OAKLEY, ALFRED, tailleur de pierres et leader syndical, né vers 1846, probablement à Brighton, Angleterre ; il épousa une dénommée Emily, qui lui survécut ; décédé le 30 septembre 1883 à Toronto.

Alfred Oakley arriva à Toronto en 1872 et ne tarda pas à s’intéresser activement au syndicalisme. Il joua d’abord un rôle important dans la campagne menée par le mouvement ouvrier en vue d’obtenir l’abrogation des dispositions relatives à « la violence, aux menaces et à la molestation » contenues dans un amendement de 1872 au droit pénal. Cette campagne prit de l’ampleur lorsque cinq tailleurs de pierres de Toronto furent trouvés coupables de coercition et condamnés à 15 jours de prison pour avoir refusé de travailler en compagnie d’un briseur de grève. Au cours d’une réunion de protestation organisée par la Toronto Trades Assembly, Oakley déclara que le magistrat de police Alexander McNabb était un « imbécile » et la loi, « une honte pour le pays ». En juillet de la même année, les membres de la Journeyman Stonecutters Union le choisirent pour les représenter à la Toronto Trades Assembly, dont il devenait le vice-président un mois plus tard. Cet organisme, qui exerça son activité de 1871 à 1878, fut la première centrale syndicale mise sur pied dans une ville canadienne. Avant l’élection partielle fédérale tenue à l’automne de 1875 dans la circonscription de Toronto West, Oakley demanda aux divers candidats de se prononcer sur les modifications au droit pénal qui avaient été votées cette année-là ; celles-ci répondaient à l’agitation ouvrière qui s’était manifestée depuis 1872, mais ne satisfaisaient pas les chefs syndicaux. Oakley fit savoir à la Toronto Trades Assembly que le candidat libéral, l’échevin John Turner, était favorable aux idées soutenues par la centrale.

En 1876, Oakley représenta son syndicat au congrès annuel tenu à Toronto par la Canadian Labor Union, auparavant la Canadian Labor Protective Movement and Mutual Improvement Association, fondée en 1872, à la suite du mouvement en faveur de la journée de travail de neuf heures. Prenant une part active au congrès, il souscrivit au suffrage universel masculin et préconisa des modifications à la loi provinciale concernant le privilège foncier des fournisseurs de matériaux de construction. Les travailleurs des métiers de la construction attachaient une grande importance à l’amélioration de cette loi, qui allait leur permettre d’être payés dans les cas où l’entrepreneur ferait faillite. Il appuya également une motion visant à soutenir un nouvel amendement au droit pénal, proposé par Edward Blake*. Cette année-là, la Canadian Labor Union désigna les membres de son premier comité parlementaire, et Oakley en fit partie.

« Ultra-radical » en politique, Oakley participa activement aux campagnes des libéraux. Cette attitude fit de lui un personnage controversé parmi les chefs syndicaux de Toronto, milieu dans lequel l’allégeance tory prédominait depuis les événements de 1872 et la loi sur les associations ouvrières. En 1880, il s’opposa avec vigueur au projet de réforme de la monnaie, dit « Beaverback », qui, aligné sur le « greenbackism » américain, visait au gonflement de la masse monétaire, et qui était mis de l’avant par Alexander Whyte Wright*, candidat indépendant à l’élection partielle fédérale tenue dans Toronto West. Oakley donna son appui au candidat libéral.

L’année suivante, Oakley prit part à la fondation du Toronto Trades and Labor Council, qui remplaça la Toronto Trades Assembly, et, après avoir été défait à l’élection pour le poste de secrétaire financier, il fut élu trésorier et nommé au comité législatif. En tant que membre de ce comité, il exerça des pressions auprès des autorités gouvernementales pour obtenir une loi fédérale sur les manufactures et de nouveaux changements à la loi provinciale sur le privilège foncier des fournisseurs de matériaux de construction. Nommé une nouvelle fois au comité en 1882, il amena le syndicat à approuver la nouvelle loi sur le privilège foncier qu’Oliver Mowat* avait fait adopter afin d’apaiser les travailleurs. Aux élections fédérales de 1882, qui furent vivement disputées à Toronto, le vote de la classe ouvrière prit une importance considérable. Les attaques qu’Oakley dirigea contre le gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald* durant la campagne et les tentatives qu’il fit pour inciter le Toronto Trades and Labor Council à appuyer le parti libéral installèrent la partisanerie politique au sein du syndicat et faillirent causer son éclatement. Pendant l’été, un typographe qui donnait son appui aux conservateurs, John Armstrong, battit Oakley à la présidence du Toronto Trades and Labor Council au cours d’une élection âprement disputée et dont la légalité fit l’objet d’un débat qui dura près de deux mois. Oakley dut payer encore une fois les frais de son activité politique partisane : il fut destitué de son poste d’inspecteur de l’égout municipal.

À l’hiver de 1882, Oakley fut mêlé à une autre querelle politique lorsqu’il prit la défense du candidat libéral à la mairie, John Jacob Withrow*. Un des leaders de la Master Carpenters’ Association durant une grève qui avait eu lieu au printemps, Withrow fut sévèrement blâmé par le Toronto Trades and Labor Council pour le rôle qu’il avait joué lors de cette grève et pour l’attitude qu’il avait adoptée dix ans plus tôt lorsqu’il s’était opposé au mouvement en faveur de la journée de travail de neuf heures. Oakley obtint que son candidat prenne part à une assemblée publique afin de répondre aux accusations du syndicat. Withrow se défendit avec ardeur, mais ne réussit à convaincre aucun des autres leaders syndicaux et il fut battu à l’occasion d’une élection serrée. Après cette heureuse intervention dans la politique municipale, le Toronto Trades and Labor Council décida de présenter des candidats aux élections provinciales de 1883. Il fut question d’Oakley, à titre de candidat indépendant du mouvement ouvrier dans Toronto West, mais, en partie à cause d’un mauvais état de santé, il céda la place à son ami intime, le charpentier Thomas Moor. Lorsque ce dernier subit la défaite à l’assemblée de nomination et que le peintre John W. Carter l’emporta par une seule voix, Oakley prétendit que des « influences externes » avaient été exercées. Il fut établi qu’on avait procédé d’une manière irrégulière et on prit un second vote. Cette fois, Carter remporta une victoire décisive au second tour de scrutin, et Moor et Oakley rendirent la nomination unanime en se ralliant à la majorité. Lors de la première campagne qu’il mena à Toronto en tant que candidat indépendant du mouvement ouvrier, Carter obtint 48 p. cent du suffrage, ne subissant la défaite que par la marge de 200 voix.

Sa santé étant de moins en moins bonne, Oakley quitta le Toronto Trades and Labor Council en avril 1883. Quelques mois plus tard, à l’âge de 37 ans, il mourut victime d’une consomption pulmonaire, le terrible mal dont étaient affligés les tailleurs de pierres. Il laissait dans le deuil, outre son épouse, son père et ses deux frères, qui étaient eux-mêmes tailleurs de pierres et habitaient à Toronto dans le même pâté de maisons que lui. La lutte qu’Alfred Oakley avait menée au sein du Toronto Trades and Labor Council en faveur des libéraux fut poursuivie après sa mort par Daniel John O’Donoghue*, qui connut beaucoup plus de succès.

Gregory S. Kealey

APC, MG 28, 144.— CTA, Toronto assessment rolls, St Stephen’s Ward, 1880.— Canadian Labor Union, Proceedings of the Canadian Labor Union congresses, 187377, L. E. Wismer, compil. (Ottawa, 1951).— Toronto City Council, Minutes of proc. (Toronto), 1878–1882.— Globe, 1875–1883.— Toronto Daily Mail, 1875–1883.— Trades Union Advocate (Toronto), 1882–1883.— Toronto directory, 1872–1883.— G. S. Kealey, « The working class response to industrial capitalism in Toronto, 1867–1892 » (thèse de ph.d., Univ. of Rochester, N.Y., 1977) ; « The life of a Toronto artisan : Thomas William Dowson, stonecutter », Committee on Canadian Labour Hist., Bull. ([Halifax]), 1 (printemps 1976) : 10–[14].— Wayne Roberts, « Artisans, aristocrats and handymen : politics and trade unionism among Toronto’s skilled building trade workers, 1896–1914 », Le Travailleur ([Halifax et Rimouski, Québec]), 1 (1976) : 92–121.

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Gregory S. Kealey, « OAKLEY, ALFRED », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/oakley_alfred_11F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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