MILBANKE, MARK, officier de marine et gouverneur de Terre-Neuve, baptisé le 12 avril 1724, troisième des six fils de sir Ralph Milbanke, de Halnaby Hall, Angleterre, et de sa seconde épouse, Ann Delavall, fille d’Edward Delavall, de Dissington Hall, South Dissington, Angleterre ; il épousa Mary Webber, et ils eurent un fils et deux filles ; décédé le 9 juin 1805 à Londres.

Mark Milbanke entra comme élève à la Portsmouth Naval Academy en février 1736/1737. Midshipman, il navigua à bord du Tilbury, du Romney et du Princess Mary, lequel était sous le commandement du capitaine Thomas Smith, gouverneur de Terre-Neuve en 1741 et en 1743. Milbanke fut promu lieutenant de vaisseau le 20 avril 1744, et il prit le commandement de son premier navire, le Serpent, le 13 septembre 1746. Il fut mis à la demi-solde à la fin de la guerre de la Succession d’Autriche en 1748 et, de nouveau, après avoir servi en Méditerranée pendant la guerre de Sept Ans.

Au cours de la Révolution américaine, Milbanke commanda plusieurs vaisseaux et, à l’occasion, il remplaça temporairement lord Shuldham*, commandant en chef à Plymouth. Bien qu’en septembre 1780 il eût été promu vice-amiral de l’escadre bleue, il n’assuma aucun commandement à titre d’officier général avant le printemps de 1782. Il fut, à cette époque, affecté à la flotte commandée par lord Howe, et participa à plusieurs batailles pendant les derniers temps de la guerre. Il fut amiral du port de Portsmouth de 1783 à 1786, mais il ne semble pas avoir détenu d’autres postes importants avant 1789, année où, en qualité de vice-amiral de l’escadre blanche, il devint gouverneur de Terre-Neuve.

Dès son arrivée, à la mi-juillet, Milbanke eut à faire face au grave problème du débarquement, à Terre-Neuve, de passagers non désirés. La question cette fois était liée au sort des forçats. On avait alors la vilaine habitude de les expédier dans les colonies continentales d’Amérique. Or, un navire qui avait quitté l’Irlande en juin avec 114 condamnés les débarqua dans des petits villages de pêcheurs, au sud de St John’s, où ils semèrent une grande inquiétude parmi les habitants. Les forçats, dont plusieurs étaient malades, se dirigeaient en errant vers la capitale ; Milbanke les fit ramasser et les renvoya en Angleterre. Ces malheureux n’étaient pas bienvenus dans une île où, passé la saison de pêche, la population installée à demeure avait bien assez de difficultés à assurer sa propre subsistance.

Si, à l’époque où Milbanke gouverna Terre-Neuve, il était trop tard pour interdire les établissements permanents, il était encore possible de les freiner. Conformément à ses instructions, Milbanke força les gens à démolir les constructions autres que celles qui étaient nécessaires aux pêcheries temporaires ou saisonnières. Il découragea ceux qui voulaient défricher la forêt en vue de créer des habitations fixes ou pour toute autre fin propre à favoriser la colonisation. Néanmoins, des catholiques d’Irlande aux prises avec la pauvreté tentaient, en nombre toujours croissant, d’hiverner à Terre-Neuve après la saison de la pêche, et le danger d’agitation dans l’île n’était pas sans rapport avec le renvoi rapide en Angleterre des forçats irlandais. Par ailleurs, Milbanke croyait que si les Irlandais recevaient les secours de la religion, ils resteraient dans l’île. Aussi, il considéra la chapelle catholique de St John’s, construite en 1786, comme un encouragement à la colonisation et – pis encore à ses yeux – au catholicisme. Même si la liberté de culte avait été proclamée par le gouverneur John Campbell en 1784, il refusa à James Louis O’Donel., préfet apostolique à Terre-Neuve, la permission de bâtir une autre chapelle à Ferryland.

On se souvient surtout du rôle que Milbanke joua dans le règlement définitif des difficultés que connut Terre-Neuve, à la fin des années 1780, dans le domaine de la justice. Au début du xviiie siècle, toute l’autorité judiciaire résidait dans la personne des amiraux de la flotte de pêche, à qui il revenait de régler les querelles relatives aux pêcheries. Mais il devint vite évident que l’augmentation de la population permanente nécessitait une organisation rudimentaire de la justice. Aussi, sous les gouverneurs Henry Osborn*, en 1729, et Francis William Drake*, en 1750, prit-on des mesures pour nommer des juges de paix et des commissaires d’audition et de jugement des causes criminelles. Mais la majorité des cas litigieux qu’il fallait régler portaient sur des questions de dettes, de rémunération, de titres de propriété. Or, les responsables de la justice n’avaient reçu aucun mandat pour intervenir en ces matières. Mais, poussé par la nécessité, on avait entendu des causes en matière civile. En outre, le gouverneur et ses surrogates (officiers de marine qu’il avait chargés de superviser les pêcheries) avaient pris sur eux de prononcer des sentences au civil. Illégal, le système fonctionna assez bien, aussi longtemps que toutes les parties acceptèrent de se soumettre aux décisions rendues. En 1787 – et cela était inévitable – Richard Hutchings, marchand du sud-ouest de l’Angleterre, refusa de se plier à la décision d’un surrogate et interjeta appel auprès d’un tribunal du Devon. La cour – il fallait s’y attendre – jugea que le surrogate n’avait légalement aucune autorité pour entendre des causes civiles. Cette nouvelle jeta la consternation à Terre-Neuve, où, effectivement, elle mit fin à toute activité judiciaire, au civil, pendant la saison de pêche de 1788. Aucun de ceux qui, précédemment, rendaient sentence dans les causes civiles ne voulait courir le risque d’être poursuivi en Angleterre pour une décision rendue à Terre-Neuve. Pour compliquer le problème, une forte baisse de la pêche occasionna, la même année, de nombreux cas d’endettement, qui requéraient une attention immédiate.

Avant d’assumer ses fonctions de gouverneur, Milbanke avait consulté son secrétaire, Aron Graham, qui avait servi sous les trois gouverneurs précédents, relativement à une façon quelconque de sortir de cette impasse judiciaire. Sur le conseil pressant de Graham, il interpréta très largement les termes de sa commission, de façon à établir une cour des plaids communs qui entendît les causes civiles. La nouvelle cour fut créée pendant la saison de pêche de 1789. Elle fut acceptée sur-le-champ par la population permanente, mais non point par les pêcheurs saisonniers et les marchands de passage, qui avaient de puissants appuis parmi les députés du sud-ouest de l’Angleterre. Les légistes de la couronne à Londres dénoncèrent le caractère illégal de la cour, tout en reconnaissant la nécessité d’une semblable institution. Ils recommandèrent au gouvernement d’adopter une loi qui permît la création d’une cour civile, et consternèrent Milbanke en suggérant encore que des juristes dirigent ce tribunal. Mais les querelles, sur le plan légal, et l’opposition menée au Parlement par les députés du sud-ouest de l’Angleterre retardèrent la mise en vigueur de la loi, si bien qu’en 1790 Milbanke, devenu vice-amiral de l’escadre rouge, retourna à Terre-Neuve et y maintint sa cour, bien qu’elle fût illégale.

L’année suivante, une loi du Parlement de Londres (31 George III, chap. 29) créa, pour un an, une « cour de juridiction civile », et John Reeves*, juriste d’expérience et homme d’une grande intégrité, en fut nommé « juge en chef ». En 1792, une nouvelle loi établissait une cour suprême, complètement habilitée à juger tant au civil qu’au criminel ; en conséquence, des cours de surrogate capables de se prononcer en matière civile devaient être mises sur pied dans les petits villages de pêcheurs. Le système d’une cour suprême et de cours de surrogate fut maintenu, sur une base annuelle, jusqu’en 1809, année où il devint permanent.

Son mandat de gouverneur échu, en 1792, Mark Milbanke retourna au service de la marine ; il prit régulièrement du galon et devint amiral de l’escadre blanche le 1er juin 1795. Il finit sa carrière active comme commandant en chef de Portsmouth, de septembre 1799 à mars 1803. Deux ans plus tard, à l’âge de 81 ou de 82 ans, il subit un accident fatal en tombant par-dessus la rampe de l’escalier de sa maison à Londres.

Frederic Fraser Thompson

North Yorkshire Record Office (Northallerton, Angl.), Reg. of baptisms for the parish of Croft, 12 avril 1724.— PRO, CO 194/21.— Gentleman’s Magazine, 1805 : 589.— The Noels and the Milbankes : their letters for twenty five years, 1767–1792, Malcolm Elwin, édit. (Londres, 1967).— John Reeves, History of the government of the Island of Newfoundland [...] (Londres, 1793 ; réimpr., New York et East Ardsley, Angl., 1967).— John Charnock, Biographia navalis ; or, impartial memoirs of the lives and characters of officers of the navy of Great Britain, from the year 1660 to the present time [...] (6 vol., Londres, 1794–1798), 6 : 81–83.— DNB.— R. H. Bonnycastle, Newfoundland in 1842 ; a sequel to « The Canadas in 1841 » (2 vol., Londres, 1842), 1 : 135s.— McLintock, Establishment of constitutional government in Nfld., 62–77.— Paul O’Neill, The story of St. John’s, Newfoundland (2 vol., Erin, Ontario, 1975–1976), 2 : 725–728.— Prowse, Hist. of Nfld. (1895), 357–360.— F. F. Thompson, « Transportation of convicts to Newfoundland, 1789–1793 », Newfoundland Quarterly (St John’s), 69 (1960), no 1 : 30s.

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Frederic Fraser Thompson, « MILBANKE, MARK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/milbanke_mark_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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