CUOQ, JEAN-ANDRÉ (nommé par les Algonquins Nij-Kwenatc-anibic, qui signifie « double belle feuille » ou « second Bellefeuille », en mémoire d’un missionnaire vénéré, et par les Iroquois Orakwanentakon, « étoile fixe », sans doute en raison de la fixité de son œil gauche qu’un accident de jeunesse avait endommagé), prêtre, sulpicien, missionnaire, linguiste, philologue et auteur, né le 6 juin 1821 au Puy, France, fils de Jean-Pierre Cuoq, serrurier, et de Marie-Rosalie Delholme ; décédé le 21 juillet 1898 à la mission de Lac-des-Deux-Montagnes (Oka, Québec).

Ses études littéraires accomplies, Jean-André Cuoq commence la théologie au grand séminaire du Puy le 20 octobre 1840. Attiré par les langues étrangères, il apprend l’espagnol et en donne des leçons. Diacre en octobre 1844, il poursuit ses études théologiques à Paris sous la direction d’Arthur Le Hir et les achève à la Solitude d’Issy-les-Moulineaux en 1846. Ordonné prêtre depuis le 20 décembre 1845, Cuoq embarque pour le Canada le 11 octobre 1846 à bord du François Ier et, pendant les 38 jours de la traversée Le Havre-New York, il étudie l’anglais. Arrivé à Montréal à la fin de novembre, il est nommé vicaire à l’élise Notre-Dame.

À partir du 26 octobre 1847, Cuoq œuvre à la mission de Lac-des-Deux-Montagnes. Tout en pratiquant les langues vernaculaires avec ses paroissiens algonquins, il s’intéresse aux manuscrits des anciens missionnaires et aux travaux de ses collègues sulpiciens. L’année suivante, il commence à apprendre l’iroquois avec Joseph Marcoux*, curé à Caughnawaga (Kahnawake), et copie le dictionnaire en agnier que celui-ci vient d’achever. Cuoq supervise l’édition ou la réimpression d’opuscules religieux composés par ses prédécesseurs, notamment l’ancien vicaire Flavien Durocher*, ouvrages qu’il destine aux fidèles de sa mission.

Depuis 1857, Cuoq assume aussi le ministère auprès des Iroquois de Lac-des-Deux-Montagnes. Pour eux, il a composé et publié un syllabaire suivi de cantiques, uniquement en iroquois. Il laisse sa charge en 1859, d’abord pour diriger la classe de versification au petit séminaire de Montréal, puis pour enseigner au collège St Charles, à Baltimore, au Maryland, à l’occasion du séjour qu’il y fait en 1860 en compagnie d’Étienne-Michel Faillon*. La même année, Cuoq reprend son poste de vicaire à l’église Notre-Dame et, de 1862 à 1865, il publie plusieurs livrets religieux pour les paroissiens des deux groupes linguistiques de Lac-des-Deux-Montagnes.

Un fait change alors le cours de la carrière du missionnaire Cuoq. En 1855, la parution en France de l’ouvrage d’Ernest Renan, Histoire générale et Système comparé des langues sémitiques, avait déchaîné un tollé dans les milieux catholiques. Pour soutenir sa thèse philosophique élaborée en 1848 dans De l’origine du langage et montrer les différences entre les races sauvages et civilisées, l’ex-séminariste et élève de Le Hir dénigre les langues américaines, en particulier l’iroquoise, en s’appuyant selon Cuoq sur des descriptions linguistiques sans fondements qui lui venaient de voyageurs et de touristes ignorants. Sur les instances de son ancien maître de Saint-Sulpice, Cuoq publie en 1863 une réponse cinglante, « Jugement erroné de M. Ernest Renan sur les langues sauvages », signée N. O., initiales de ses noms indiens, qui sera éditée par la suite. La réplique de Cuoq n’a pas simplement pour but de montrer la beauté et la complexité des langues algonquines et iroquoises, mais avant tout de défendre les principes sacrés de la religion et de la foi. C’est l’unicité de la race humaine et du langage qui est attaquée. Stimulé par le succès de sa publication, Cuoq promet à ses lecteurs dans un article de 1864, « Encore un mot sur les langues sauvages », de continuer ses travaux comparatifs. En 1866, avec Études philologiques sur quelques langues sauvages de l’Amérique, signé N. O. ancien missionnaire, il devient le spécialiste des langues du Nouveau Monde, et cet ouvrage le fait connaître des milieux lettrés d’outre-Atlantique. « Quels étaient les sauvages que rencontra Jacques Cartier sur les rives du Saint-Laurent ? » paraît dans les Annales de philosophie chrétienne, à Paris, en septembre 1869. La même année, Jugement erroné de M. Ernest Renan est réédité. Dans cette nouvelle version, considérablement augmentée, l’auteur, qui a modéré sa virulence à l’égard de Renan, s’adonne à la comparaison des langues. De 1872 à 1883, il publie des articles et des opuscules religieux qui traitent principalement des langues algonquines.

Après l’incendie de l’église et du presbytère de la mission de Lac-des-Deux-Montagnes, en 1877, Cuoq revient à Montréal. Cinq ans plus tard, Lexique de la langue iroquoise [...], où abondent notes, citations et emprunts à Marcoux, est signé Cuoq, prêtre de Saint-Sulpice, comme le sera en 1886 Lexique de la langue algonquine, basé sur le dictionnaire algonquin-français de Jean-Baptiste Thavenet*. À cette époque, Cuoq est nommé professeur de linguistique amérindienne à l’université Laval. La Société royale du Canada qui l’accueille en 1888 va publier ses derniers articles : « Grammaire de la langue algonquine », en 1891 et 1892 ; « Anotc kekon » ou « [Mélanges] », appendice à la grammaire, en 1893. Après une paralysie de 11 jours, Cuoq s’éteint le 21 juillet 1898 à la mission de Lac-des-Deux-Montagnes. Ses funérailles ont lieu quatre jours plus tard.

Ceux qui ont approché Jean-André Cuoq le décrivent comme un homme affable, modeste et excellent conteur. En cherchant à sauver l’honneur de Dieu, à réhabiliter les langues du Nouveau Monde et à satisfaire la curiosité de ses contemporains imbus de philologie, il a perpétué des travaux qui autrement auraient été détruits par le temps ou les flammes. Avec les années, il a eu la sagesse d’abandonner les recherches comparatives contestées pour décrire les langues algonquines et iroquoises. Il est cependant regrettable que, dans sa persistance à n’utiliser qu’un nombre restreint de signes de l’alphabet latin pour les transcrire, il ait ignoré leurs traits phonétiques particuliers et que, même s’il disposait d’une abondance de travaux de missionnaires répartis sur près de trois siècles, il n’ait pas apporté d’éléments nouveaux sur la structure de ces langues.

Pierrette L. Lagarde

Jean-André Cuoq est l’auteur de : Jugement erroné de M. Ernest Renan sur les langues sauvages (Montréal, 1864 ; 2e éd., 1869), publié d’abord dans le Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal), 7 (1863) : 166–168 ; 8 (1864) : 5–7, 20–22 ; « Encore un mot sur les langues sauvages », paru également dans le Journal de l’Instruction publique, 8 : 128–130 ; Études philologiques sur quelques langues sauvages de l’Amérique (Montréal, 1866) ; « Quels étaient les sauvages que rencontra Jacques Cartier sur les rives du Saint-Laurent ? », publié dans Annales de philosophie chrétienne (Paris), 5e sér., 19 (1869) ; Chrestomathie algonquine (Paris, 1873) ; Lexique de la langue iroquoise [...] (Montréal, 1882) ; Lexique de la langue algonquine (Montréal, 1886) ; « Grammaire de la langue algonquine », SRC Mémoires, 1re sér., 9 (1891), sect. : 88–114 ; 10 (1892), sect. : 41–119 ; « Anotc kekon », 11 (1893), sect. i : 137–179 ; « Notes pour servir à l’histoire de la mission du Lac-des-Deux-Montagnes, 1721–1898 », manuscrit rédigé en 1898 qui est conservé aux ASSM. Cuoq a également fait paraître une traduction, Catéchisme algonquin avec syllabaire et cantiques [...] (Montréal, 1865).

AC, Terrebonne (Saint-Jérôme), État civil, Catholiques, Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), 25 juill. 1898.— AD, Haute-Loire (Le Puy), État civil, Le Puy, 7 juin 1821.— Allaire, Dictionnaire.— L.-A. Bélisle, Références biographiques, Canada-Québec (5 vol., Montréal, 1978), 2.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— The Catholic encyclopedia, C. G. Herbermann et al., édit. (15 vol., New York, 1907–1912), 4 : 569 ; 10 : 381, 387.— Louise Dechêne, « Inventaire des documents relatifs à l’histoire du Canada conservés dans les archives de la Compagnie de Saint-Sulpice à Paris », ANQ Rapport, 1969 : 149–288.— Le Jeune, Dictionnaire.— J. C. Pilling, Bibliography of the Algonquian languages (Washington, 1891) ; Bibliography of the Iroquoian languages (Washington, 1888), tous deux réimpr. sous le titre de Bibliographies of the languages of the North American Indians (9 part. en 3 vol., New York, 1973), 2 ; 1, part. 3).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— Wallace, Macmillan dict.— Louis Bertrand, Bibliothèque sulpicienne ou Histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice (3 vol., Paris, 1900), 2.— [J.-L.-]O. Maurault, Nos messieurs (Montréal, [1936]).— A. F., « l’Abbé Cuoq ; notice biographique », SRC Mémoires, 2e sér., 8 (1902), sect. : 127–129.— R. Bonin, « les Archives sulpiciennes, source d’histoire ecclésiastique », SCHEC Rapport, 2 (1934–1935) : 40–50.— « Comparisons of American languages with those of the Old World », Canadian Naturalist and Geologist (Montréal), nouv. sér., 1 (1864) : 146.— G. Forbes, « la Mission d’Oka et ses missionnaires », BRH, 6 (1900) : 147.— John Reade, « The Basques in North America », SRC Mémoires, 1re sér., 6 (1888), sect. i: 21–39.— P.-G. Roy, « Ouvrages publiés par l’abbé Jean-André Cuoq », BRH, 30 (1924) : 260.— Joseph Royal, « [Compte rendu] Jugement erroné de M. Ernest Renan sur les langues sauvages [...] », Rev. canadienne, 1 (1864) : 253–254.

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Pierrette L. Lagarde, « CUOQ, JEAN-ANDRÉ (Nij-Kwenatc-anibic, Orakwanentakon) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cuoq_jean_andre_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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