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MAIR, CHARLES, homme d’affaires, écrivain et fonctionnaire, né le 21 septembre 1838 à Lanark, Haut-Canada, dernier enfant de James Mair et de Margaret Holmes ; le 8 septembre 1869, il épousa dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) Elizabeth Louise McKenney, et ils eurent cinq filles et deux fils ; décédé le 7 juillet 1927 à Victoria.
Tout au long de son existence, Charles Mair, le « barde guerrier », estima que son devoir patriotique était de mener une croisade pour le Canada. Cette conviction, il l’attribuait à ses origines, qui remontaient « à [l’]époque primitive » de la vallée de l’Outaouais. Son grand-père, arrivé à Lanark en 1824 à l’âge de 78 ans, avait ouvert deux magasins généraux ; en 1831, le fils et la bru de ce dernier avaient quitté l’Écosse pour venir travailler dans ses magasins et participer à ses activités de commerce du bois. Mair évoquerait dans ses mémoires les douceurs et la rudesse de ces activités : « J’adorais la vie au bord de la rivière, les grandes pinèdes en hiver, où l’on abattait et équarrissait le bois. » La discipline du maître d’école à Lanark et ses années à la Perth Grammar School lui avaient déplu, mais il gardait un souvenir merveilleux des passe-temps des villageois : le hockey sur glace, les jeux, le piégeage, la fabrication du sirop d’érable et la visite des campements amérindiens. Cet amour de la vie à proximité de la nature lui resterait, tout comme l’angoisse liée à un deuxième souvenir : la présence voyante des invalides de guerre qui faisaient régulièrement exécuter des manœuvres aux jeunes gens de Lanark en prévision d’une invasion américaine. La carrière de Mair se déroulerait en bonne partie à la façon d’une campagne loyaliste pour un dominion puissant.
Même si son père voulait qu’il fasse sa médecine au Queen’s College de Kingston, Mair abandonna ses études au bout d’un an (1856–1857) pour aider sa famille, dont les affaires à Lanark allaient mal. Il fut commis durant dix ans et commença à publier des poèmes dans des journaux et revues. Il retourna à Queen’s en 1867 mais, comme il le nota par la suite, « le libre arbitre n’existe pas ; nul n’échappe à son destin ». Pendant cette année d’études, il acheva le manuscrit de son premier livre, Dreamland and other poems. En 1868, à l’issue du trimestre du printemps, il se rendit à Ottawa, où son éditeur faisait imprimer l’ouvrage, qui paraîtrait à Montréal au cours de l’année. Dans la capitale, Mair fréquenta un fonctionnaire et écrivain dont il avait fait la connaissance en 1864, Henry James Morgan*. Celui-ci le présenta à trois jeunes avocats intéressés aux défis qui attendaient le nouveau dominion : George Taylor Denison, William Alexander Foster* et Robert Grant Haliburton*. Ensemble, ils organisèrent un petit cercle de rencontres, l’embryon du mouvement résolument nationaliste Canada First.
Remarqué, grâce à Morgan, par William McDougall* – député fédéral de Lanark North et ministre des Travaux publics dans le cabinet de sir John Alexander Macdonald* –, Mair se vit proposer un emploi d’été. À titre de secrétaire de McDougall, il fit des recherches afin d’aider le nouveau gouvernement du Canada à annexer les territoires de l’Ouest alors détenus par la Hudson’s Bay Company. Satisfait de son travail, McDougall l’engagea ensuite comme secrétaire pour la mission qu’il accomplirait à Londres en vue de négocier le transfert. Cependant, Mair alla plutôt à St Catharines voir sa sœur, tombée malade. À la veille de partir en octobre, McDougall le nomma trésorier des travaux de construction d’une route entre le lac des Bois et Upper Fort Garry (Winnipeg) [V. John Allan Snow*]. Mair craignait que ce travail nuise à ses études, mais il comprit que McDougall lui offrait la chance de « décrire la contrée, jusqu’alors un livre scellé pour le peuple canadien », chance qui pourrait lui permettre de prendre directement part, en tant que poète, à la percée patriotique du mouvement Canada First. Dans l’espoir d’intéresser les habitants de l’Est à la région pionnière du Nord-Ouest, le rédacteur en chef du Globe de Toronto, George Brown*, qui partageait la vision transcontinentale de McDougall, engagea Mair comme correspondant.
