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FOSTER, WILLIAM ALEXANDER, barrister et essayiste, né le 16 juillet 1840 à Toronto, fils de James Foster et de Mary Morrison ; en 1877, il épousa Margaret, fille de John George Bowes* ; décédé le 1er novembre 1888 à Toronto, laissant deux enfants.
William Alexander Foster demeure un personnage quelque peu énigmatique de l’histoire du Canada, bien que, selon plusieurs de ses contemporains et quelques historiens modernes, il fût un homme doué de vastes capacités intellectuelles, dont les idées politiques ont contribué à la définition du nationalisme libéral au Canada. Il fit ses études à la Toronto Academy puis à l’University of Toronto où il reçut un baccalauréat en droit en 1860. Après avoir été stagiaire auprès d’Adam Wilson*, il fut admis au barreau en 1861. Six ans plus tard, Foster s’associa à Caleb E. English et, en 1870, John Roaf, conseiller de la reine, entra dans leur cabinet. L’année suivante, Foster devint l’associé de Thomas Moss et de Featherston Osler*, et, de 1872 à 1875, il travailla avec eux dans le cabinet d’avocats Harrison, Osler and Moss. Foster consacrait également beaucoup d’efforts à ses fonctions de membre du « sénat » de l’University of Toronto. Il écrivit des articles pour deux journaux de Londres, la Westminster Review et le Times, ainsi que pour plusieurs autres à Toronto, le Daily Telegraph, la Canadian Monthly and National Review, le Grumbler et le Monetary Times, créé en 1867, dont il fut membre fondateur et rédacteur en chef.
On associe ordinairement le nom de Foster au mouvement Canada First. Défendant avec un patriotisme ostentatoire la pureté politique à la suite du scandale du Pacifique en 1874, l’intérêt national et l’égalité au sein de l’Empire britannique après les négociations qui aboutirent au traité de Washington en 1871, de même qu’une interprétation spécifiquement canadienne de l’histoire et du caractère national des Canadiens pendant les premières années de la Confédération, le mouvement Canada First paraissait marquer l’arrivée de jeunes intellectuels libéraux raffinés sur la scène politique canadienne en pleine effervescence. Mais le mouvement public était né de l’activité secrète, voire même illicite, d’un groupe de jeunes gens qui, contrairement aux aspirations et aux déclarations plus modérées du mouvement Canada First, avaient participé à la réaction hystérique de l’Ontario lors de la rébellion menée par Louis Riel à la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) en 1869–1870.
Foster et quatre ou cinq de ses amis s’étaient fait un idéal de la perception qu’avait Thomas D’Arcy McGee* d’une nouvelle nationalité canadienne, telle qu’en témoignent ses écrits et sa prise de position en politique à partir de la fin des années 1850 jusqu’à sa mort en 1868, et ils convinrent de consacrer leurs efforts collectivement ou individuellement à promouvoir les buts de la Confédération. Le groupe comprenait Henry James Morgan*, Charles Mair*, George Taylor Denison* III et Robert Grant Haliburton*. Chacun d’eux avait un intérêt particulier : Morgan, biographe, réunissait des faits concernant les hommes publics canadiens éminents ; Mair, poète, était un passionné de la littérature canadienne ; Denison, avocat et officier de cavalerie, écrivait beaucoup sur la défense nationale ; Haliburton, essayiste et homme d’affaires de la Nouvelle-Écosse, s’intéressait à l’influence de l’environnement sur le développement du caractère national ; Foster avait beaucoup écrit, et avec perspicacité, sur les antécédents et les objectifs économiques de la Confédération. Dans deux articles fort convaincants rédigés pour la Westminster Review en 1865 et en 1866, il soutenait que la cohésion et l’interdépendance politiques et économiques qu’imposait la géographie aux colonies britanniques en Amérique du Nord allaient, par suite de la croissance de la population, garantir leur indépendance comme nation, malgré la présence de la Grande-Bretagne – qui allait d’ailleurs en déclinant – et malgré la nécessité de poursuivre une coopération économique avec les États-Unis.
Le groupe des « cinq vieux de la suite du coin » (allusion à la suite de Morgan dans un hôtel d’Ottawa) se réunit dans la capitale nationale au cours du printemps de 1868. Haliburton se trouvait à Ottawa pour discuter avec McGee de la politique gouvernementale à l’égard de l’industrie houillère de la Nouvelle-Écosse. Denison y faisait des démarches pour obtenir le poste d’adjudant général adjoint de la cavalerie. Mair y accomplissait des travaux de recherche pour le gouvernement en rapport avec l’annexion des terres de la Hudson’s Bay Company dans le Nord-Ouest. Morgan, fonctionnaire de carrière, présenta les Torontois Foster et Denison à Mair et Haliburton, et les cinq devinrent de fidèles amis qui partageaient un même intérêt, non seulement pour les grandes questions politiques de l’heure, mais aussi pour l’activité plus frivole de jeunes étudiants en liberté dans une ville étrangère. « Des soubrettes [...] des orgies ! Oh là là ! » Foster protesta lorsque, plus tard, on lui rappela leurs intérêts éclectiques. Toutefois, ce qui cimenta vraiment leur amitié, fut leur préoccupation à tous de voir le Canada se développer comme nation et acquérir une vie nationale définie en fonction des attributs du nationalisme, en particulier l’identité nationale. En ce qui concerne ces questions, ils s’inspirèrent de la vision romantique qu’avait McGee d’une nouvelle nationalité destinée à concurrencer à la fois le voisin du sud et la mère patrie britannique, grâce à la supériorité de la fibre morale et de la vigueur intellectuelle chez les jeunes Canadiens.
Le programme officieux de conférences et d’essais parrainé par le groupe fut remplacé par une action plus directe lorsque les habitants de la région de la Rivière-Rouge s’opposèrent à l’annexion unilatérale de Rupert’s Land au dominion en 1869. Mair, qui à cette époque travaillait en qualité de comptable et de trésorier au sein d’une équipe d’arpenteurs du gouvernement canadien à la Rivière-Rouge, réussit à échapper aux Métis et, avec le docteur John Christian Schultz*, chef du « parti canadien » à la Rivière-Rouge, parvint à rentrer à Toronto. Foster et Denison, qui n’avaient cessé de correspondre avec Mair, avaient ajouté de nouveaux membres au groupe, créant les « Douze Apôtres ». Ils organisèrent les séances publiques et diffusèrent une grande partie de la propagande qui, en Ontario, présentèrent Mair et Schultz comme des héros et vilipendèrent les Métis qui avaient exécuté Thomas Scott*, les décrivant comme les reliques d’une société médiévale dont les valeurs étaient opposées et hostiles aux buts de la Confédération. Le rôle de Foster au cours de ces événements n’est pas parfaitement clair, mais certains documents laissent croire que de concert avec George Roden Kingsmill, rédacteur en chef du Daily Telegraph et membre des Douze Apôtres, il rédigea les éditoriaux qui, dans ce journal, annoncèrent la mort de Scott aux Torontois et exigèrent que le gouvernement prenne des mesures fermes et intransigeantes à l’égard des « quelques centaines de sales, ignorants [et] misérables sang-mêlé » qui avaient défié les autorités canadiennes. En réalité, les Apôtres défendaient les prétentions du Haut-Canada voulant que le Manitoba constitue le prolongement de l’Ontario et que l’un des buts de la Confédération soit d’assurer la réalisation des ambitions territoriales de l’Ontario. Pour appuyer cette défense, les Apôtres fondèrent la North West Emigration Aid Society à l’été de 1870. En apparence, la société avait pour but de renseigner les immigrants éventuels sur le climat, la topographie et le potentiel agricole du Manitoba, la possibilité d’obtenir des terres, l’organisation du voyage et les effets personnels à apporter. De fait, la société publia une brochure, qu’on pouvait se procurer sur demande, dont le contenu technique camouflait à peine le véritable but de la société, soit de favoriser l’invasion pacifique du Manitoba par les colons anglophones, afin de submerger rapidement la population métisse. Faute de preuve, on ignore si les efforts de la société furent fructueux. De toute façon, les événements amenèrent bientôt les Apôtres à concentrer leur attention sur une autre crise de nationalisme.
En 1871, la crise du Manitoba fut reléguée au second plan par les circonstances qui entourèrent les négociations du traité de Washington. La Grande-Bretagne, désireuse de consolider ses relations avec les États-Unis pour contrer l’animosité suscitée par la guerre de Sécession, força le gouvernement canadien à accepter un traité qui nuisait à ses intérêts. Foster riposta dans une brochure intitulée Canada First ; or, our new nationality, an address. Il soutenait que les relations au sein de l’Empire devaient être redéfinies en fonction de l’égalité entre les nations. D’après lui, cette réforme en présupposait deux autres. D’une part, les Canadiens devaient adopter leur nouvelle nationalité avec un patriotisme qui démontrait clairement que la fierté nationale avait remplacé le sentiment d’infériorité coloniale et que le sentiment national canadien revêtait une forme et une substance qui le distinguaient des autres formes de loyauté coloniale. D’autre part, la Grande-Bretagne devait reconnaître l’existence de ces sentiments et leur réalité dans les faits, avant que l’état de dépendance soit remplacé par l’égalité. Selon Foster, le processus de développement d’un sentiment national allait être lent, à cause des diversités raciales, religieuses et politiques qui étaient loin de favoriser l’unité et l’harmonie. Mais il maintenait, d’après une idée empruntée à Haliburton, qu’une nationalité commune émergerait inévitablement du fait que les Canadiens vivaient tous dans un environnement nordique, ce qui allait faire d’eux les « hommes du nord du Nouveau Monde ».
Les sentiments patriotiques exprimés dans la brochure de Foster ainsi que le titre devinrent les mots d’ordre d’un mouvement politique officiel qui vit le jour à Toronto à la suite du scandale du Pacifique. Un groupe d’activistes politiques mené par Foster et Goldwin Smith* et comptant parmi ses membres plusieurs anciens Apôtres décida de mettre à l’épreuve l’idée de lancer dans l’arène politique canadienne un nouveau parti apparemment plus « nationaliste » que les anciens, accusés de ne veiller qu’à leurs propres intérêts. Smith devait être le candidat du parti Canada First à l’élection partielle tenue dans la circonscription de Toronto West en décembre 1873, mais il se trouvait en Angleterre au moment de l’assemblée pour la désignation des candidats ; les membres du parti Canada First appuyèrent le candidat libéral, Thomas Moss, l’associé de Foster dans son cabinet d’avocats, et Moss remporta la victoire.
Par la suite, le parti Canada First fut amplement ridiculisé par la presse nationale ; aussi Foster s’imposa-t-il la tâche d’établir le parti sur une base solide en créant en 1874 la Canadian National Association, avec son propre bureau central, le National Club, et son propre journal, la Nation. Il se chargea aussi de rédiger le manifeste de l’association. Ce programme, constitué de 11 points qui se rapportaient à la réforme politique, au développement économique et aux relations extérieures, semblait annoncer par certains aspects la future Politique nationale de sir John Alexander Macdonald*. Par exemple, le manifeste réclamait une politique nationale de droits protecteurs, pour stimuler la croissance industrielle, et la création d’un système de concession de terres gratuites à même le domaine public, en vue d’encourager l’immigration. L’association réclamait également l’introduction du scrutin secret, annonçant ainsi l’une des importantes réformes politiques du premier ministre Alexander Mackenzie*. Elle prônait aussi la représentation au parlement des minorités politiques qui ne jouissaient pas de cet avantage, faute de pouvoir faire élire des porte-parole par le processus démocratique habituel. Cette idée allait faire son chemin, à la suite des mouvements de protestation des tiers partis au siècle suivant. Toutefois, le reste des articles du programme étaient soit banals, soit dénués de bon sens. Le vote obligatoire, la réorganisation du sénat, l’abolition du cens d’éligibilité pour les députés à la chambre des Communes et le droit de vote basé sur le revenu, tous ces points se voulaient des antidotes démocratiques libéraux contre un régime politique que les membres du parti Canada First considéraient trop susceptible de donner lieu à des abus de pouvoir et au favoritisme. Toutefois, l’association n’expliqua jamais comment elle se proposait d’accomplir ces réformes. Le onzième point du programme politique, soit l’« administration saine et économique des affaires publiques », avait nettement pour but de différencier la nouvelle association des vieux partis, manifestement corrompus, en particulier les libéraux-conservateurs. Mais ce fut cet article plus que tout autre qui exposa le programme politique aux railleries répétées de la presse partisane, qui signala à juste titre que l’honnêteté, l’économie et le patriotisme faisaient partie du répertoire de tous les hommes politiques et qu’un parti qui s’attribuait le monopole de ces vertus révélait sa naïveté en politique.
Au grand dam de Foster, le programme politique de la Canadian National Association attira l’attention, mais non dans les milieux visés. Les journaux le taillèrent en pièces et, pire encore, Edward Blake*, le théoricien du parti libéral, adopta et embellit publiquement quelques positions de l’association lors d’un discours qu’il prononça à Aurora en octobre 1874, laissant le mouvement sans programme politique ni base électorale. La Nation cessa de paraître en 1876, et des réunions sociales remplacèrent bientôt l’activité politique du National Club. Après l’effondrement du mouvement Canada First, Foster retourna à la pratique du droit. D’abord seul, il s’associa en 1877 avec James B. Clarke, et en 1882 son beau-frère, Robert H. Bowes, entra dans leur cabinet. Foster fut nommé conseiller de la reine le 26 octobre 1885.
La mort de Foster en 1888 marqua le début du débat sur l’importance du mouvement Canada First. Schultz, Denison, Mair, Haliburton et Morgan en évaluèrent l’importance ainsi que la participation de Foster d’après la phase secrète, agressivement nationaliste, de l’activité des Apôtres avant 1873. Goldwin Smith et les derniers adhérents au parti firent l’éloge de Foster, le voyant comme l’« esprit stimulateur » d’un mouvement intellectuel qui avait pris l’engagement « d’élever le caractère d’une nation » grâce à ses nobles principes de nationalisme libéral. Jusqu’à récemment, cette dernière interprétation a prédominé chez les historiens, reflétant peut-être une préoccupation intellectuelle pour la recherche d’une identité canadienne. Dans cette recherche, la Canadian National Association est apparue comme un phare sur des horizons inconnus. Canada First a aussi été perçu comme étant un véritable mouvement de tiers parti. Toutefois, le consensus actuel veut que ses membres aient été des « impérialistes » canadiens, dont les actions et les attitudes reflétaient les espoirs et les frustrations que suscitait la recherche nationale du pouvoir, du statut et de la sécurité, recherche inhérente au processus de la Confédération mais enracinée dans toute l’histoire canadienne.
Parmi tous les hommes associés au mouvement Canada First, Foster fut la personnalité la moins publique et peut-être l’esprit le plus original. Il est connu presque uniquement d’après les essais qu’il a publiés et qui révèlent un commentateur perspicace dont la clarté, la lucidité et le jugement étaient fréquemment obscurcis par des allusions vagues et exagérément romantiques aux possibilités politiques d’un volksgeist national.
Les essais de William Alexander Foster se retrouvent dans Canada First : a memorial of the late William A. Foster, Q.C., introd. par Goldwin Smith (Toronto, 1890). Ce volume comprend de plus son Canada First ; or, our new nationality, an address, d’abord publié en 1871 à Toronto.
AO, MU 1058.— APC, MG 29, D61 ; E29.— « Canada First movement ; scrapbook of clippings relating to that movement and to its founder and leader William Alexander Foster » (projet de mfm de l’Assoc. des bibliothèques canadiennes, 1956).— MTL, Denison family papers.— QUA, Charles Mair papers.— Daily Telegraph (Toronto), 4–11 avril 1870.— Globe, 2 nov. 1888.— Commemorative biog. record, county York.— C. [C.] Berger, The sense of power ; studies in the ideas of Canadian imperialism, 1867–1914 (Toronto et Buffalo, N. Y., 1970).— G. T. Denison, The struggle for imperial unity : recollections & experiences (Toronto et Londres, 1909).— D. P. Gagan, The Denison family of Toronto, 1792–1925 (Toronto, 1973).— [F.] N. Shrive, Charles Mair, literary nationalist (Toronto, 1965).— F. H. Underhill, The image of confederation (Toronto, 1964 ; réimpr., 1967, 1973).— W. S. Wallace, The growth of Canadian national feeling (Toronto, 1927).— D. P. Gagan, « The relevance of « Canada First », Rev. d’études canadiennes, 5 (1970), no 4 : 36–44.— G. M. Hougham, « Canada First : a minor party in microcosm », Canadian Journal of Economics and Political Science (Toronto), 19 (1953) :174–184.
David Gagan, « FOSTER, WILLIAM ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/foster_william_alexander_11F.html.
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Auteur de l'article: | David Gagan |
Titre de l'article: | FOSTER, WILLIAM ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |