer le succès politique de l’assemblée locale n° 2305. La création en mai 1886 d’une centrale municipale des Chevaliers du travail, l’assemblée du district de Toronto n° 125, lui permit de marquer un premier point. O’Donoghue s’était opposé vigoureusement à ce changement structurel parce qu’il craignait que l’existence d’une centrale parallèle au Toronto Trades and Labor Council n’engendre des divisions. Il avait plutôt prôné la fondation d’une assemblée provinciale qui aurait comblé un fossé entre le Congrès des métiers et du travail, organisation nationale, et les centrales municipales telles le Toronto Trades and Labor Council.

Wright marqua un deuxième point, et se trouva encore une fois en conflit direct avec O’Donoghue, en jouant sur le sentiment nationaliste et en préconisant la fondation d’un ordre canadien des Chevaliers du travail indépendant de l’ordre américain. Powderly favorisa ce mouvement lorsque, à l’assemblée générale de 1887, il créa deux assemblées provinciales et recommanda la formation d’un comité législatif canadien. Après avoir consulté O’Donoghue, il nomma Alfred F. Jury, de l’assemblée locale n° 2305, George Collis, de Hamilton, et John T. Redmond, de Montréal. O’Donoghue semblait avoir repris l’avantage, mais cela ne dura pas. À la fin de juillet, Powderly nomma Wright conférencier dans le cadre du programme éducatif de l’ordre. À l’assemblée générale de 1888, Wright remporta la victoire pour de bon : il fut élu au grand comité directeur et, mieux encore, il gagna la confiance de Powderly. Ainsi, il put prendre en main l’application des recommandations sur le comité législatif canadien, et remplacer immédiatement Jury et les autres par ses propres alliés. Les batailles partisanes qui en résultèrent contribuèrent à affaiblir l’ordre, qui déclinait déjà rapidement en Ontario. En outre, la façon dont Wright manœuvra le comité législatif eut pour effet d’inciter le Congrès des métiers et du travail à se substituer graduellement à l’ordre comme organe central de pression.

Pendant ces années de chicanes et de déclin au sein de l’ordre, O’Donoghue continua de militer au Toronto Trades and Labor Council et au Congrès des métiers et du travail. On estime que, de 1883 à 1902, près de la moitié des motions proposées par des délégués du Toronto Trades and Labor Council furent présentées par lui. De 1891 à 1901, il fit partie du conseil de la Toronto Technical School, car la formation des ouvriers lui tenait à cœur. En même temps, il participa de près à de nombreux conflits à Toronto, dont la bataille qui se poursuivait en vue de mettre fin au monopole du tramway et de faire de celui-ci une propriété publique. Son ancien allié Phillips Thompson n’était pas d’accord avec lui sur cette question ; il avait un journal, le Labor Advocate, qui prônait la réforme ouvrière progressive et qui dénonça en 1891 O’Donoghue et « sa petite suite de grits factieux et fanatiques ». Comme il était question, entre autres, que le tramway circule le dimanche, O’Donoghue commença dans les années 1890 à militer à la Lord’s Day Alliance ; il fut membre du comité de direction de 1895 à sa mort. O’Donoghue s’était rapproché du Parti réformiste dans les années 1880, ce qui lui valut un poste au Bureau de l’industrie de l’Ontario, agence statistique formée en 1882 sous la direction d’Archibald Blue* pour recueillir des données sur la main-d’œuvre, l’industrie et l’agriculture. Au début, il travailla bénévolement ou à temps partiel à titre d’enquêteur, mais en 1885, il devint commis au bureau. Après l’adoption du Trade Disputes Act en 1894, il devint aussi greffier des conseils de conciliation et d’arbitrage. Cependant, la loi se révéla inefficace et peu de conseils furent formés.

En mai 1900, O’Donoghue devint le premier agent d’équité salariale au Canada. D’abord affecté au département fédéral des Travaux publics, il fut bientôt muté à un nouveau département, celui du Travail. Ses fonctions consistaient à fixer les échelles salariales qui s’appliquaient dans diverses régions du pays, à examiner les plaintes portées contre les employeurs délinquants et à répondre aux demandes relatives au règlement qui, depuis mars, garantissait que les travailleurs affectés à l’exécution de tous les contrats et travaux de sous-traitance gouvernementaux toucheraient « les salaires généralement admis comme courants dans le métier pour les travailleurs compétents dans le district où le travail se fai[sait] ».

Il semble que le point d’attache d’O’Donoghue était Toronto car, en 1901, sa famille y habitait encore. Veuf depuis 1895, il avait ses huit enfants à la maison, et les cinq plus jeunes fréquentaient encore l’école. Son fils aîné John George, clerc et étudiant en droit, et sa fille aînée Mollie, professeure de musique, contribuaient au soutien de la famille. Son beau-père, sans doute retraité, vivait aussi avec eux.

O’Donoghue était toujours agent d’équité salariale lorsque, en avril 1906, il tomba malade à Fernie, en Colombie-Britannique. Il ne se remit jamais et mourut en janvier 1907 chez son fils aîné à Toronto. Bon nombre de dignitaires du Parti libéral, dont l’ancien ministre du Travail sir William Mulock* et le sous-ministre William Lyon Mackenzie King*, assistèrent à ses obsèques en l’église St Patrick. Cependant, les porteurs étaient tous des syndicalistes avec lesquels il avait milité longtemps. Il y avait par exemple Richard Devlin et David A. Carey, anciens leaders des Chevaliers du travail, Edward M. Meehan, typographe torontois et ancien président du Toronto Typographical Union, et Alphonse Verville*, député ouvrier de Montréal à la Chambre des communes. Dans son éloge funèbre, Mulock rendit hommage à « l’influence modératrice [d’O’Donoghue] contre les vues extrémistes » et à sa croyance que « les meilleurs moyens de faire avancer une cause [étaient] la modération et la justice ». Le jeune Mackenzie King, qui avait commencé à exercer la nouvelle profession de spécialiste en relations du travail sous la tutelle d’O’Donoghue, le qualifia de « père du mouvement ouvrier du Canada ». Encore aujourd’hui, le Congrès du travail du Canada le range parmi les principaux fondateurs du syndicalisme canadien.

Renommé en tant que chef syndical et homme politique libéral-ouvrier dans les années 1870, grand organisateur syndical dans les années 1880, puis fonctionnaire dans l’administration provinciale et fédérale, Daniel John O’Donoghue traça de nouveaux chemins pour les travailleurs du Canada. Ses modes d’action ne menaient pas au renversement du régime capitaliste (O’Donoghue s’opposa au socialisme lorsque cette théorie apparut au programme du mouvement ouvrier du Canada dans les années 1890), mais ils permirent aux travailleurs d’être enfin reconnus comme une composante importante de la société canadienne. Cette reconnaissance avait certainement été l’un des grands objectifs d’O’Donoghue.

Christina Burr et Gregory S. Kealey

Daniel John O’Donoghue est l’auteur de « Canadian labour interests and movements », article publié dans Canada, an encyclopædia (Hopkins), 6 : 251–265.

AN, MG 26, A, J ; MG 29, A15 ; D61 : 6251–6252 ; D71 ; RG 31, C1, 1881, 1891, 1901, Toronto.— Cathédrale Notre-Dame (Ottawa), Reg. des mariages, 1827–1980, 15 sept. 1870.— Catholic Univ. (Washington), Dept. of Arch. and mss, John Hayes papers ; T. V. Powderly papers.— Catholic Register, 24 janv. 1907.— World (Toronto), 17 janv. 1907.— Annuaire, Toronto, 1881–1900.— Armstrong et Nelles, Revenge of the Methodist bicycle company.— H. J. Browne, The Catholic Church and the Knights of Labor (Washington, 1949).— Christina Burr, « Class and gender in the Toronto printing trades, 1870–1914 » (thèse de ph.d., Memorial Univ. of Nfld, St John’s, 1992).— Canada, Dép. du Travail, Report (Ottawa), 1906–1907 : 9 ; Parlement, Doc. de la session, 1906, n° 30 : 165.— Canada investigates industrialism : the royal commission on the relations of labor and capital, 1889 (abridged), G. [S.] Kealey, édit. (Toronto et Buffalo, N.Y., 1973).— Congrès des métiers et du travail du Canada, Proceedings of the Canadian Labor Union congresses, 1873–77, L. E. Wismer, édit. ([Ottawa, 1951]).— Eugène Forsey, Trade unions in Canada, 1812–1902 (Toronto, 1982).— Doris French, Faith, sweat and politics : the early trade union years ([Toronto], 1962).— G. S. Kealey, Toronto workers.— G. S. Kealey et Palmer, Dreaming of what might be.— Labour Gazette (Ottawa), 7 (1906–1907) : 915.— J. G. O’Donoghue, « Daniel John O’Donoghue : father of the Canadian labor movement », SCHEC Report, 10 (1942–1943) : 87–96.— Ontario, Legislature, Sessional papers, 1895, n° 2 : 44 ; 1896, n° 3 : 45.— Robin, Radical politics and Canadian labour.— Debi Wells, « The hardest lines of the sternest schools » : working class Ottawa in the depression of the 1870s » (thèse de m.a., Carleton Univ., Ottawa, 1982).

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Christina Burr et Gregory S. Kealey, « O’DONOGHUE, DANIEL JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/o_donoghue_daniel_john_13F.html.

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Auteur de l'article:    Christina Burr et Gregory S. Kealey
Titre de l'article:    O’DONOGHUE, DANIEL JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024