Le départ de Mair coïncida avec la parution de Dreamland and other poems. Ce livre reflète une conception coloniale de la poésie. Certains morceaux du recueil, August par exemple, témoignent d’une observation minutieuse : les descriptions des mouches bleues, des femmes occupées à traire et des bêtes « efflanquées » dans les champs desséchés annoncent la poésie de la nature qui parviendra à maturité sous la plume d’Archibald Lampman*. Trop souvent cependant, Mair parle non pas des régions boisées qu’il connaissait, mais d’un pays imaginaire, vaguement inspiré des envolées romantiques de Keats. Durant toute sa carrière, il broderait autour de ce thème d’un royaume céleste qui dure (comme dans le poème intitulé Dreamland) jusqu’à ce que les « adorateurs belliqueux de Mammon » l’anéantissent. Parmi ceux qui firent des recensions du livre, dont bon nombre félicitèrent l’auteur d’avoir donné une voix à un pays neuf, il y avait deux critiques canadiens à qui Mair prêta une attention respectueuse. Le premier – un poète reconnu, Charles Sangster* – signalait que, en général, la presse à grand tirage faisait fi de la tradition raffinée des lettres canadiennes et, naïve, accueillait avec enthousiasme le moindre nouveau venu en poésie en disant qu’il était le premier chantre à « découvrir nos rivages muets ». Le second, Robert Grant Haliburton, champion du mouvement Canada First, pressa Mair de canadianiser son sujet, de chercher son inspiration dans les Prairies plutôt que chez Milton. Ce conseil, Mair le prendrait au sérieux, mais en novembre 1868, c’est en prose qu’il écrivit pour le Globe. Ses chroniques, où il raconte d’abord son voyage jusqu’à Upper Fort Garry, décrivent avec romantisme la majesté des Prairies : leurs horizons, leur faune et leur flore, leurs établissements idylliques et leurs champs riches en terreau qui invitent le pionnier canadien à suivre « le chemin de l’Empire et du jardin du monde ». Tout aussi vivants sont ses portraits des personnages pittoresques de cette région pionnière : les conteurs d’histoires, les bureaucrates corrompus venus de villes frontalières américaines, les « sang-mêlé » qui s’adonnent à la médisance dans les avant-postes canadiens. Parce qu’elles donnaient l’impression que n’importe quel immigrant débrouillard pouvait réussir au milieu de ces gens, les chroniques de Mair firent scandale à la Rivière-Rouge. L’épouse métisse d’Andrew Graham Ballenden Bannatyne*, offusquée par ce qu’il disait des tensions qu’il avait observées entre épouses sang-mêlé et blanches au cours d’un dîner donné par Alexander Begg*, le gifla et le frappa en public. L’incident donnerait naissance au premier roman à clé qui se passe dans l’Ouest, « Dot it down » […]. Écrit par Begg et publié à Toronto en 1871, il présente Mair sous les traits d’un Haut-Canadien flirteur et vaniteux qui consigne ses sarcasmes sur l’Ouest. La prose de Mair et la réaction qu’elle suscitait éclipsaient son travail de voirie, ce qui ajoutait au ressentiment. En 1868, à cause du bison qui se raréfiait et des nuées de sauterelles qui ravageaient les cultures, les Métis de la Rivière-Rouge avaient besoin de travailler dans son équipe, mais ces mêmes Métis l’accusèrent bientôt d’acheter (des Cris) des terres qu’ils avaient revendiquées.
En plus, Mair était en train de s’attirer des ennuis en raison de ses liens d’amitié avec John Christian Schultz*. Cet homme d’affaires irritait à la fois les Métis et la Hudson’s Bay Company parce qu’il prônait un statut provincial pour la colonie de la Rivière-Rouge. Mair s’était épris de la nièce de Schultz, Elizabeth Louise McKenney, jeune fille aventureuse de 19 ans venue d’Amherstburg, en Ontario. Ils se marièrent en septembre 1869 et, pour leur lune de miel, descendirent à cheval jusqu’au Minnesota pour aller à la rencontre de William McDougall, qui se rendait à la Rivière-Rouge afin d’assumer ses fonctions de lieutenant-gouverneur désigné des Territoires du Nord-Ouest.
