Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3469949
McCULLY, JONATHAN, avocat, journaliste, sénateur et juge, né dans une ferme, vraisemblablement à Maccan, dans le comté de Cumberland, N.-É., le 25 juillet 1809, cinquième des neuf enfants de Samuel McCully et d’Esther Pipes, décédé dans sa maison de Halifax le 2 janvier 1877.
Jonathan McCully fréquenta la petite école rurale jusqu’au moment où, y ayant puisé tout l’enseignement qu’elle offrait, il commença à travailler à la ferme de son père qui possédait une terre de 150 acres. De 1828 à 1830, il se fit instituteur afin d’amasser un pécule pour aller étudier le droit – ce qui, à l’époque, consistait à passer cinq ans comme clerc chez un avocat. Il fut admis au barreau en 1837 à l’âge de 28 ans. McCully assurait avec enthousiasme la défense de ses clients et il étudiait ses causes minutieusement. Il possédait les traits de caractère qui permettaient de réussir dans la société coloniale de l’époque : il était ambitieux et consciencieux et, peut-on ajouter, il était pauvre. Cependant, il était de ces gens qui doivent leur succès à leur courage, plutôt qu’à leurs qualités intellectuelles. Sa pensée fut toujours lente et sans originalité et il ne fut jamais un grand orateur. Il parlait avec force et franchise, dans un style à la bonne franquette entremêlé, à l’occasion, d’expressions argotiques. Il n’avait ni la puissance du verbe, ni le don de la métaphore, ni la présence de Joseph Howe, pour qui il ressentait, semble-t-il, beaucoup d’admiration.
Bien que l’électorat du comté de Cumberland fût en majorité tory, McCully était dès 1837 un réformiste convaincu et il avait déjà commencé d’écrire, dans une langue semblable à celle qu’il utilisait dans sa profession, des articles politiques pour l’Acadian Recorder de Halifax. Il écrivait dans un style vigoureux et mordant ; il n’épargnait personne et ne laissait rien passer. En 1839, sous le pseudonyme de « Clim o’ the Cleugh », il fit de féroces commentaires sur le compte d’Alexander Stewart*, dans le Recorder. Le concours qu’il apporta à Howe dans l’élection de 1847 lui valut d’être nommé au Conseil législatif en 1848 ; il y resta jusqu’en 1867. McCully fut nommé juge à la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments en 1853 et il conserva cette fonction jusqu’après le changement de gouvernement qui eut lieu en 1857, alors qu’il fut, bien entendu, démis de cette charge. Il exerça alors le droit avec Hiram Blanchard, membre de l’Assemblée législative pour la circonscription d’Inverness, et leur association dura jusqu’au moment où McCully laissa le barreau pour la magistrature.
En 1842, McCully épousa Eliza Creed, de Halifax, dont il eut un fils et deux filles. Son fils, Clarence, qui fut une source perpétuelle d’ennuis pour son père, entra finalement dans le clergé de l’Église d’Angleterre, plutôt pour se caser que par vocation.
Pendant qu’il occupait des fonctions officielles, McCully avait appuyé les projets de Howe au sujet de la construction de chemins de fer ; il approuvait entre autres la construction d’une ligne allant de Halifax à Truro, avec un embranchement vers Windsor, dans le cadre du programme des travaux gouvernementaux. Cet appui lui valut d’être nommé membre de la commission des chemins de fer, formée par Howe. Il y resta de 1854 à 1857, c’est-à-dire jusqu’au moment où le gouvernement de Howe fut remplacé par celui de James William Johnston et Charles Tupper*. Il est étonnant de constater le nombre de fonctions officielles que cumulait McCully. Ainsi, en 1855, il était membre du Conseil législatif, juge à la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments et membre de la commission des chemins de fer.
À cette époque, il commença à écrire pour le Morning Chronicle de Halifax, l’étendard libéral dans la capitale. Il devint très vite le principal éditorialiste du journal et le demeura jusqu’en 1865. McCully s’était dépensé en faveur de William Young*, de Howe et des libéraux et il eut le plaisir de voir ses efforts couronnés de succès car, en 1860, les libéraux (le nom de réformistes tombait déjà en désuétude) revinrent au pouvoir. Sans tarder, McCully fut nommé solliciteur général et aussi désigné comme membre unique de la commission des chemins de fer, tout en conservant son poste d’éditorialiste au Morning Chronicle. McCully dirigea la Nova Scotia Railway Company de 1860 à 1863 avec un extrême souci d’économie. C’était ce dernier critère qui le guidait plutôt que le souci d’efficacité. Il était dans une excellente situation pour se faire des ennemis et, comme il n’était guère doué de tact et avait peu de goût, il ne perdit aucune chance. Un poème burlesque de l’époque lui faisait dire ceci :
Tout ce qui m’entoure m’appartient,
Personne ne s’oppose à ma volonté,
Les trains roulent si je le veux,
Et sifflent quand je leur dis de siffler.
L’intérêt que McCully portait aux chemins de fer s’était étendu au projet de construction d’un chemin de fer intercolonial. Dès 1855, il avait commencé à préconiser la réalisation de ce projet et y revint périodiquement par la suite. Il se rendit au Nouveau-Brunswick en septembre 1861 pour prendre part à des négociations à ce sujet. En partie à cause de ces négociations et en partie à cause des réactions à la guerre de Sécession, une conférence entre le Canada, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse sur le chemin de fer Intercolonial, eut lieu à Québec, en octobre 1861, où de nouveau McCully représenta sa province natale. À une autre conférence sur le même sujet qui se tint en septembre 1862, McCully fut remplacé par William Annand*, propriétaire du Morning Chronicle.
Il faut dire en toute justice que, pour le gouvernement libéral de Howe, McCully était un fardeau. Il était peu populaire auprès de l’électorat et on a toute raison de croire qu’il ne serait jamais parvenu à se faire élire, ce que Howe ne manqua pas de lui faire remarquer en 1867. Howe le tenait du moins en partie responsable de la défaite libérale dans l’élection générale de 1863, lui reprochant surtout d’avoir employé des méthodes brutales dans l’administration du chemin de fer, propriété du gouvernement. Howe disait de lui : « Jonathan est le genre de type qui coûte plus cher qu’il ne rapporte. Je l’ai supporté aussi longtemps que mes forces me permettaient de le faire. »
Au mois d’août 1864, le gouvernement Tupper choisit des délégués libéraux et des délégués conservateurs pour représenter la province à la conférence de Charlottetown. McCully était alors le chef des libéraux au Conseil législatif. On l’écarta néanmoins de la délégation. Ce n’est qu’au dernier moment, en raison du retrait de John Locke, qu’Adams George Archibald*, chef du parti libéral, recommanda McCully comme délégué. McCully ne se fit pas remarquer à Charlottetown ni à Québec ; on a retrouvé des traces de son activité au sein de ces conférences mais il semble que sa contribution fut minime. Toutefois, il joua un rôle important dans le mouvement en faveur de la Confédération en s’employant à faire connaître dans sa province les Résolutions de Québec et en essayant d’élargir les horizons politiques des habitants de la Nouvelle-Écosse pour les amener à accepter l’idée d’une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique.
Jusqu’à cette époque, l’union n’avait pas été une idée dominante chez McCully. En 1856, le Morning Chronicle s’était montré en faveur de l’union des colonies, une « mesure que toute personne sensée considère comme nécessaire [car] nous ne pouvons rester dans l’état actuel ». Mais dans ces années-là, même Howe eût été d’accord sur ce point. En 1860, McCully soulevait d’énormes doutes quant à la valeur d’une union coloniale, comme s’il suivait déjà la pensée de Howe au sujet d’une nouvelle réorganisation de l’Empire. Pour McCully, dès 1860, les investissements du Canada-Uni dans des constructions comme celles des canaux et du Grand Tronc, ainsi que la poussée démographique montraient clairement que cette province dépassait le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, sans parler de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Bien que le Morning Chronicle n’allât pas jusqu’à dire qu’il était opposé à l’union des colonies, il était plutôt d’avis que la Nouvelle-Écosse devrait se débrouiller toute seule (1er décembre 1860). De toute façon ce projet se trouva bientôt éclipsé par la réalisation beaucoup plus immédiate (du moins on le pensait) de la construction du chemin de fer Intercolonial, et par la guerre de Sécession. Quand, en 1864, la question de l’union des colonies reparut dans les éditoriaux du Chronicle, elle fut malgré tout considérée avec méfiance, surtout à cause des bruits répandus à l’étranger par des Canadiens au sujet d’une union « fédérale » (30 juin, 4 août, 1er septembre 1864).
Vers la fin du mois de septembre 1864, le Morning Chronicle changea radicalement d’opinion. La conférence de Charlottetown avait contribué à convertir McCully et bien d’autres à l’idée de la Confédération. Howe se répandit alors en propos ironiques sur la conversion de McCully. Après Charlottetown, disait Howe, McCully est revenu à Halifax imbu de la splendeur de la Confédération et dans le même état d’esprit qu’une jeune fille que l’on aurait demandée en mariage. Howe ajoutait : même plus que demandée en mariage, séduite. Saint Paul, continuait Howe, s’était converti à la suite d’un éblouissement et Danaé avait été transformée de vierge en prostituée par une pluie d’or : « vous [...] pouvez juger si McCully s’est converti à la manière de Danaé ou à la manière de saint Paul ». Pendant tout l’automne de 1864, même si les éditoriaux perdirent quelque peu de leur verve durant le séjour de McCully à Québec, le Morning Chronicle appuya de toute son influence le projet de confédération. Il le fit particulièrement au cours de la période critique qui suivit le retour de McCully à Halifax, le 10 novembre. Puis, le 10 janvier 1865, on apprit que McCully avait perdu son poste d’éditorialiste au Chronicle.
Son départ provoqua immédiatement un revirement d’opinion dans le journal qui se retrouva dans les rangs des adversaires de la Confédération. McCully acheta le vieux Morning Journal and Commercial Advertiser, le rebaptisa Unionist and Halifax Journal et, pendant deux ans, employa toute son énergie à gagner les habitants de la Nouvelle-Écosse à la cause de la Confédération. Ce fut une tâche difficile et lorsque, en avril 1866, la Confédération fut approuvée par la législature de la Nouvelle-Écosse, McCully s’accorda progressivement un peu de répit. Il fut délégué à la conférence de Londres de 1866–1867, mais sa force, comme par le passé, était dans sa plume. Avec Tupper il défendit ardemment, pendant une campagne d’écrits belliqueux, la ligne de conduite que le gouvernement de Tupper avait prise à Londres en janvier et en février 1867.
Un peu plus tard, la même année, Jonathan McCully fut nommé au Sénat du dominion. Il se trouva dès lors, petit à petit, éclipsé en politique par Tupper, par Archibald et, en 1869, par Howe. McCully fut obligé d’appuyer Tupper et d’accepter les « meilleures conditions » offertes à la Nouvelle-Écosse en 1869. Mais il semble que McCully ne joua aucun rôle dans les négociations qui précédèrent l’entrée de Howe dans le gouvernement de John A. Macdonald* en 1869. McCully fut cependant assez clairvoyant pour pressentir que l’acquisition du Nord-Ouest par le Canada allait imposer d’immenses responsabilités à la nouvelle Confédération. « Cet événement est arrivé, dit-il dans un discours au Sénat, avant que nous ayons pu nous y préparer complètement. Nous sommes nous-mêmes à peine organisés. Nous n’avons pas [encore] mis de l’ordre chez nous [...]. »
En 1870, McCully fut nommé juge puîné à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse ; il avait évidemment fait la paix avec Howe, puisque c’est à ce dernier ainsi qu’à Tupper qu’il devait sa nomination. McCully s’installa donc confortablement dans la magistrature. Là, ses manières directes et ses dispositions naturelles à l’expédition des affaires contrarièrent le penchant qu’avaient les avocats de Halifax à discourir. McCully l’emporta malgré tout. Les causes en attente furent donc expédiées avec célérité, ce qui ne fut pas pour lui attirer les bonnes grâces de la confrérie des avocats mais lui valut des compliments flatteurs de la part du public. Pour McCully, c’était là un agréable changement. Comme son rôle le demandait maintenant, il allia à sa fermeté de toujours une impartialité toute nouvelle, qualité dont McCully avait rarement fait preuve auparavant.
Il mourut à sa maison de la rue Brunswick, à Halifax, à l’âge de 67 ans, laissant une fortune assez considérable de $100 000. Il fut inhumé au cimetière Camp Hill.
McCully n’était pas un homme remarquable, mais il était de ces gens qui ne peuvent faire les choses à moitié et il parvint, d’une façon peu élégante, à gravir les échelons de la société coloniale. Il détestait la fausseté et la prétention ; lui-même n’avait jamais recours à ces artifices. Il ne tenait guère compte de l’opinion publique ; son action en faveur de la Confédération demandait du courage et bien peu de gens se seraient conduits comme il le fit. D’une certaine façon, il est pourtant resté un personnage peu attrayant. Chez lui l’instinct remplaçait les idées et ses plaidoyers en faveur d’une bonne cause n’étaient pas toujours d’un grand secours. Il était à cet égard semblable à Charles Tupper, mais sans l’intelligence et sans la vivacité de ce dernier. L’entêtement de McCully, sa combativité et sa capacité de travail le menèrent assez loin, plus loin peut-être que ses seuls talents le lui auraient permis. Cet homme avait réussi même avant le projet de confédération, mais c’est grâce à la Confédération qu’il est devenu célèbre.
Jusqu’ici aucune collection importante des papiers McCully n’a été trouvée. Il y a quelques lettres de McCully dans : APC, FM 24, B29 (Papiers Howe), 1–5, 30–31 ; FM 26, A (Papiers Macdonald), 51 ; FM 26, F (Papiers Tupper), 1–18 ; FM 27, I, D8 (Papiers Galt), 1–4. On peut supposer qu’entre 1856 et 1865 la plupart des principaux éditoriaux du Morning Chronicle (Halifax) ont vraisemblablement été écrits par McCully et on peut en dire autant en ce qui concerne l’Unionist and Halifax Journal, pour les années 1865 et 1866. On trouve les discours que McCully prononça au Conseil législatif de la Nouvelle-Écosse dans les Journals of the Proceedings de cette assemblée ; ceux qu’il a prononcés au Sénat du Canada en 1867 et 1868 se trouvent dans les Debates of the Senate, 1867–1868, P. B. Waite, édit. (Ottawa, 1967). Les débats du Sénat entre 1868 et 1870 n’ont pas encore été réimprimés et il est préférable de les consulter dans les éditions de l’Ottawa Times de l’époque. Les jugements rendus par McCully à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse sont dans les Reports de cette cour, VIII–XII (1869–1879). On peut, en outre, consulter les études suivantes : Saunders, Three premiers of N.S. ; P. R. Blakeley, Jonathan McCully, father of confederation, N.S. Hist. Soc. Coll., XXXVI (1968) : 142–181 ; N. H. Meagher, Life of the Hon. Jonathan McCully, 1809–1877, N.S. Hist. Soc. Coll., XXI (1927) : 73–114. [p. b. w.]
P. B. Waite, « McCULLY, JONATHAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mccully_jonathan_10F.html.
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Auteur de l'article: | P. B. Waite |
Titre de l'article: | McCULLY, JONATHAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |