MARCH, CHARLES, peintre en bâtiment et chef syndical, né le 19 novembre 1849 à Toronto, fils de Charles March, peintre en bâtiment, et de Catharine Malone ; il épousa une prénommée Mary Jane, et ils eurent un fils ; décédé le 17 avril 1908 à Montréal.

Charles March fut apprenti chez l’Irlandais Matthew O’Connor, ancien employé de son père devenu un gros entrepreneur en peinture et décoration ; il resterait à son service presque toute sa vie. Dès les années 1870, March fut reconnu comme l’un des principaux chefs syndicaux de Toronto. Le syndicat local des peintres en bâtiment s’affilia à la Toronto Trades Assembly en 1872, et March fut actif dans cette centrale ainsi qu’au Canadian Labor Union. Le syndicat local, qui avait réussi à se maintenir durant la crise économique des années 1870, s’effondra en 1881. Réorganisé en mars 1882, il mena le même mois une grève très dure contre les maîtres peintres et y gagna tant la reconnaissance syndicale qu’une augmentation de salaires. Le maintien de ces salaires, contre la volonté de certains maîtres qui cherchaient à baisser les coûts, exigerait néanmoins une seconde grève un an plus tard. Étant les moins spécialisés des ouvriers du bâtiment, les peintres durent, à compter des années 1880, défendre leur position en affrontant les entrepreneurs sur la question de l’apprentissage et de l’importation de main-d’œuvre non qualifiée ; ils eurent aussi à lutter pour le maintien des salaires que les entrepreneurs, pressés par la concurrence, cherchaient à réduire. Ils s’allièrent alors à d’autres artisans et recoururent à l’action politique.

March devint délégué du Toronto Trades and Labor Council en 1882 et fut élu président en 1883 et 1884. Membre actif du comité législatif de ce conseil, il orchestra avec ses collègues et partisans libéraux Daniel John O’Donoghue et Alfred F. Jury* une critique en règle du gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald*, qui visait particulièrement la politique fédérale d’immigration. Le comité fit également campagne pour l’adoption d’une législation sur les usines et les conditions d’hygiène et pour des modifications aux lois sur le privilège foncier des fournisseurs de matériaux.

March et O’Donoghue, tous deux catholiques, avaient à bien des égards la même conception du syndicalisme. Avec Jury, qui était agnostique, ils formèrent une direction réformiste qui remettait en question l’hégémonie conservatrice sur les organisations ouvrières de Toronto. Rejetant le syndicalisme de métier, ils firent leurs les objectifs des Chevaliers du travail, un des premiers mouvements syndicaux d’origine américaine qui préconisait le syndicalisme industriel, c’est-à-dire le regroupement des travailleurs sans égard à leur métier. Membres de l’assemblée locale Excelsior no 2305 des Chevaliers, les trois leaders purent exercer une influence considérable en se servant habilement de cet ordre et du comité législatif du Toronto Trades and Labor Council. Ainsi, quand ce dernier lança un appel pour la création d’une nouvelle centrale syndicale qui remplacerait le défunt Canadian Labor Union, les délégués au congrès de 1883 invitèrent les Chevaliers et divers syndicats à participer à ce projet. L’intégration des Chevaliers au nouveau Congrès des métiers et du travail du Canada créait un précédent qui permettait aux assemblées locales de devenir membres des centrales des villes ; à l’automne de 1883, plusieurs assemblées torontoises, dont l’Excelsior, s’affilièrent au Toronto Trades and Labor Council. Devenu organisateur provincial des Chevaliers plus tard en 1883, March accorderait des chartes à beaucoup de syndicats locaux pendant la spectaculaire expansion de l’ordre en 1885–1886.

En qualité de président du Toronto Trades and Labor Council, March avait présidé la première assemblée du Congrès des métiers et du travail à Toronto en 1883. Élu président du congrès à la deuxième assemblée, en 1886, et réélu l’année suivante, il incita les participants à faire directement pression auprès du gouvernement ; ce lobbying devint encore plus intense après qu’O’Donoghue eut cessé d’avoir la haute main sur les nominations au comité législatif canadien des Chevaliers du travail, remplacé en cette matière par Alexander Whyte Wright*, qui avait convaincu le chef de l’ordre en Amérique du Nord, Terence Vincent Powderly, de nommer un comité inefficace composé de loyaux conservateurs.

En 1886, tandis que les ouvriers disposaient d’un pouvoir politique sans précédent dans le Toronto du xixe siècle, March fut l’un des quatre arbitres chargés de trancher le litige au Toronto Daily Mail, qui refusait de reconnaître le Toronto Typographical Union. Au congrès de mise en candidature tenu conjointement, à l’automne, par le Toronto Trades and Labor Council et l’assemblée de district no 125 des Chevaliers du travail, il fut choisi candidat aux élections provinciales de décembre, dans Toronto. Cette circonscription, que le premier ministre Oliver Mowat avait arbitrairement remaniée pour qu’elle englobe toute la ville, comptait trois sièges à l’Assemblée législative. Cinq candidats s’opposèrent ; les deux tories, Edward Frederick Clarke, rédacteur en chef et ancien dirigeant d’un syndicat d’imprimeurs, et Henry Edward Clarke, fabricant de malles, se classèrent premiers, suivis par le candidat libéral John Leys. March se classa quatrième, avec 4 055 voix (soit seulement 1 325 de moins que Leys), et l’autre candidat ouvrier, John Roney, cinquième. La description que le World de Toronto donnait du candidat March en faisait un personnage coloré et populaire : « un gentilhomme corpulent, à la figure ronde, [portant] une large moustache noire » et qui, en costume, pouvait passer pour « l’impresario d’un spectacle de minstrels ».

Charles March continua à œuvrer tant au Toronto Trades and Labor Council qu’au Congrès des métiers et du travail du Canada après que les Chevaliers du travail eurent perdu de leur influence à la fin des années 1880. Cependant, il s’occupa de plus en plus de son propre syndicat international, l’International Brotherhood of Painters and Decorators, fondé à Baltimore, dans le Maryland, en mars 1887, et auquel les peintres torontois, en formant la section locale no 3, s’étaient affiliés en avril. Il en devint quatrième vice-président en 1901 à l’occasion du congrès de Detroit, et deuxième vice-président en 1905 à Memphis. Il desservait les sections locales canadiennes, ce qui l’obligeait à voyager beaucoup. N’étant à peu près pas rémunéré pour ses tâches syndicales, il continua à travailler comme peintre, contrairement à certains de ses collègues syndicalistes qui avaient bénéficié de faveurs politiques. C’est en 1908 à Montréal, où il se trouvait pour affaires syndicales, que « brisé par le surmenage », il mourut d’une crise cardiaque. Membre de l’église St Patrick de Toronto, il fut inhumé au cimetière St Michael de cette ville. Sa fortune se résumait à 700 $ d’économies. À sa mort, qui privait les peintres canadiens d’un important leader, on loua, entre autres, la modération de ses vues.

Christina Burr et Gregory S. Kealey

American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations, Constitutions and proc. (projet de mise sur microfilm de l’Univ. Microfilms International, Ann Arbor, Mich. ; exemplaire AN, MG 28, I 265).— AN, RG 31, C1, 1871, 1901, Toronto.— AO, RG 22, Ser. 305, no 21083.— St Michael’s Cathedral (Toronto), Reg. of baptisms, 18501853, 9 déc. 1852 (mfm aux Arch. of the Roman Catholic Archdiocese of Toronto).— St Michael’s Cemetery (Toronto), Burial records.— Catholic Register, 23 avril 1908.— Globe, 18 avril 1908.— World (Toronto), 1er déc. 1886, 18 avril 1908.— Annuaire, Toronto, 18501907.— Eugene Forsey, Trade unions in Canada, 1812–1902 (Toronto, 1982).— Michael Kazin, Barons of labor : the San Francisco building trades and union power in the progressive era (Urbana, Ill., et Chicago, 1987).— G. S. Kealey, Toronto workers.— G. S. Kealey et Palmer, Dreaming of what might be.— Ontario, Chief Election Officer, Hist. of electoral districts (1969), 467.— Wayne Roberts, « Artisans, aristocrats and handymen : politics and trade unionism among Toronto skilled building trade workers, 18961914 », le Travailleur, 1 (1976) : 92–121 ; « Studies in the Toronto labour movement, 1896–1914 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1978).— Robertson’s landmarks of Toronto, 1 : 555.

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Christina Burr et Gregory S. Kealey, « MARCH, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/march_charles_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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