Les Métis, de plus en plus agités, interdirent le passage à McDougall, mais les jeunes mariés étaient déterminés à regagner la Rivière-Rouge. Ils furent détenus un temps par les partisans de Louis Riel*, dont quelques-uns avaient travaillé pour Mair. Enfin relâchés et parvenus à Upper Fort Garry, ils découvrirent que le fort était occupé. Ils trouvèrent refuge dans l’entrepôt de Schultz, où ils restèrent jusqu’au milieu de décembre, le mois où Riel proclama un gouvernement provisoire. Emprisonné à nouveau, sans sa femme cette fois, Mair fut condamné à mort. Il parvint à s’évader avec Schultz, eut une brève rencontre avec Elizabeth Louise, puis, sa tête mise à prix, s’enfuit en plein blizzard à St Paul, au Minnesota. En arrivant à la gare ferroviaire de Toronto en avril 1870, Mair et Schultz furent accueillis par une foule de 5 000 personnes. À une réception tenue au St Lawrence Hall, ils parlèrent de l’insurrection métisse. Bien que le gouvernement Macdonald ait tenté de minimiser la gravité des événements, les deux hommes, avec l’aide d’un autre partisan du mouvement Canada First, George Taylor Denison, firent campagne pour l’éviction de Riel. Quand Ottawa dépêcha des troupes dans le Nord-Ouest sous le commandement de Garnet Joseph Wolseley*, Mair et Denison furent convaincus d’être à l’origine de cette décision.
Elizabeth Louise Mair aussi avait connu bien des périls. Comme les gardes n’arrivaient pas à retracer son mari, Louis Riel ordonna de la capturer, mais elle put se cacher grâce à l’épouse du révérend Henry George. Au risque de se faire prendre, le 4 mars – jour de l’exécution de Thomas Scott* par les Métis –, Mme Mair, enceinte de cinq mois, fouilla la maison de Schultz, qui était occupée, dans l’espoir de trouver les manuscrits des poèmes de Charles. Toutefois, Riel avait saccagé la maison et les manuscrits étaient perdus. Mair avait consacré cinq ans à Zardust and Sélima, poème qui, il en était convaincu, établirait sa réputation, et il se sentait incapable de le reproduire. La perte de ses manuscrits, se plaignit-il, « brisa [son] cœur d’écrivain ». Toujours séparée de son mari en exil, Elizabeth Louise donna naissance à leur premier enfant en juillet à Winnipeg. Mair ne les vit pas avant le mois d’octobre.
Avec une famille à charge et privé de ses manuscrits, Mair élut domicile à Portage-la-Prairie, au Manitoba, où il tint un magasin général et fit la traite des fourrures. Pendant les sept années qu’il passa à cet endroit – porte d’entrée de la région pionnière, selon lui –, il représenta au Manitoba la North West Emigration Aid Society, qu’il avait créée avec ses collègues du mouvement Canada First. Dans des articles écrits en 1875 pour la Canadian Monthly and National Review de Toronto [V. Graeme Mercer Adam*], il décrivit comment ils entrevoyaient le développement de l’Ouest au sein de l’Empire britannique : l’« océan infini de terre […] attendant, avec une superbe patience, [l’apport des] nouveaux venus : troupeaux et champs, écoles, églises, foi chrétienne et amour de la liberté ». En outre, ses articles défendent avec virulence un nationalisme ethnique anglo-saxon fidèle à l’esprit du mouvement Canada First et à d’autres remarques de Mair en faveur d’une immigration spécifiquement protestante qui évincerait aussi bien les Métis catholiques que les autochtones.
En 1877, insatisfait de l’essor commercial de Portage-la-Prairie, Mair s’installa à Prince Albert (Saskatchewan) avec sa famille. Il bâtit un magasin et, par le truchement de la Prince Albert Times and Saskatchewan Review, dont il était l’un des fondateurs, il continua de faire valoir que le Canada avait besoin d’immigrants pour accomplir sa destinée au sein de l’Empire. À cause de la renommée que lui apportaient ces écrits, il demeurait la cible de l’hostilité des Métis. Dès le milieu de l’année 1882, par crainte que Riel ne revienne, il avait emmené sa famille à Windsor, en Ontario, mais il gardait son commerce à Prince Albert, où il passa les deux hivers suivants. L’été, il se consacrait à un autre genre de travail. Située près d’Amherstburg, où habitait la mère d’Elizabeth Louise, la ville de Windsor était aussi, pour Mair, un endroit idéal où faire les recherches nécessaires à la composition de la grande épopée nationale qui marquerait son retour à la poésie. Il choisit comme sujet le chef chaouanon Tecumseh*, mort pendant la guerre de 1812 – conflit qui, d’après lui, avait été « le tournant du destin du Canada ». Sa pièce en vers blancs Tecumseh : a drama, parue à Toronto en 1886, surpasserait tout le reste de sa production littéraire. Elle célébrerait non seulement les principes héroïques sur lesquels était fondé le dominion, mais aussi les Amérindiens, cette race « sensée, intelligente » qu’il avait connue dans son enfance et dans le Nord-Ouest. Son poème, espérait-il, aiderait ce peuple « traité de manière [si] ignoble » par les Américains à connaître au Canada un sort différent. Pendant l’été de 1882, Mair avait commencé à examiner les lieux du Sud-Ouest ontarien où Tecumseh avait affronté les envahisseurs américains – les champs paisibles, où, supposait-on, il avait cultivé du maïs ainsi que les champs de bataille, où l’on trouvait encore des tomahawks de pierre et des ossements de guerriers. Après avoir mené dans le Nord-Ouest une « vie à demi sauvage », Mair composait des vers parmi des amateurs de littérature à qui il pouvait montrer ses brouillons.
Mair consacrait tout son temps à l’écriture depuis plus d’un an lorsque, en mars 1885, il apprit qu’une rébellion avait éclaté dans le Nord-Ouest. Tout de suite, il interrompit son travail. Certains de ses amis furent tués au cours de l’affrontement entre les Métis et les policiers à l’établissement du lac aux Canards (Duck Lake, Saskatchewan) [V. Lief Newry Fitzroy Crozier*]. Il crut de son devoir de s’enrôler dans la milice afin de pourchasser Riel, sa bête noire. À titre de quartier-maître dans l’unité de Denison, la Governor General’s Body Guard, il aboutit à Humboldt, où les soldats gardaient tranquillement un poste télégraphique. De retour à Windsor en juillet, après la répression du soulèvement, il entendait bien terminer son poème. Sa campagne en faveur de l’exécution de Riel le détourna de ce projet. Riel monta sur l’échafaud en novembre. Mair finit Tecumseh avant la fin de décembre et, le 12 février 1886, tout fier, il en envoya une copie à Elizabeth Louise. Le 24 mai à Toronto, lui-même et d’autres membres de la Governor General’s Body Guard reçurent, de la femme du lieutenant-gouverneur John Beverley Robinson*, des médailles du Nord-Ouest canadien. Ce fut à cette occasion qu’on l’appela le « barde guerrier ».
Présentée par Mair comme le « sublime idéal » d’un « Empire uni », la pièce Tecumseh oppose la tradition canadienne de l’entraide et du sacrifice de soi pour le bien commun à la tradition américaine de l’intérêt personnel, source de division. Pour Mair, le chef Tecumseh et le général britannique sir Isaac Brock* sont des exemples d’abnégation. On sent l’influence de Shakespeare lorsqu’il compare le Nord-Ouest (que visite Tecumseh) à un océan de prairies sans bornes, avec des vagues de bisons, et lorsqu’il dépeint des scélérats américains dont le parler emprunte à celui du colporteur yankee inventé par Thomas Chandler Haliburton*. Même si la pièce Tecumseh n’était pas destinée à la scène, Mair avouait rêver qu’elle soit jouée. Du moins fit-elle l’objet d’un bon nombre de recensions. La poétesse mohawk Emily Pauline Johnson* louangea ainsi dans le World de Toronto sa représentation des autochtones : « Mair évite les lieux communs au moyen desquels ceux qui n’ont jamais rencontré ni fréquenté d’Indiens les décrivent. » Le Globe employa une comparaison flatteuse : « Tout comme la pièce Henri V était un chant de triomphe à l’intention des Anglais du temps de Shakespeare, celle-ci est un chant de triomphe pour les Canadiens d’aujourd’hui. » Cependant, à trop vouloir proclamer son nationalisme, Mair forcerait la note. Dans Tecumseh : a drama, and Canadian poems (Toronto, 1901), il tente de canadianiser ses morceaux antérieurs en remplaçant les chevaliers du Moyen Âge par les guerriers et les héroïnes de 1812.
À l’été de 1886, Mair était au sommet de sa carrière d’écrivain. Il retourna avec sa famille à Prince Albert, où il exerça les métiers de magasinier, d’éleveur, de maître de poste et d’agent immobilier. Malgré son projet de composer une pièce encore plus ambitieuse, sur la conquête du Canada par les Britanniques, il réussit seulement à publier des poèmes à l’occasion. L’un d’eux, The last bison, paru en 1888 dans le Dominion Illustrated de Montréal, porte sur un sujet qui lui tenait à cœur et qu’il traiterait en prose. En 1890, la Société royale du Canada, dont il avait été élu membre l’année précédente, publiait dans ses Mémoires un texte intitulé « The American bison […] with reference to its threatened extinction and possible preservation ». Peut-être en partie à cause de cet essai au ton passionné, le gouvernement fédéral tenterait, en 1898–1899, d’établir un troupeau dans le parc national de Banff, en Alberta. En 1893, Mair quitta Prince Albert pour St Paul. Il y encouragea les immigrants à s’installer dans le Nord-Ouest et se rendit à Chicago pour monter un stand canadien à l’Exposition universelle. Il s’établit ensuite à Kelowna, en Colombie-Britannique, où il ouvrit un magasin. Sa nomination à un poste d’agent d’immigration itinérant en 1898 par le ministre de l’Intérieur, Clifford Sifton, le tira d’un découragement grandissant. Il fut d’abord affecté à Winnipeg. Aider des immigrants à s’installer dans la région pionnière était un travail qui lui convenait. Par exemple, ce fut en partie sur ses conseils que, à la fin de 1898, des agents doukhobors choisirent des terres dans le district de la rivière du Cygne (rivière Swan, Saskatchewan). Dès 1899, une autre belle occasion se présenta à Mair : on lui accorda un congé de quatre mois pour qu’il agisse à titre de secrétaire anglais de la commission chargée d’étudier les revendications foncières de la population sang-mêlé de la région nordique qu’elle allait céder par le traité no 8 [V. James Andrew Joseph McKenna*]. Le livre qu’il consacra à l’expédition de la commission – son œuvre majeure en prose, parue à Toronto en 1908 – s’annonce comme un récit bucolique et un plaidoyer pour les Amérindiens, peuple innocent dont le Canada doit protéger les coutumes et traditions primitives contre la civilisation dévoyée qu’incarnent les trafiquants de la Hudson’s Bay Company et les chercheurs d’or du Klondike. Mair évoque les récits de sir Alexander Mackenzie* et de sir George Simpson*, qui avaient exploré la région à une époque antérieure. Tandis que lui-même et ses compagnons passent devant des forts en ruine et longent des pistes et des bourbiers autrefois utilisés par les bisons mais désormais envahis par des buissons de fraisiers et d’amélanchiers de Saskatoon, il met en évidence les changements survenus au cours du xixe siècle. À sa grande surprise, il rencontre non pas des « sauvages typiques » de l’ancien temps, mais des groupes d’autochtones habillés de « vêtements de confection ». Through the Mackenzie basin : a narrative of the Athabasca and Peace River treaty expedition of 1899 marque le point culminant de sa longue campagne en faveur d’un dominion qui formerait au nord un rempart contre l’expansion des États-Unis.
Pendant les années où il fut agent d’immigration, Mair rassembla de la documentation en vue de la rédaction d’un livre sur le soulèvement survenu à la Rivière-Rouge en 1869–1870, mais il eut du mal à poursuivre ses recherches après sa mutation de Winnipeg à Lethbridge (Alberta) en 1903, puis à Coutts et au fort Steele (Fort Steele, Colombie-Britannique). Son séjour à Lethbridge fut particulièrement éprouvant : sa fille Elizabeth succomba à la typhoïde en 1904 et sa femme bien-aimée mourut d’une hémorragie cérébrale en 1906 en rendant visite à leur fille Maude Louise à Victoria. Après s’être vu refuser une affectation à la direction des archives à Ottawa, il renonça à écrire sur la Rivière-Rouge. Cependant, quelques-uns de ses souvenirs paraîtraient sous forme d’entrevues.
Mair quitta le bureau de l’immigration du fort Steele en 1921, à l’âge de 83 ans. Il vécut chez sa fille Fanny George à Calgary, puis s’installa dans une maison de retraite à Victoria. En 1924, la Queen’s University lui décerna un doctorat en droit. Un autre honneur, bien tardif, fut rendu en avril 1927 au vénérable barde guerrier : la parution d’un volume rassemblant sa poésie, sa prose et ses mémoires, édité par John William Garvin*. Mair célébra le soixantième anniversaire de la Confédération en envoyant un télégramme à la Canadian Authors Association le 1er juillet, jour de la fête du dominion. Décédé le 7, il fut inhumé aux côtés d’Elizabeth Louise au cimetière de la baie Ross, à Victoria.
