LONGWORTH, JOHN, avocat, agent des terres, homme politique et juge, né le 19 septembre 1814 à Charlottetown, quatrième fils de Francis Longworth* et d’Agnes Auld ; le 31 août 1847, il épousa Elizabeth White Tremaine, et ils eurent six enfants ; décédé le 11 avril 1885 à Charlottetown.
Né dans une riche famille anglicane, John Longworth fréquenta l’école secondaire d’Alexander Brown à Charlottetown, puis étudia le droit sous la direction du procureur général Robert Hodgson*. Admis à titre d’attorney à la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard en octobre 1837, il devint notaire et ouvrit sa propre étude à Charlottetown l’année suivante. En tant qu’agent des terres, il se bâtit bientôt une réputation de rédacteur des actes translatifs de propriété. Il fut aussi agent de différentes sociétés d’assurances britanniques et américaines. Au milieu des années 1840, il se révélait, de par sa naissance et sa compétence, un citoyen d’avenir dans la société de Charlottetown.
En 1846, Longworth remporta un siège à la chambre d’Assemblée de l’île. Contrairement à la circonscription de Charlottetown représentée par son frère Francis, celle de John Longworth, à caractère rural, située dans le deuxième district du comté de Queens, ne pouvait être garantie par l’oligarchie ou Family Compact de Charlottetown. C’est ainsi que, même élu député conservateur, Longworth sentait qu’à titre de représentant de cultivateurs à bail dans une circonscription rurale il ne pouvait se permettre de donner un appui inconditionnel à un parti dominé par une classe de citadins doublés de propriétaires. Les tensions inhérentes à cette situation rendirent difficile sa position à l’Assemblée, particulièrement pendant les débats sur le gouvernement responsable en 1847 et 1849.
À l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement responsable était moins un principe politique qu’un moyen de faire valoir les droits des francs-tenanciers et des cultivateurs à bail contre les propriétaires absentéistes et l’oligarchie locale. La méthode précise par laquelle le but devait être atteint demeurait mal définie, mais le problème se résuma à la longue à la question de savoir si le Conseil exécutif était responsable finalement devant le lieutenant-gouverneur, en qualité de représentant de la couronne, ou devant l’Assemblée, à titre de représentant du peuple. Dans ce débat, Longworth occupa une position beaucoup plus modérée que celle de certains conservateurs extrémistes, y compris son frère Francis. Contrairement à ceux-ci, Longworth était disposé à accorder aux cultivateurs à bail une représentation plus grande à l’Assemblée, en augmentant le nombre des circonscriptions rurales. Il était prêt aussi à concéder à l’Assemblée le droit de choisir au moins quatre des neuf membres du Conseil exécutif. Cependant, il ne se montrait pas aussi enclin que les réformistes à voir le lieutenant-gouverneur devenir un instrument de l’Assemblée, et il voulait réserver à la couronne le droit de nommer et de maintenir au Conseil exécutif le trésorier, le secrétaire colonial et le procureur général, même si ces derniers ne pouvaient disposer de l’appui de la majorité à l’Assemblée. Longworth formula ses opinions dans une résolution présentée en 1847 à l’Assemblée et connue par la suite sous le nom d’amendement Longworth (souvent attribué par erreur à son frère). En tant que compromis, cet amendement séduisit assez pour valoir à Longworth plusieurs votes réformistes en 1847, et de nouveau en 1849, mais quand les réformistes comprirent le besoin pour l’Assemblée de dominer complètement le Conseil exécutif et que les conservateurs se durcirent dans leur opposition à un changement important, Longworth se retrouva seul assis entre deux chaises. D’autres qualifièrent ses propositions de « ni chair, ni poisson [...], [de] système bâtard ».
Longworth fut battu en 1850 lors de la victoire électorale massive des libéraux dirigés par George Coles*. On tenta par la suite de le gagner à la cause libérale. Lorsqu’en avril 1853 Coles eut besoin d’un avocat pour occuper le poste de solliciteur général, le procureur général Joseph Hensley* recommanda Longworth. Celui-ci accepta, mais seulement à condition que sa nomination ne fût pas considérée comme politique et qu’il ne siégeât pas au Conseil exécutif. Dans l’atmosphère partisane de l’époque, un tel arrangement ne pouvait durer et Longworth ne tarda pas à démissionner afin de se présenter comme candidat conservateur aux élections de juillet. Après s’être fait battre de nouveau, cette fois à plates coutures, il se retira temporairement de la politique. Son étude juridique était en train de se faire une excellente réputation ; Longworth occupait alors la charge de juge suppléant de la Cour de vice-amirauté ainsi que celles de maître en chancellerie (master) et d’interrogateur (examiner) de la Cour de la chancellerie. Il s’intéressait aussi de plus en plus à la vie commerciale de la colonie. En 1856, il fut choisi comme l’un des premiers administrateurs de la première banque de l’île, la Bank of Prince Edward Island, et il devint plus tard actionnaire, puis administrateur, de la Charlottetown Gas Light Company. Il aida aussi à créer l’institut des artisans local, fut l’un des membres du conseil d’administration de la Central Academy et membre actif de plusieurs associations religieuses.
En 1858, un renouveau conservateur permit à Longworth de reprendre le deuxième district du comté de Queens. Lorsque Edward Palmer forma un gouvernement tory en avril 1859, Longworth fut nommé au Conseil exécutif et y demeura jusqu’à ce que son parti et lui-même fussent défaits aux élections de 1867. Pendant les huit années qu’il passa au pouvoir, trois questions lui tinrent particulièrement à cœur : la réforme de l’enseignement, la confédération et le tarif douanier. Dans ces trois domaines il était motivé par le souci pratique du bien-être économique de l’île. En 1863, il parraina un projet de loi, adopté par la suite, visant à réduire de £15 la subvention gouvernementale à chaque district scolaire ; il soutenait que le système d’enseignement gratuit absorbait un exorbitant 38 p. cent du revenu annuel de £42 000 et que les parents s’intéresseraient plus activement aux écoles s’ils payaient directement pour assurer leur maintien. Le même souci d’économie fit de lui un adversaire de la réciprocité – et plus tard de l’union – avec les autres colonies de l’Amérique du Nord britannique. L’Île-du-Prince-Édouard étant une colonie agricole, Longworth ne pouvait voir aucun avantage à se joindre au Canada, dont les moyens agricoles illimités rendraient superflue la production de l’île. Le commerce américain était le complément naturel à l’agriculture de l’île, et Longworth travailla fort pour maintenir en vigueur le traité de réciprocité de 1854. Délégué à la convention de Detroit en 1865, il chercha à promouvoir le libre-échange avec les Américains et, après que l’Île-du-Prince-Édouard fut entrée dans la Confédération en 1873, il quitta l’aile fédérale du parti conservateur à cause de sa Politique nationale qui proposait un tarif douanier élevé.
En 1865, des émeutes se produisirent dans le comté de Queens, lorsque la nouvelle et radicale ligue des locataires (Tenant League) refusa le paiement des redevances aux propriétaires. Longworth avait compati au triste sort des locataires, dont un bon nombre habitaient sa circonscription, mais en tant que membre du gouvernement il ne pouvait trouver d’excuse à la violence. En 1866, il agit comme l’un des demandeurs contre les agitateurs et fut défait aux élections qui eurent lieu l’année suivante. Il ne se porta jamais plus candidat.
À part la politique, Longworth mena une vie publique active. Nommé conseiller de la reine en 1863, il joua un rôle dans beaucoup de causes importantes jugées à la Cour suprême de l’île, dont il devint protonotaire en 1883. Continuant de s’intéresser à l’éducation, il accéda en 1878 à la présidence du nouveau Charlottetown Board of School Trustees. Il servit aussi comme aide de camp de plusieurs lieutenants-gouverneurs entre 1863 et 1879. Ses dernières années furent gâchées par l’effondrement en 1882 de la Bank of Prince Edward Island, dont il avait assumé la présidence peu de temps auparavant. Le premier caissier (directeur général) avait donné de faux rapports sur les transactions de la banque et s’était enfui quand on avait découvert la fraude. En fin de compte, ce fut Longworth qui porta la responsabilité de l’effondrement. Il fut l’un des premiers parmi les administrateurs à prêter son aide à ceux qui avaient été le plus gravement touchés, mais le désastre ruina sa santé et son moral et hâta sa mort.
Orateur habile et intelligent, Longworth constitua un atout certain pour les conservateurs à l’Assemblée. Il ne prit pas part aux violentes controverses religieuses qui mirent aux prises William Henry Pope* et l’abbé Angus McDonald, et, parce qu’il sut conserver la correction modérée d’un gentleman, il évita l’opprobre d’être traité de partisan. Très respecté dans le milieu juridique, Longworth passa pour s’acquitter consciencieusement et correctement de son travail en tout temps.
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M. Brook Taylor, « LONGWORTH, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/longworth_john_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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Date de consultation: | 28 novembre 2024 |