Titre original :  Colonel John Nairne, Régiment de la Malbaie, Milice sédentaire de la province du Bas-Canada, vers 1795

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NAIRNE, JOHN, officier dans l’armée et dans la milice, seigneur, né le 1er mars 1731 en Écosse ; décédé le 14 juillet 1802 à Québec.

John Nairne est issu d’une famille écossaise jacobite. Après avoir étudié à Édimbourg, il s’engage, à l’âge de 14 ans, dans le 1er bataillon du Stewart’s Régiment, qui faisait partie de la Scots Brigade, au service des Hollandais. En 1757, Nairne revient en Écosse et obtient une commission de lieutenant dans le 78e d’infanterie. Avec son régiment, il arrive à l’île Royale (île du Cap-Breton) en juin, participe à la capture de Louisbourg l’année suivante, puis à celle de Québec en 1759. Nairne, comme tous les hommes de son régiment, subit assez mal la rigueur de son premier hiver à Québec et accepte avec reconnaissance les chauds bas de laine que les religieuses tricotent pour ces hommes en kilt. Cette rigueur de l’hiver ne semble pas démoraliser le nouveau capitaine Nairne – il avait en effet emprunté £400 à Murray* pour acheter une commission de capitaine.

En septembre 1761, Nairne, avec son ami et compagnon d’armes Malcolm Fraser, se rend à La Malbaie. Satisfait de sa visite, il demande une concession à Murray. Dans son désir d’obtenir le plus de terre possible, il allègue le grand nombre de montagnes et de marais dans la région visitée. Ce goût de s’installer au Canada s’explique sans doute par sa situation financière déplorable, laquelle lui laissait peu d’espoir de faire carrière en Écosse. De plus, il croyait pouvoir mener dans la nouvelle colonie britannique la vie agréable des seigneurs français. Le 27 avril 1762, Murray divise la seigneurie de La Malbaie en deux et la concède à Nairne et à Fraser. Celui-ci prend Mount-Murray, et Nairne, Murray-Bay qui comprend notamment le village de La Malbaie. Pour acheter le matériel et les bâtiments en place, Nairne doit débourser £85 6 shillings 8 pence.

En prenant possession de sa terre, Nairne se retire de l’armée avec la demi-solde. Il amène avec lui quelques soldats du 78e d’infanterie, car il désire par-dessus tout créer sur ses terres une petite colonie écossaise et protestante. Mais les Warren, Harvey, MacLean, Blackburn qui le suivent y épousent des Canadiennes et, après seulement une génération, ces nouveaux colons ont formé des familles écossaises de nom, mais canadiennes de foi, de langue et de coutume. Pénible insuccès pour le seigneur.

Nairne se met à l’agriculture et à l’exploitation de son domaine et de sa seigneurie qu’il fait arpenter en 1764. L’année suivante, il demande la construction d’un chemin entre Québec et La Malbaie ; cette requête et plusieurs qui suivront resteront longtemps sans réponse. Nairne travaille aussi à implanter le protestantisme ; il correspond avec le ministre protestant à Québec, John Brooke*, et avec des ministres en Angleterre pour qu’on lui envoie des pasteurs. Une fois de plus, il essuie un échec – il n’y avait à cette époque que cinq familles protestantes à Murray-Bay. Nairne, qui s’avère un bon fermier, se désole sans cesse que la religion catholique et son cortège de fêtes empêchent ses censitaires de produire suffisamment. Nairne n’est pas riche, la seigneurie rapporte peu et l’Écossais têtu désire changer cet état de fait.

En 1766, Nairne se lie avec Christiana Emery, native d’Écosse, qu’il épousera à Québec le 20 juillet 1789. Il ne lui serait sûrement pas venu à l’esprit de partager sa vie avec une non-compatriote. Il l’a choisie distinguée et douée des qualités d’austérité et d’industrie qu’il recherchait. Immédiatement après le début de cette union de fait, le couple s’embarque pour un long voyage en Écosse. Nairne y retournera seul en 1773 ; il sera alors père de quatre enfants, mais trois mourront à Murray-Bay pendant son absence. Par la suite, Christiana et lui auront cinq autres enfants. Jusqu’en 1775, à part ses voyages en Écosse, Nairne s’occupe de sa seigneurie : il concède des terres, construit un somptueux manoir et entreprend la mise en marché des produits de la seigneurie. Il pratique aussi la chasse et la pêche, et mène enfin cette vie de seigneur dont il rêvait.

Le 13 juillet 1775, devant l’imminence de l’invasion du Canada par les Américains [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*], le gouverneur Guy Carleton confie à Nairne la tâche d’organiser un régiment de soldats composé de Canadiens de La Malbaie, des Éboulements et de Baie-Saint-Paul. Le 12 août, Nairne écrit à Carleton et lui offre ses services pour n’importe quel poste vacant de capitaine. Le 9 septembre, il est convoqué d’urgence à Québec et reçoit le grade de capitaine dans un bataillon des Royal Highland Emigrants, régiment constitué d’Écossais de l’ancien 78e d’infanterie. Sous les ordres de Henry Caldwell, Nairne joue un rôle de premier plan dans la résistance opiniâtre des soldats et des miliciens durant le siège de Québec ; il tue un soldat américain qui menaçait le capitaine George Lawe, puis fait prisonnier le groupe qui retenait ce dernier. Nairne se dit désolé de cette campagne et du fait qu’il doive combattre des gens qui parlent la même langue et qui ont été élevés de la même façon que lui. Il se bat sans passion et considère la guerre comme une nécessité douloureuse. Il n’en reste pas moins que, fidèle à sa patrie, il demeurera huit ans dans les rangs de l’armée et qu’il y sera même nommé major le 29 août 1777 ; il sert à Montréal en 1776, à l’île aux Noix en 1777 et à l’île Carleton (New York) en 1779 où il surveille la reconstruction du fort et les prisonniers. De retour à Montréal la même année, Nairne, suivant les ordres de Haldimand, procède à l’arrestation de Valentin Jautard* et de Fleury Mesplet*. Par la suite, il retourne à Murray-Bay où il supervise la construction de la prison. En 1781, il est en poste à Verchères où il a la charge des Loyalistes. Le 19 février 1783, il est promu lieutenant-colonel dans l’armée ; ainsi pourvu, il attend un peu, puis à l’automne vend pour £3 000 sa commission de major dans les Royal Highland Emigrants, qu’il avait reçue trois ans plus tôt, et s’empresse de retourner à Murray-Bay afin de poursuivre la vie rurale dans laquelle il se plaît.

Nairne s’établit à demeure à Murray-Bay, mais il continue d’entretenir des liens amicaux à Québec où il souscrit à la Société d’agriculture, à l’Association fondée en 1794 pour appuyer le gouvernement britannique et à la Société du feu. De plus, il fait partie du Quebec Battalion of British Militia en 1794, à titre de lieutenant-colonel. À Murray-Bay, tout va pour le mieux. En 1798, la paroisse établie dans la seigneurie de Nairne compte plus de 500 habitants dont 100 hommes capables de porter les armes ; il s’y trouve également des moulins, des poissonneries, de bonnes maisons et granges, des champs fertiles, et un prêtre avec lequel Nairne entretient d’excellentes relations, malgré ses réticences. Nairne possède trois fermes de 100 acres de terre arable chacune et de nombreux bâtiments. La seigneurie produit et exporte du bois, des fourrures et des dérivés de la baleine blanche. Le manoir est devenu une chaude et confortable résidence, bien finie et bien meublée.

Nairne est d’un orgueil et d’une volonté indomptables ; cet homme, dont le visage fin est empreint de bonté et de gentillesse, démontre une grande vigueur de caractère. Mais il est triste. Un triste seigneur. Ses insuccès pour implanter la mentalité écossaise et protestante à Murray-Bay sont amplifiés par le fait que ses enfants le déçoivent rapidement. Jeunes, ces derniers ne parlent que français, et Nairne doit tous les envoyer séjourner en Écosse pendant plusieurs années. Il veille lui-même à l’éducation de ceux qui restent au manoir. Vains efforts. Une de ses filles, Magdalen, se marie avec un catholique, Peter McNicol ; une autre, Mary, épouse secrètement un habitant, Augustin Blackburn, et ne reviendra jamais au manoir ; enfin, Christine reste célibataire et s’avère une mondaine qui préfère de beaucoup la vie à Québec à celle plus monotone du manoir. Nairne déploie ses efforts pour accueillir des visiteurs et attirer ainsi sa fille à Murray-Bay. Les invités y passent l’été, et s’adonnent à la chasse et à la pêche. Nairne connaît cependant sa plus grande douleur lors du décès en Inde de son fils John en 1799.

En 1802, John Nairne, se sentant malade, demande à être transporté à Québec. Il y meurt le 14 juillet, dans une maison de la rue des Grisons. Le seul fils qui lui survivra, Thomas, s’avérera inapte à mener cette vie de gentilhomme campagnard, préférant la vie militaire. Il mourra en service à l’île Carleton en 1813. L’épouse de Nairne s’occupera de la seigneurie jusqu’à sa mort en 1828.

Jacqueline Roy

ANQ-Q, CN1-83, 11, 12 juin 1787 ; CN1-99, 9 juill. 1805 ; CN1-245, 3 août 1784, 6 juill. 1785 ; CN1-284, 5 oct. 1789.— APC, MG 23, GIII, 23.— « By the honble James Murray, Esq, govemor of Quebec etc., etc. », BRH, 40 (1934) : 116.— P. Campbell, Travels in North America (Langton et Ganong).— La Gazette de Québec, 26 juill. 1787, 22 avril 1790, 5, 19 mai 1791, 11 avril 1793, 23 oct. 1794, 17 oct. 1799, 15 juill. 1802.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Hubert et de Mgr Bailly de Messein », ANQ Rapport, 1930–1931 : 245.— Kelley, « Church and State papers », ANQ Rapport, 1948–1949 : 321.— Papers illustrating the history of the Scots Brigade in the service of Holland, James Ferguson, édit. (3 vol., Édimbourg, 1899–1901), 2 : 410.— «Papiers d’État », APC Rapport, 1890 : 119.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 5 : 102s.— George Gale, Quebec twixt old and new (Québec, 1915), 229.— Roger LeMoine, La Malbaie, esquisse historique (La Malbaie, Québec, 1972).— G. M. Wrong, A Canadian manor and its seigneurs, the story of a hundred years, 1761–1861 (Toronto, 1908).— Marius Barbeau, « Pile ou face pour une seigneurie », Le Canada français (Québec), 2e sér., 27 (1939–1940) : 294–308.— Ivanhoë Caron, « Le Chemin des caps », BRH, 32 (1926) : 23–41.— R. W. McLachlan, « Fleury Mesplet, the first printer at Montreal », SRC Mémoires, 2e sér., 12 (1906), sect. ii : 197–309.— P.-G. Roy, « Les concessions en fief et seigneurie sous le Régime anglais », BRH, 34 (1928) : 321–325 ; « Saint-Étienne de la Malbaie », BRH, 1 (1895) : 123s.— W. S. Wallace, « Some notes on Fraser’s Highlanders », CHR, 18 (1937) : 131–140.

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Jacqueline Roy, « NAIRNE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nairne_john_5F.html.

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Auteur de l'article:    Jacqueline Roy
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    28 novembre 2024