Garvin et Robert Winkworth Norwood* ont exagéré en affirmant, dans le livre lancé en 1927, que Charles Mair était le plus grand poète du Canada. Depuis, cependant, on a négligé ou dénigré son œuvre. Ses mérites, pourtant, sont immenses. Bien sûr, son rôle de cofondateur du mouvement Canada First et celui de promoteur de l’immigration dans la région pionnière l’opposèrent aux Métis, et ses prises de position impérialistes lui donnèrent mauvaise réputation. Cependant, par la suite, il s’acquitta avec compétence de son travail d’agent d’immigration et, bien intentionné, vanta la dignité des peuples autochtones. Il fut aussi l’un des premiers défenseurs de l’environnement au Canada puisqu’il préconisa la création d’une réserve naturelle pour les bisons. Une édition critique de ses œuvres en prose, qui réunirait sa correspondance sur la Rivière-Rouge, « The American bison » et Through the Mackenzie basin, permettrait d’approfondir sa pensée. Tecumseh, qui fait de la guerre de 1812 l’événement charnière de l’histoire du pays, est une contribution de première importance à la littérature canadienne du xixe siècle. Parmi les nombreuses œuvres littéraires consacrées à cette guerre – notamment par Sangster, John Richardson* et Sarah Anne Curzon [Vincent*] –, Tecumseh demeure la plus accomplie.
Les papiers de Charles Mair sont conservés aux QUA. On trouve la liste des écrits de Mair dans Tecumseh : a drama, and Canadian poems ; Dreamland and other poems ; The American bison ; Through the Mackenzie basin ; Memoirs and reminiscences, J. W. Garvin, édit., introd. par R. [W.] Norwood (Toronto, 1926) et dans l’excellente biographie de Norman Shrive, Charles Mair, literary nationalist (Toronto, 1965) et son ouvrage The voice of the Burdash : Charles Mair and the divided mind in Canadian literature (London, Ontario, 1995). Les articles de Mair sur la Rivière-Rouge, dont quelques-uns ont d’abord paru dans le Perth Courier (Perth, Ontario), ont été publiés dans le Globe les 14, 27 déc. 1868, 4 janv., 16 févr. et 28 mai 1869. Ses deux articles pour le Canadian Monthly and National Rev. (Toronto) sont : « The new Canada : its natural features and climate », 8 (juill.–déc. 1875) : 1–8, et « The new Canada : its resources and productions », 8 : 156–164. The last bison a été publié dans le Dominion Illustrated (Montréal), 1 (1888) : 155 et « The American bison [...] with reference to its threatened extinction and possible preservation », dans SRC, Mémoires, 1re sér., 8 (1890), sect. ii : 93–108. Les comptes rendus de Sangster, Haliburton et Johnson sur les écrits de Mair ont paru respectivement dans le Times (Ottawa), 10 févr. 1869, l’Evening Reporter and Tri-Weekly Times (Halifax), 13 juill. 1869, et le World (Toronto), 22 mars 1892. Le Globe a fait la critique de Tecumseh le 20 févr. 1886.
On trouve des indications utiles sur l’idéologie, les écrits et la carrière de Mair dans : C. C. Berger, The sense of power ; studies in the ideas of Canadian imperialism, 1867–1914 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970) ; Leslie Monkman, « Charles Mair », dans Profiles in Canadian literature, J. M. Heath, édit. (6 vol., Toronto, 1980–1991), 5 : 49–56 ; Fred Cogswell, « Charles Mair », dans Canadian writers and their works, Robert Lecker et al., édit., introd. par George Woodcock (24 vol. en 2 sér., Toronto, 1983–1996), sér. poésie, 1 (1988) : 119–155 ; Leslie Monkman, A native heritage : images of the Indian in English-Canadian literature (Toronto, 1981) ; et dans l’introduction de D. W. Leonard et Brian Calliou au volume de Mair, Through the Mackenzie basin : an account of the signing of Treaty No. 8 and the scrip commission, 1899 (Edmonton, 1999).
David Latham, « MAIR, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mair_charles_15F.html.
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Auteur de l'article: | David Latham |
Titre de l'article: | MAIR, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |