TIARKS, JOHANN LUDWIG (John Lewis), astronome et arpenteur, né le 10 mai 1789 à Waddewarden (République fédérale d’Allemagne), fils du révérend Johann Gerhard Tiarks et de Christine Dorothea Ehrentraut ; en 1822, il épousa Auguste Antoinette Sophie Toel, de Jever (République fédérale d’Allemagne), et ils eurent plusieurs enfants, dont une fille qui parvint à l’âge adulte ; décédé le 1er mai 1837 à Jever.

Johann Ludwig Tiarks obtint un doctorat en mathématiques de l’université de Göttingen (République fédérale d’Allemagne) en 1808 et s’engagea à titre de précepteur. En 1810, il dut s’enfuir en Angleterre pour éviter la conscription de Napoléon. Il devint bientôt aide-bibliothécaire et homme à tout faire de sir Joseph Banks* de la Royal Society de Londres. Sur la recommandation de ce dernier, en 1817, on le nomma astronome d’une des commissions établies en vertu de l’article 5 du traité de Gand (1814) pour délimiter la frontière entre l’est de l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis. Il remplaça Joseph Bouchette, atteint cette année-là de la « fièvre du lac Champlain », et continua de faire partie de l’équipe chargée de la délimitation quand William Franklin Odell remplaça Bouchette à titre d’arpenteur principal.

Tiarks arriva en septembre à Saint-Régis (Akwesasne), à l’endroit où le 45e parallèle croise le Saint-Laurent, et y commença ses observations astronomiques. Très impressionné par les Agniers convertis au catholicisme de ce village, il se lia d’amitié avec plusieurs d’entre eux ainsi qu’avec Joseph Marcoux*, le prêtre qui les desservait. Son journal et ses lettres abondent en commentaires sur leur mode de vie. « Jamais je n’ai été aussi touché que lorsque je suis entré à l’église, confesse-t-il. Personne ne voudra croire que ce peuple sauvage assistait aux célébrations de l’Église catholique avec autant de savoir-vivre et de discipline. Les femmes étaient assises d’un côté et chantaient en alternant à chaque verset avec les hommes,qui étaient assis de l’autre côté. » Il comprit jusqu’à un certain point le caractère matrilinéaire de leur organisation sociale et le rôle dominant des femmes agnières dans les ménages. Son enthousiasme pour l’Amérique se traduisait généralement en admiration pour les Indiens. « Il y a chez eux, écrit-il, quelque chose de fascinant qui donne à l’homme civilisé un sentiment de liberté, de santé et de courage renouvelé qu’il ne peut retenir. »

À la fin de juillet 1818, Tiarks et son groupe quittèrent Saint-Régis et se mirent en route vers le lac Champlain avec une équipe d’arpenteurs américains dirigée par Ferdinand Rudolph Hassler, une vieille connaissance de Londres. Parvenues au lac avant l’hiver, les deux équipes constatèrent chacune de leur côté que John Collins* et les autres qui avaient situé le parallèle à cet endroit avaient fait erreur, et que le fort de Rouses Point, dans l’état de New York, bâti par les Américains au coût d’un million de dollars, se trouvait en réalité en territoire britannique. Les Américains qui étaient membres de la commission de la frontière contestèrent cette conclusion et Andrew Ellicott, le remplaçant de Hassler au poste d’astronome, se montra beaucoup moins coopératif que son prédécesseur. On rapporte qu’il fit à Tiarks la suggestion suivante : « nous devrions éviter d’accomplir notre tâche avec autant de rigueur et oublier d’en achever la plus grande partie ». Tiarks sentait que sa réputation était en jeu et refusa donc de se laisser influencer, ce en quoi le commissaire britannique Thomas Henry Barclay* l’appuya fortement.

En 1819, Tiarks travaillait dans la vallée supérieure de la rivière Connecticut, par où l’on projetait de faire passer la frontière. Il passa une partie de l’été de 1820 à faire la carte du territoire qui est devenu le nord-ouest du Nouveau-Brunswick et la région adjacente du Québec. À l’automne, il retourna dans le haut du Connecticut. Cependant, le désaccord entre les commissaires britannique et américain [V. Ward Chipman*] interrompit bientôt ses travaux et, en 1821, il retourna en Europe.

Tiarks revint en Amérique du Nord en 1825 afin de déterminer l’extrémité nord-ouest du lac des Bois, point à partir duquel on avait convenu de tracer la frontière internationale en droite ligne vers l’ouest jusqu’à la rivière Mississippi. L’année suivante, il retourna à Londres et y demeura jusqu’en 1830 pour travailler sur des questions que la commission des frontières jugeait litigieuses. On chargea le roi des Pays-Bas d’arbitrer le différend territorial ; on convoqua donc Tiarks en 1830 à La Haye pour fournir des renseignements sur certains points. Environ un an plus tard, il retournait à Jever.

Johann Ludwig Tiarks avait toujours espéré devenir professeur dans une université allemande, mais on ne lui offrit aucun poste. Par ailleurs, il ne vécut pas assez longtemps pour assister à la signature du traité Webster-Ashburton (1842), qui mit fin à la mésentente au sujet de la frontière. En mars 1837, il subit une attaque d’apoplexie dont il ne se remit jamais. À en croire une lettre écrite à sa mère au cours de son premier hiver passé au Canada, il avait une certaine prémonition de la suite de sa vie : « Ainsi notre avenir repose dans le mystère, nous nous berçons d’espoirs qui ne se réaliseront jamais, nous croyons pouvoir agir autrement, mais nous sommes les jouets du sort. »

Vincent O. Erickson

Les papiers de Johann Ludwig Tiarks furent donnés par deux de ses arrière-petits-fils, Robert von Ranke Graves et Charles Patrick Ranke Graves, à leurs cousins Tiarks d’Angleterre qui les déposèrent dans la bibliothèque familiale à Foxbury. En 1972, Henry F. Tiarks offrit la collection (à l’exception de quelques documents plus personnels et des copies de documents qu’il garda en sa possession à Foxbury) aux APC, où elle est maintenant disponible sous la cote MG 24, H64 ; elle constitue la source documentaire la plus importante de cette étude. Tiarks a laissé une masse de documents non publiés parmi lesquels on trouve ses journaux et sa correspondance, des rapports, des mémoires et des notes. La collection contient aussi cinq volumes imprimés, mais qui ne furent pas mis en circulation, de rapports sur la commission chargée de la délimitation des frontières de même que des copies des rapports scientifiques de Tiarks qui furent publiés ; ceux-ci concernent exclusivement la détermination de la longitude et parurent d’abord entre 1817 et 1829.

Il existe d’autres collections de documents utiles : les Thomas Barclay papers à la Maine Hist. Soc. Library (Portland) et les Chipman papers (APC, MG 23, D1, sér. 1, 31–60), qui contiennent les procès-verbaux de la commission chargée de la délimitation des frontières. On trouve d’autres renseignements sur Tiarks dans les études suivantes : C. A. H. Franklin, A short history of the family of Tiarks of Foxbury, Chislehurst, Co. Kent (Londres, 1929) ; Allgemeine deutsche Biographie [...] (56 vol., Leipzig, République démocratique allemande, 1875–1912), 39 : 92–94 ; et Oldenburger Sonntagsblatt (Oldenburg, Lower Saxony, République fédérale d’Allemagne), 12 (1919), no 5. Des notices nécrologiques ont été publiées dans Athenœum (Londres), 1837 : 366–367 ; Oldenburgische Blätter (Oldenburg), 28 nov., 5 déc. 1837, 16, 23 oct. 1838 ; et dans Astronomical Soc. of London, Monthly Notices (Londres), 4 (1836–1839) : 108–110. Robert von Ranke Graves, dans Good-bye to all that ; an autobiography (Londres, 1929), et Alfred Perceval Graves, dans To return to all that ; an autobiography (Londres, 1930), donnent également des informations sur Tiarks, mais ces ouvrages doivent être utilisés avec circonspection.

Pour des renseignements spécifiques sur la question des frontières, le lecteur ferait bien de lire : S. F. Bemis, A diplomatic history of the United States (New York, 1936) ; A. B. Corey, The crisis of 1830–1842 in Canadian-American relations (New Haven, Conn., et Toronto, 1941) ; W. F. Ganong, « A monograph of the evolution of the boundaries of the province of New Brunswick », SRC Mémoires, 2e sér., 7 (1901), sect. ii : 139–449 ; J. B. Moore, History and digest of the international arbitrations to which the United States has been a party [...] (6 vol., Washington, 1898), 1 ; et D. W. Thomson, Men and meridians : the history of surveying and mapping in Canada (3 vol., Ottawa, 1966–1969).  [v. o. e.]

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Vincent O. Erickson, « TIARKS, JOHANN LUDWIG (John Lewis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tiarks_johann_ludwig_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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