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O’DONEL (O’Donnell), JAMES LOUIS, prêtre catholique, franciscain et vicaire apostolique, né vers 1737 près de Knocklofty (république d’Irlande), fils de Michael O’Donel et d’Ann Crosby ; décédé le 1er avril 1811 à Waterford (république d’Irlande).
James Louis O’Donel et son frère Michael, fils d’un fermier prospère, furent d’abord instruits par un précepteur, puis envoyés à Limerick pour y faire des études classiques. Y ayant exprimé le désir de devenir prêtres, ils furent admis dans l’ordre des franciscains. Vers le milieu des années 1760, James Louis fut envoyé au collège des franciscains irlandais de Saint-Isidore, à Rome, où il fut ordonné prêtre en 1770. Professeur de philosophie et de théologie à Prague (Tchécoslovaquie) pendant quelques années, il retourna en Irlande en 1777 et fut nommé prieur du monastère franciscain de Waterford. Le 19 juillet 1779, il fut élu provincial des franciscains d’Irlande, poste qu’il occupa jusqu’au 22 juillet 1781. Il gagna à Waterford une réputation de « prédicateur populaire et émouvant ».
Cette popularité devait contribuer à l’affectation d’O’Donel à Terre-Neuve. Pendant une grande partie du xviiie siècle, la population catholique de l’île n’avait pu pratiquer librement sa religion : une série de décrets prononcés par des gouverneurs comme Richard Dorrill* menaçaient en effet d’amendes ou d’emprisonnement quiconque participerait à une cérémonie catholique comme célébrant ou comme fidèle. Quelques prêtres venaient quand même à Terre-Neuve, mais ils devaient exercer leur ministère en secret, dans des conditions difficiles. Toutefois, en 1783, les restrictions légales à la pratique catholique étaient levées, et le gouverneur John Campbell permit aux catholiques de St John’s de construire une chapelle. En leur nom, quelques marchands qui avaient des relations à Waterford demandèrent, à la fin de cette année, à William Egan, évêque de cette ville, de nommer un prêtre qui aurait les pouvoirs nécessaires et juridiction sur tous les prêtres de l’île. Le choix des marchands se portait sur O’Donel. Non seulement était-il populaire dans le diocèse de Waterford, lieu d’origine de la grande majorité des catholiques de Terre-Neuve, mais il parlait couramment le gaélique, ce qui était un atout important. Egan, O’Donel et Mgr James Talbot, vicaire apostolique du district de Londres et responsable officiel de Terre-Neuve, se consultèrent, et finalement Talbot nomma sous condition O’Donel vicaire général de la mission. Entre-temps, l’affaire avait été soumise à la Propagande à Rome. Par les décrets du 17 et du 30 mai 1784, Pie VI érigea Terre-Neuve en territoire ecclésiastique distinct, placé sous la dépendance directe du Saint-Siège, et en nomma O’Donel supérieur (préfet apostolique).
O’Donel avait déjà mis le cap sur St John’s, où il arriva le 4 juillet. Toutefois, avant de pouvoir vraiment superviser sa mission, il devait affirmer son autorité. Il tenta de renvoyer tous les prêtres non autorisés. Certains partirent sans protester, mais tous ne furent pas aussi dociles. En 1785, O’Donel dut excommunier Patrick Lonergan (Landergan), dominicain qui était entré en conflit avec Edmund Burke (circa 1785–1801), le prêtre autorisé de Placentia. Deux ans plus tard, un franciscain, Patrick Power, arriva lui aussi à Terre-Neuve sans autorisation. Il semble qu’O’Donel le toléra quelque temps, mais Power se rendit ensuite dans un petit village de pêcheurs, apparemment sans sa permission, et refusa par la suite de reconnaître qu’O’Donel avait le pouvoir de l’empêcher d’exercer son ministère à Terre-Neuve. En dépit de son excommunication, Power poursuivit ses activités à Ferryland jusqu’à ce que l’influence adverse de Thomas Anthony Ewer* le privât d’une grande partie de ses appuis. Il semble qu’il quitta la région en 1790. Le conflit avait pris une allure personnelle quand Power, ravivant des luttes provinciales entre les Irlandais, avait avancé qu’O’Donel, prêtre du Munster, était hostile à ceux qui, comme lui, venaient du Leinster.
Par ailleurs, l’opposition que rencontra O’Donel de la part des autorités en place fut aussi une cause de soucis. Le successeur de Campbell, le contre-amiral John Elliot, comptait parmi ses capitaines le prince William Henry, qui arriva à Terre-Neuve en 1786. Pendant qu’il était en poste à Placentia, il s’opposa au père Burke, et O’Donel demanda apparemment à Elliot de faire en sorte que le prince modérât ses ardeurs antipapistes. William Henry retourna sa colère contre le supérieur. Il se rendit à St John’s et, selon O’Donel, le blessa légèrement en lui lançant une lime de fer. L’affaire s’éteignit avec le départ du prince. Deux ans plus tard, un autre capitaine d’Elliot fit de violentes déclarations contre les catholiques et demanda particulièrement au gouverneur de faire renvoyer les prêtres de l’île. D’après O’Donel, Elliot était sur le point d’accepter quand il intervint personnellement pour le faire changer d’avis. Les problèmes d’O’Donel continuèrent en 1790 après l’arrivée du gouverneur Mark Milbanke. Hostile au catholicisme, ce dernier avait en outre résolu de réduire la population hivernale de l’île en forçant les pêcheurs à rentrer chez eux à la fin de la saison de pêche. Prétextant qu’O’Donel encourageait ses paroissiens à rester – ce que le supérieur admit dans des lettres envoyées en Irlande – et que l’absolution était trop facile à obtenir à Terre-Neuve, Milbanke interdit à Ewer de construire une chapelle à Ferryland. Quand O’Donel protesta, le gouverneur l’informa qu’il avait l’intention d’imposer des « restrictions particulières » aux chapelles existantes l’année suivante. O’Donel passa l’hiver dans l’inquiétude, mais ces projets furent abandonnés en 1791 à l’arrivée du juge John Reeves*. Même si le supérieur eut par la suite de bonnes relations avec les gouverneurs, ces incidents montrent combien l’Église catholique avait eu du mal à s’établir à Terre-Neuve.
Malgré tout, la mission progressa grâce aux bons soins d’O’Donel. En 1790, elle comptait trois prêtres Patrick Phelan à Harbour Grace, Burke à Placentia, Ewer à Ferryland. Tous obtinrent un succès considérablé dans les petits villages de pêcheurs de leur district, faisant de nombreuses conversions, surtout parmi les fidèles de l’Église d’Angleterre. Il semble qu’O’Donel lui-même ait gagné bien des adeptes dans la ville de St John’s ; William Henry avait déclaré en 1786 que « des milliers de personnes » assistaient aux offices dans la chapelle construite deux ans auparavant. Des chapelles furent aussi bâties à Placentia, Harbour Grace et Ferryland. La réussite d’O’Donel et de son clergé alarmait les ministres de l’Église d’Angleterre à St John’s, Walter Price et son successeur John Harries, qui se montraient, sans doute à cause de cette situation, assez hostiles au supérieur. Par contre, O’Donel semble avoir eu de bons rapports avec John Jones*, le prédicateur congrégationaliste. Comme Terre-Neuve était séparée à la fois géographiquement et administrativement du continent, O’Donel eut peu de contacts avec les évêques de Québec. Toutefois, il échangea une correspondance amicale avec Mgr Plessis* et lui envoya les candidats les plus aptes à la prêtrise pour qu’ils étudiassent dans les séminaires du Bas-Canada.
Au milieu des années 1790, les progrès de la mission de Terre-Neuve encouragèrent certains de ses prêtres et laïcs à demander une amélioration de son statut. En novembre 1794, ils envoyèrent une pétition au pape, le priant d’élever O’Donel à l’épiscopat et de lai donner les pouvoirs d’un vicaire apostolique. Leur demande fut agréée : le 23 décembre 1795, O’Donel fut nommé évêque de Nilopolis in partibus. Le 5 janvier 1796, on lui assigna le diocèse de Thyatira et, le 22, il fut nommé vicaire apostolique de Terre-Neuve et des îles Saint-Pierre et Miquelon, prises aux Français. Le sacre fut célébré à Québec le 21 septembre 1796 par Mgr Hubert*. O’Donel devint ainsi le premier évêque catholique de langue anglaise de ce qui est aujourd’hui le Canada. Il rentra immédiatement en Irlande et ne revint à Terre-Neuve que l’année suivante.
Pendant son mandat, et surtout après l’éclatement de la Révolution française et de la rébellion irlandaise, O’Donel s’occupa notamment de maintenir l’ordre et la paix parmi les Irlandais de St John’s. Au début de 1800, la situation faillit tourner au pire. On découvrit qu’une mutinerie se tramait au sein du Royal Newfoundland Fencible Regiment de Thomas Skinner, composé surtout d’Irlandais catholiques. Selon des bruits persistants, les conjurés avaient l’intention de se joindre aux habitants dans un soulèvement général. Des renseignements voulant que certains soldats et habitants eussent prêté un serment de loyauté à la radicale Society of United Irishmen donnaient du poids à ces rumeurs. Grâce à O’Donel, qui se servit de son influence sur la population civile pour l’inciter à la loyauté et à l’obéissance, la coalition ne se réalisa pas, et les ambitieux mutins durent abandonner leur projet [V. John Skerrett]. La grande loyauté d’O’Donel se manifestait d’ailleurs dans l’horreur que lui inspiraient les excès de la Révolution française. En 1801, année où il rédigea une série de règlements diocésains, il ordonna à ses prêtres d’« amener [les fidèles] à obéir de bon gré aux lois salutaires de l’Angleterre et aux commandements du gouverneur et des magistrats de l’île ». Des prières publiques devaient être dites chaque dimanche pour le roi et sa famille, et les prêtres devaient s’opposer « à tous les comploteurs, conspirateurs et partisans des Français infidèles par tous les moyens » à leur disposition. Les efforts de l’évêque semblent avoir donné de bons résultats dans l’ensemble car en 1805 le gouverneur, sir Erasmus Gower, écrivait que « le zèle, la sobriété et la discipline » caractérisaient les paroissiens d’O’Donel.
En dépit de quelques périodes de graves difficultés financières et de la pauvreté relative de ses paroissiens – qui devaient assurer sa subsistance par leurs contributions – O’Donel paraît avoir été assez bien soutenu pendant son mandat à Terre-Neuve. En 1800, le général de brigade Skerrett tenta à deux reprises d’accroître les revenus de l’évêque en demandant qu’on lui versât une pension pour ses services, mais les documents s’égarèrent. En 1804, les « magistrats, marchands et autres principaux habitants » de St John’s revinrent à la charge, en demandant cette fois l’appui du gouverneur Gower. Celui-ci recommanda de verser £50 par année à O’Donel pendant qu’il demeurerait à Terre-Neuve, ce que le gouvernement britannique accepta. Heureux de recevoir cette pension, l’évêque la trouva cependant insuffisante et souhaita qu’on continuât de la lui verser pendant sa retraite. Gower soutint sa demande d’une hausse et d’un prolongement de sa pension, mais aucune suite n’y fut donnée.
Ces événements eurent lieu au moment où O’Donel ne se sentait plus en mesure d’assumer les devoirs de sa charge. Victime d’une légère crise d’apoplexie en 1804 et affligé d’autres symptômes de faiblesse générale, il décida de se retirer et demanda au Saint-Siège de nommer un coadjuteur avec droit de succession. Patrick Lambert arriva à St John’s en août 1806 et, le 1er janvier 1807, O’Donel démissionna. Son départ de la ville en juillet de cette année-là montre combien il avait gagné le respect des protestants comme des catholiques. Les marchands les plus en vue donnèrent un dîner en son honneur, et les principales personnalités de la ville se réunirent pour lui faire leurs adieux. En signe d’appréciation, quelques marchands lui envoyèrent plus tard une urne d’argent d’une valeur de 150 guinées. Ces hommages venaient attester qu’O’Donel avait su maintenir la paix au sein de la population irlandaise de Terre-Neuve à une époque où la rébellion et le désordre sévissaient ailleurs
Rentré en Irlande, James Louis O’Donel se retira au monastère franciscain de Waterford. Au cours d’une nuit de la fin de mars 1811, la chaise dans laquelle il lisait prit feu. Il ne fut que légèrement blessé, mais le choc fut trop dur pour ce vieillard, qui mourut le 1er avril. Il fut inhumé dans la chapelle St Mary à Irishtown, près de Clonmel, sous une pierre tombale dont il aurait composé l’épitaphe lui-même.
AAQ, 30 CN, I.— Arch. of the Archdiocese of Dublin, Troy papers, 1 : 33.— Arch. of the Archdiocese of St John’s, Howley papers : 400s.— Archivio della Propaganda Fide (Rome), Scritturi riferite nei Congressi, America Antille, 2 (1761–1789) : 413s.— PANL, GN2/1, 1749–1811.— PRO, CO 5/470–506 ; CO 194/35–44 (mfm aux APC) ; WO 1/15 : ff.21–22.— USPG, C/CAN/Nfl., 1, nos 69, 81.— « The first bishop of Newfoundland », Irish Ecclesiastical Record (Dublin), 2 (1866) : 508–523.— Gentleman’s Magazine, janv.-juin 1811 : 497.— DNB.— The Dissenting Church of Christ at St. John’s, 1775–1975 : a history of St. David’s Presbyterian Church, St. John’s, Newfoundland (s.l., [1976]), 17–19.— M. F. Howley, Ecclesiastical history of Newfoundland (Boston, 1888 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1979).— G. W. L. Nicholson, The fighting Newfoundlander ; a history of the Royal Newfoundland Regiment (St John’s, [1964]).— Philip O’Connell, « Dr. James Louis O’Donnell (1737–1811), first bishop of Newfoundland », Irish Ecclesiastical Record, 103 (1965) : 308–324.
En collaboration, « O’DONEL (O’Donnell), JAMES LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/o_donel_james_louis_5F.html.
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Titre de l'article: | O’DONEL (O’Donnell), JAMES LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |