MARCOUX, JOSEPH (surnommé Tharoniakanere, qui signifie « celui qui regarde le ciel »), prêtre catholique, missionnaire et auteur, né le 16 mars 1791 à Québec, fils de Joseph Marcoux et de Marie Vallière ; décédé le 29 mai 1855 dans la réserve de Caughnawaga (Kahnawake, Québec).
Joseph Marcoux naquit dans la famille d’un boucher qui habitait la haute ville de Québec vers la fin du xviiie siècle. Il fit ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1799 à 1808. Un an plus tard, il entreprit ses études de théologie dans cette même institution et, selon l’habitude de l’époque, il y enseigna en même temps les classes de grammaire. En 1812, reçu sous-diacre, il fut confié à Jean-Baptiste Roupe, curé de la mission de Saint-Régis, à Saint-Régis ; celui-ci prépara le jeune clerc à la prêtrise et lui apprit la langue des Agniers. Durant la guerre de 1812, les Américains attaquèrent la mission le 23 octobre de cette année-là. Marcoux s’y trouvait, mais contrairement à Roupe, il réussit à échapper aux envahisseurs en se cachant dans un bâtiment servant de cendrière jusqu’à ce que ces derniers se retirent du village de Saint-Régis.
Ordonné prêtre par Mgr Joseph-Octave Plessis*, évêque de Québec, le 12 juin 1813, Marcoux reçut cinq jours plus tard son obédience pour la mission de Saint-Régis. Il succédait ainsi à Roupe qui venait d’être nommé à la cure de la mission de Lacdes-Deux-Montagnes (Oka). Peu après son retour dans la mission de Saint-Régis, Marcoux eut à affronter deux ennemis. Il dut lutter contre le pseudo-dauphin de Louis XVI, Éléazar Williams, prédicant de l’Église congrégationaliste occupé à saper la foi des Indiens de la mission et leur fidélité à l’égard de la couronne britannique. Il dut se battre aussi contre des officiers américains qui, postés à la frontière de l’état de New York, tentaient de suborner les Indiens par l’appât de la nourriture. Certains Indiens ne purent résister à la tentation et, afin de s’assurer une part généreuse pour eux-mêmes, ils ajoutèrent à l’insu de Marcoux son nom à la liste des quémandeurs. En 1819, Marcoux présenta un mémoire au gouverneur en chef du Canada, le duc de Richmond [Lennox*] ais les explications qu’il y donna sur sa conduite ne réussirent pas à dissiper les soupçons des autorités sur sa loyauté et sur celle des Indiens de sa mission. Pour régler la difficulté, Mgr Plessis le nomma curé de la mission Saint-François-Xavier, à Caughnawaga, à la fin de la même année.
Durant son ministère dans cette mission, Marcoux lutta efficacement contre le fléau de l’alcoolisme qui engendrait la discorde dans le village de Caughnawaga et avait atteint un niveau alarmant après l’arrivée des carriers au sud de la réserve de Caughnawaga, venus travailler en 1823 et 1824 à la construction du canal de Lachine. En 1826, il parvint de même à empêcher la diffusion d’une traduction fautive des Évangiles en iroquois, « plus propre à jeter le ridicule sur la religion qu’à la propager ». Vers 1821, les Indiens avaient réclamé une bande de terrain jouxtant le village du côté de Laprairie (La Prairie) et, en 1828 et 1830, Marcoux intervint en leur faveur pour tenter de faire aboutir leur demande, mais en vain. À la même époque, il résista de toutes ses forces aux tentatives de certains fonctionnaires du département des Affaires indiennes pour détacher ses ouailles de la religion catholique, surtout au moyen des écoles. Heureusement, le gouverneur en chef, lord Gosford [Acheson*], allait se ranger de son côté.
En 1840, un des successeurs de Gosford, Charles Edward Poulett Thomson*, demanda à Mgr Ignace Bourget*, évêque de Montréal, de retirer Marcoux de Caughnawaga, accusant ce dernier du désordre qui avait régné dans ce village et d’avoir fait preuve de manque de loyauté envers le gouvernement pendant la rébellion. Convaincu de l’innocence du missionnaire, Mgr Bourget le maintint à son poste, tout en lui reprochant d’avoir traité de « minus habentes » ses ennemis bureaucrates, notamment James Hughes, Duncan Campbell Napier* et Solomon Yeomans Chesley*, membres d’une commission chargée de faire enquête sur l’attitude et la conduite que lui et les Indiens de sa mission avaient adoptées en 1837 et 1838. Très intelligent, d’un caractère vif, Marcoux se hérissait comme un porc-épic dès qu’on s’attaquait à ses ouailles. Malgré les allégations de Hughes, l’attitude de Marcoux pendant la rébellion fut celle de tous les curés soumis à leurs évêques. Quant à sa conduite, Thomas Leigh Goldie, secrétaire de sir John Colborne*, commandant en chef des forces armées des deux Canadas, écrivait dans une lettre adressée à l’époque des troubles que « Son Excellence ne dout[ait] pas qu’elle puisse s’y fier ».
Dès son arrivée à Caughnawaga, Marcoux s’était préoccupé du problème de la vieille église de la mission qui « n’ [était] pas décente » et songea à en construire une nouvelle. Bon missionnaire, il avait vite appris l’art de quêter. En 1826, il avait obtenu de Charles X, roi de France, trois grands tableaux pour son église. À deux reprises, en 1842 et 1844, il reçut 1 000 francs du roi Louis-Philippe pour la construction de la nouvelle église. À force de frapper à bien des portes, il parvint à réunir les fonds nécessaires. L’église fut construite en 1845, d’après les devis de Félix Martin*, architecte et supérieur des jésuites du Bas-Canada. Sept ans plus tard, en réponse à son invite, il reçut de Napoléon III, empereur des Français, et de l’impératrice Eugénie des vêtements liturgiques en drap d’or, dignes du beau temple qu’il avait construit, ainsi qu’un calice sur lequel on trouve gravée l’inscription : Donné par l’Impératrice.
En véritable linguiste, Marcoux rédigea en agnier des ouvrages remarquables, entre autres, un catéchisme, un livre de prières, des extraits des Évangiles, un volume de chant grégorien avec paroles indiennes, une traduction d’une biographie de Kateri Tekakouitha* dont il œuvra constamment à la propagation de la dévotion, une grammaire et des dictionnaires iroquois-français et français-iroquois.
Joseph Marcoux mourut victime de son zèle au cours d’une épidémie de typhoïde, à l’âge de 64 ans. Il repose dans le caveau de l’église érigée par ses soins, au milieu des Indiens qu’il avait tant aimés. Sa vie sacerdotale consacrée aux Iroquois avait duré 42 ans, dont 36 à la mission Saint-François-Xavier, à Caughnawaga.
La correspondance de Joseph Marcoux a été publiée après sa mort sous le titre de Lettres de M. Jos. Marcoux, missionnaire du Sault, aux chefs iroquois du Lac des Deux Montagnes, 1848–49 (Montréal, 1869). Les ouvrages de Marcoux ont été recensés par James Constantine Pilling, Bibliography of the Iroquoian langages (Washington, 1888).
Enfin, un portrait de Marcoux se trouve dans la salle attenante à la sacristie de l’église de la mission Saint-François-Xavier, à Kahnawake.
AAQ, 12 A, H : fo 46ro ; 26 CP, D : 24, 196 ; 210 A, VII : 411 ; IX : 464, 487 ; X : 9.— ACAM, RLB, II : 155–157.— ANQ-Q, CE1-1, 14 nov. 1786, 16 mars 1791.— AP, Saint-François-Xavier (Kanawake), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 30 mai 1855.— Arch. de la Compagnie de Jésus, prov. du Canada français (Saint-Jérôme, Québec), Boîte 1, nos 70, 82, 100, 167, 177 ; Boîte 2, no 236.— Arch. du diocèse de Saint-Jean-de-Québec (Longueuil, Québec), 3A/98, 131, 170, 216.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 25, no 212 ; Reg. du grand séminaire ; Reg. du petit séminaire.— « Les Dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 23, 73, 123.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), 2 : 605.— Lettres des nouvelles missions du Canada, 1843–1852, Lorenzo Cadieux, édit. (Montréal et Paris, 1973), 151, 447.— Allaire, Dictionnaire, 1 : 364–365.— Handbook of American Indians (Hodge), 2 : 953–955.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 247.— National union catalog.— Tanguay, Répertoire (1893), 176.— Henri Béchard, J’ai cent ans ! L’église Saint-François-Xavier de Caughnawaga (Montréal, 1946), 16, 29.— E. J. Devine, Historic Caughnawaga (Montréal, 1922), 283–284, 333, 345, 372.— Pouliot, Mgr Bourget et son temps, 2.— Jacques Viger, « la Prise de Saint-Régis », J. M. LeMoine, édit., BRH, 5 (1899) : 141–144.
Henri Béchard, « MARCOUX, JOSEPH (Tharoniakanere) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marcoux_joseph_8F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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