THOMPSON, JAMES, soldat et fonctionnaire, né en 1733 à Tain, Écosse, fils de James Thompson ; décédé le 25 août 1830 à Québec.
James Thompson appartenait probablement à une famille jacobite qui subit la répression anglaise à la suite de la défaite de Culloden en 1746. Il doit avoir étudié le génie civil, car il mettra plus tard ses connaissances dans ce domaine au service de l’armée britannique. Comme plusieurs des jeunes Écossais de cette contrée appauvrie par la guerre, qui sont attirés par la promesse d’un octroi de terre, il s’enrôle en 1757 dans le 78th Foot ou régiment des Fraser’s Highlanders, levé pour combattre en Amérique. Il choisit la compagnie de son cousin, le capitaine Charles Baillie, qui le nomme sergent et lui promet une commission d’officier si un poste devient vacant. Toutefois, la mort de Baillie l’année suivante lui enlève ses chances de promotion.
Avec son régiment, Thompson prend part en 1758 au siège de Louisbourg, dans l’île Royale (île du Cap-Breton), au cours duquel il apprend à faire des fascines. En 1759, il participe à la prise de Québec puis, l’année suivante, à la capitulation de Montréal. À l’automne de 1760, il est cantonné à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud et se lie d’amitié avec la famille de l’important fermier Michel Blais*. De retour à Québec pour l’hiver, il est prêté au service du génie militaire et dirige 200 soldats dans la construction de fascines près de la rivière Saint-Charles.
À la fin de la guerre, en 1763, le 78th Foot est démobilisé. Thompson choisit de demeurer à Québec au service du génie en qualité de conducteur des travaux. Il est sous les ordres du capitaine John Marr jusqu’en 1772, mais son emploi semble instable. En juillet 1770, son patron écrit que depuis mars 1769 Thompson n’est payé qu’occasionnellement et que les travaux ont dû être arrêtés à la suite du refus du commandant en chef d’approuver une liste de paye signée par Thompson. Par ailleurs, Thompson s’est marié, probablement peu après la guerre, mais sa femme et leurs six enfants meurent avant l’invasion du Canada par les Américains en 1775–1776.
À l’occasion du congé de Marr en Écosse, en 1772, les autorités militaires décident de mettre Thompson, qui est un civil, à la tête du service du génie au lieu de nommer un officier d’infanterie ou d’artillerie comme c’est l’usage en l’absence d’un officier du génie royal. Promu inspecteur des travaux, avec un salaire doublé, Thompson exerce ses fonctions sans l’aide d’aucun assistant durant trois ans et demi. Il supervise les travaux de réparation des bâtiments militaires et gouvernementaux ainsi que des fortifications, établit des listes de paye, produit des estimations, achète les matériaux et négocie des contrats. En 1773, par exemple, il s’occupe des contrats en vue de la construction d’entrepôts de provisions pour les troupes à Trois-Rivières, car, à cette époque, il n’y a qu’un seul bureau du génie pour tout le Canada.
Lorsque les Américains envahissent le Canada, Thompson a la responsabilité de préparer les fortifications de Québec à subir le siège. Il fait ériger des palissades là où les fortifications sont peu élevées et des barricades aux extrémités de la basse ville ainsi qu’au sommet des côtes qui mènent à la haute ville. Après l’assaut infructueux de l’ennemi contre Québec, dans la nuit du 30 au 31 décembre 1775, Thompson fait inhumer dans le bastion Saint-Louis le corps du général américain Richard Montgomery*, tué au cours du combat, et garde son épée en souvenir.
En juin 1776, à l’arrivée des renforts au Canada, Thompson est confirmé dans ses fonctions par William Twiss, l’officier du génie royal qui prend la direction du service des ingénieurs militaires. L’état de guerre multiplie les travaux défensifs. En plus de superviser le personnel à Québec, Thompson accomplit des missions particulières en province. En 1780, il va à La Malbaie, située dans la seigneurie du major John Nairne*, afin d’organiser la construction de casernes destinées au confinement de prisonniers américains. Il négocie ensuite les contrats de construction d’édifices militaires dans la paroisse Saint-Thomas (à Montmagny) où sont cantonnées des troupes allemandes.
En 1784, après la guerre, Thompson enquête sur la réclamation faite par le seigneur de Berthier, James Cuthbert*, en vue d’obtenir une somme de £10 000 en raison de dommages causés par l’armée britannique. Il prouve que cette demande est injustifiée. Le commandant en chef, Frederick Haldimand*, est satisfait des services de Thompson et recommande à ses successeurs de le maintenir en poste malgré les coupures qui accompagnent le retour à la paix. Cependant, Thompson est inquiet, car il doit réclamer en 1785 du Board of Ordnance la confirmation de son affectation. Il note ses activités dans son journal dans le but de justifier son emploi, et, finalement, il obtient gain de cause.
Le 6 décembre 1780, Thompson épouse, à l’église anglicane de Québec, Frances (Fanny) Cooper. Le couple aura neuf enfants dont trois mourront en bas âge. À l’exception de l’aîné, tous seront baptisés à l’église presbytérienne St Andrew. Jusqu’en 1788, la famille loge dans l’ancien palais épiscopal occupé par les bureaux des ingénieurs militaires. Cette année-là, Thompson reçoit une allocation de logement et s’installe rue Saint-Louis, puis rue Sainte-Angèle. En 1791, il achète un terrain à l’angle de la rue Sainte-Ursule et de la ruette des Ursulines et, en 1793, il y fait construire une maison que lui et ses descendants occuperont jusqu’en 1957. Cependant, Thompson juge ses revenus insuffisants. En 1799, il demande et obtient une augmentation de 50 % de son salaire en considération de ses longs états de service et de sa famille nombreuse. Il ambitionne pour ses fils une carrière d’officier du génie. Il tente par l’entremise d’Edward* Augustus, duc de Kent et Strathearn, de les faire admettre à la Royal Military Academy de Woolwich (Londres). Mais les candidats doivent être âgés de 14 à 16 ans, et ses trois premiers fils dépassent l’âge maximum avant que le projet réussisse. Seul son fils cadet, George, est admis en 1804 grâce à l’appui de Robert Mathews*, ancien secrétaire militaire de Haldimand, et du colonel Twiss. Il devient officier du Royal Régiment of Artillery en 1808, tandis que James et William Alexander entrent au service du commissariat et que John Gawler devient avocat, puis juge. Les deux filles de Thompson épousent l’une un marchand et l’autre un instituteur.
Thompson fait partie de la classe moyenne. Outre une maison, il possède depuis 1795 une terre dans le canton d’Armagh, concession dont il a fait la demande conjointement avec Michel Blais dès 1767. Son revenu s’établit à £174 par année incluant son allocation de logement plus une ration alimentaire quotidienne et une ration de bois de chauffage équivalant au revenu d’un lieutenant dans l’armée. En 1821, sa maison est dans un état dangereux, et le service du génie la répare en considération de ses années de travail. Malgré son âge avancé, Thompson accomplit ses fonctions d’inspecteur jusqu’en 1825. On lui accorde alors une pension à plein salaire. En 1828, il demande et obtient une allocation de £188 par année.
Vers la fin de sa vie, Thompson devient un personnage célèbre à cause de la richesse de ses souvenirs. En 1818, dès son arrivée à Québec, le nouveau gouverneur, le duc de Richmond [Lennox*], le fait venir pour l’interroger sur James Wolfe*, le siège de Québec et les Fraser’s Highlanders. Plus tard, Thompson est invité chez le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay*] à plusieurs occasions. En 1828, en sa qualité de seul soldat survivant de la bataille des plaines d’Abraham et en tant que grand maître adjoint des francs-maçons, il a l’honneur de participer à la pose de la première pierre du monument érigé en souvenir de Wolfe et de Louis-Joseph de Montcalm* dans le jardin des gouverneurs. Pendant cette année-là, il dicte à l’un de ses fils des mémoires et des anecdotes sur les deux sièges de Québec et sur celui de Louisbourg.
James Thompson meurt en 1830 à l’âge de 97 ans. Le Quebec Mercury le décrit comme un soldat intrépide, un fidèle serviteur du roi, le père d’une famille nombreuse et honorable, et un presbytérien pratiquant. Immigrant écossais ayant vécu 70 ans à Québec, Thompson a participé à la prise de la ville en 1759, à sa défense en 1775–1776 et à la construction de travaux de défense comme les portes Hope et Prescott, et la citadelle. Il a été un témoin de son époque et a laissé des mémoires et un journal.
La maison de James Thompson est restée propriété de sa descendance jusqu’en 1957, année où elle fut vendue à Pietre Farago, probablement parce qu’il n’y avait plus d’héritiers mâles dans la famille. L’année suivante, Willy Côté l’acquiert, puis la revend en 1961 au ministère des Affaires culturelles qui la déclare monument historique. Sans les recherches de Michel Gaumond du ministère, cette maison serait appelée Maison Côté au lieu de Maison Thompson-Côté. [c. r.]
ANQ-Q, CE1-61, 6 déc. 1780 ; CE1-66, 10 avril 1784, 5 juill. 1789, 5 févr. 1792, 22 juill. 1793, 18 avril 1797, 17 juin 1798, 27 août 1830 ; CN1-284, 22 sept. 1791 ; P-254.— APC, MG 24, A12, sect. 3, nos 366, 422 (transcriptions) ; 16, 1828 ; 17, 31 juill. 1828 ; RG 1, L3L : 139, 144, 168, 184, 283, 1758, 21884, 91519–91558 ; RG 8, I (C sér.), 223 : 131–132, 135 ; 1208 : 246.— BL, Add. mss 21885 : fos 203–205, 266–273, 276.— PRO, CO 42/192 : 137 ; WO 55/1224 : 186 ; 55/1820 : 30–32.— Québec, Ministère des Affaires culturelles, direction régionale de Québec, Dossiers hist. semi-actifs, maison Thompson-Côté.— « Les Dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 17, 119, 169.— James Thompson, « The journal of Sergeant James Thompson, 1758–1830 », Literary and Hist. Soc. of Quebec, Trans., nouv. sér., 22 (1892–1898) : 53–56.— Quebec Mercury, 28 août 1830.— Almanach de Québec, 1792–1801.— « Les Presbytériens à Québec en 1802 », BRH, 42 : 728.— Quebec directory, 1790–1791.— J. R. Harper, The Fraser Highlanders (Montréal, 1979).— « An interesting reminiscence », Quebec Gazette, 19 mars 1862 : 2.— « À propos de Montgomery », BRH, 42 (1936) : 85–86.— « L’Épée du général Montgomery », BRH, 20 (1914) : 162 ; BRH, 33 (1927) : 529–530.— « L’Honorable John-Gawler Thompson », BRH, 32 (1926) : 125.— « Les Jumeaux Thompson », BRH, 44 (1938) : 356.— J. M. LeMoine, « les Sièges de 1759 et 1775 », BRH, 1 (1895) : 157.— Gérard Morin, « Trésors historiques accumulés par une famille écossaise de notre ville remis aux autorités », Le Soleil (Québec), 9 juin 1950 : 3, 13.— « Portrait de James Thompson », BRH, 61 (1955) : 185.— J.-E. Roy, « Armagh », BRH, 1 : 125.— P.-G. Roy, « les Amours du sergent James Thompson », BRH, 42 : 573–576.— « Wolfe est-il bien mort sur les plaines d’Abraham », BRH, 45 (1939) : 91–92.
Christian Rioux, « THOMPSON, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/thompson_james_6F.html.
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Auteur de l'article: | Christian Rioux |
Titre de l'article: | THOMPSON, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |