GRAHAM, AARON, fonctionnaire et juge, né vers 1753, probablement en Angleterre ; il épousa une cousine de sir Henry Tempest, et ils eurent deux fils ; décédé le 24 décembre 1818 à Londres.
Aaron Graham, que l’on a dit avoir été, sans comparaison possible, le plus grand fonctionnaire de Terre-Neuve, servit à titre de secrétaire sous quatre gouverneurs au cours des années 1779 à 1791. Au témoignage de contemporains, c’est dans une large mesure à l’habileté, au zèle et à l’assiduité de Graham qu’il faut attribuer le succès de ces gouverneurs ; certains d’entre eux le qualifièrent d’auxiliaire admirable et rempli d’ardeur, voyant même en lui le vrai gouverneur de l’île.
On ne sait presque rien de Graham avant sa nomination, en 1779, comme secrétaire du gouverneur Richard Edwards* ; mais il est possible qu’il ait exercé comme barrister à Londres. Sans doute subit-il un apprentissage efficace avec Edwards, « administrateur fort soigneux et attentif ». Il semble qu’à cette époque Graham ait exercé quelque activité commerciale, car en 1782 il était propriétaire du Maria, qui transportait à Terre-Neuve des ravitaillements de la marine. Un autre navire dont il prit livraison et qui transportait une cargaison de sel se perdit apparemment ou fut capturé, au cours d’un voyage d’Angleterre à Terre-Neuve. De son emploi au service du gouverneur John Campbell, de 1782 à 1786, on ignore à peu près tout. John Elliot, gouverneur prudent, intelligent et ferme, assuma ses fonctions en 1786 et, l’année suivante, il informait les autorités de la métropole que Graham lui avait été d’un très grand secours dans les affaires relatives au gouvernement civil et qu’il avait servi comme custos rotulorum depuis 1783, sans rémunération. Elliot louait Graham pour sa parfaite connaissance de Terre-Neuve et recommandait qu’il continuât d’être « attaché personnellement » au gouverneur.
Mark Milbanke fut nommé gouverneur en 1789 et, à cette époque, l’administration de la justice civile s’était effondrée à Terre-Neuve. Dans une tentative pour trouver une solution à ce problème, Graham rencontra le gouverneur désigné à Londres et commença de scruter la commission de ce dernier. Après sa lecture, il déclara à Milbanke qu’à son avis celui-ci pouvait instituer une cour des plaids communs, dotée de juges réguliers, pour remplacer le système inefficace autant que vulnérable qui avait existé auparavant. L’interprétation que fit Graham de cette commission, si elle n’avait rien de technique, était habile, puisqu’elle allait susciter un examen attentif de tout le système judiciaire de l’île par le gouvernement britannique. Entre-temps, la cour civile fut dûment instituée à l’été de 1789, et Graham en fut l’un des juges ; considérée comme illégale par les autorités de la métropole, cette cour fonctionna quand même cette année-là et la suivante. En dépit de vives protestations de la part de marchands du sud-ouest de l’Angleterre, le gouvernement britannique décida qu’il était nécessaire de doter l’île d’une cour civile et, en 1791, la chambre des Communes adopta une loi créant une cour désignée d’une façon grandiloquente comme « la Cour de juridiction civile de Notre Seigneur le Roi à St John’s, dans l’île de Terre-Neuve ». Cette cour devait être sous la présidence de John Reeves*. Graham fut l’un des deux assesseurs de ce dernier, lequel reconnut que la compétence de Graham se révélait de première importance pour l’établissement solide de ce nouveau tribunal. Celui-ci connut certaines modifications, mais il continua d’exister, sur une base annuelle, jusqu’en 1809, année où il devint permanent.
À la fin de 1791, Graham retourna en Angleterre, et il devint magistrat de police à Londres. En 1793, il fut invité à témoigner devant un comité de la chambre des Communes chargé d’enquêter sur l’état du commerce avec Terre-Neuve. Dans la mesure où Graham était concerné, l’enquête se révéla en fait une étude attentive de son rôle comme conseiller de Milbanke dans l’affaire de l’institution de la Cour des plaids communs. Graham se justifia admirablement, en affirmant que la création de cette cour était une tentative pour légaliser ce qu’on avait fait pendant si longtemps par nécessité dans l’administration de la justice. Son témoignage, de même que celui de Reeves, faisait ressortir l’exagération des griefs formulés contre cette cour, de même que la tyrannie et la cupidité des marchands du sud-ouest de l’Angleterre.
À titre de magistrat de police, Aaron Graham fut chargé par le ministère de l’Intérieur d’ouvrir une enquête sur les mutineries survenues parmi les marins, au mouillage de Spithead et de Nore, en 1796 et 1797. Il est évident, d’après ses derniers rapports, qu’il croyait que la plupart des soupçons entretenus relativement à la présence parmi eux d’agitateurs jacobins n’étaient pas sérieusement fondés. En 1805, il s’intéressait au Drury Lane Theatre ; on l’a qualifié tantôt d’un des principaux actionnaires, tantôt de directeur, de surintendant, ou encore de chargé d’affaires de ce théâtre. Il est tout à fait possible qu’il se soit occupé de ce théâtre avant de démissionner comme juge, à la suite du mauvais état de sa santé. Son indisposition dégénéra en une grave maladie, dont il fut affligé pendant les cinq dernières années de sa vie. À sa mort en 1818, un fils lui survécut ; celui-ci avait atteint le rang de capitaine dans la marine royale.
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Calvin D. Evans, « GRAHAM, AARON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/graham_aaron_5F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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