HENSLEY, JOSEPH, avocat, fonctionnaire, homme politique et juge, né le 12 juin 1824 à Tottenham (Londres), fils de Charles Hensley et d’une prénommée Louisa Margaretta ; le 8 septembre 1853, il épousa à Charlottetown Frances Anne Dover Hodgson, et ils eurent quatre filles ; décédé le 11 mai 1894 à Clifton Springs, et inhumé à Charlottetown.

Deuxième fils d’une famille de dix enfants, Joseph Hensley fit ses études auprès d’un précepteur et à la Hackney Grammar School, dans le Middlesex. En 1841, à l’âge de 16 ans, il immigra avec sa famille à l’Île-du-Prince-Édouard. Son père, commandant de la marine à la retraite, s’introduisit rapidement dans le cercle plutôt restreint de la haute société de l’île. Il fonda un domaine appelé Newlands, dans Charlottetown Royalty, et s’occupa de propriétés foncières et d’affaires. En 1842, le lieutenant-gouverneur sir Henry Vere Huntley*, qui cherchait à se créer une suite de partisans, le nomma au Conseil législatif de la colonie. La même année, le jeune Joseph commença à étudier le droit auprès de Robert Hodgson*, membre clé du family compact local, procureur général et président du Conseil législatif. Admis au barreau le 6 janvier 1847, il épousa six ans plus tard la fille unique de Hodgson. En 1857, il fut nommé conseiller de la reine.

À maints égards, Hensley, anglican pieux d’un rang social élevé qui avait des relations importantes au sein de la hiérarchie ecclésiastique de l’endroit, semblait destiné à devenir lui-même membre du family compact. Pourtant, quand il entra sur la scène politique, il décida de tenter sa chance avec le parti réformiste, ancêtre du parti libéral, dirigé par un homme d’affaires autodidacte, George Coles*. En 1851, après l’obtention du gouvernement responsable, il devint greffier en loi de la chambre d’Assemblée puis, à l’automne, solliciteur général, bien qu’il n’occupât aucun siège au Conseil législatif ou à l’Assemblée. Au cours de la session de 1853, les tentatives de Coles en vue de remplacer les honoraires des fonctionnaires par des salaires fixes provoquèrent une scission au sein du cabinet réformiste ; c’est dans ce contexte que Hensley devint procureur général en avril et entra au Conseil exécutif. Candidat à l’Assemblée dans la circonscription de Georgetown and Royalty, il fut défait aux élections suivantes, et les réformistes formèrent un gouvernement minoritaire. Mais en décembre 1853, Coles, qui ne s’était pas laissé décourager, fit nommer Hensley au Conseil législatif, où il rejoignait son père.

Minoritaire à la chambre d’Assemblée, le gouvernement de Coles dut démissionner au début de 1854 pour laisser place aux conservateurs. Paralysé par la majorité libérale au Conseil législatif et par les sympathies réformistes du lieutenant-gouverneur sir Alexander Bannerman*, le gouvernement d’Edward Palmer* et de John Myrie Holl* éprouvait de plus en plus de difficultés. Invoquant la nécessité de faire en sorte que la chambre soit représentative d’un électorat plus nombreux depuis l’adoption du Franchise Act de 1853, Bannerman prononça la dissolution de l’Assemblée après seulement une séance et, aux élections suivantes de juin 1854, les réformistes purent regagner leur majorité.

Au cours du deuxième mandat de Coles, Hensley retrouva son poste de procureur général, qu’il occupa de juillet 1854 à juillet 1858. Sans être aussi en vue que Coles ou que James Warburton, il joua néanmoins un rôle important dans les diverses réformes que le gouvernement appliqua. Les amères batailles électorales de juin 1858 et de mars 1859, au cours desquelles la place de la religion dans le système d’enseignement gratuit de la colonie serait le principal enjeu, allaient cependant placer le gouvernement de Coles dans une impasse et lui faire perdre le pouvoir. Hensley avait quitté le Conseil législatif en mai 1858 pour se porter candidat à l’Assemblée dans le 3e district de Kings, sachant bien qu’il ne pourrait pas y retrouver son poste s’il était défait. Or, ce fut le cas et, quand on annonça d’autres élections générales au mois de mars suivant, il décida de ne pas poser sa candidature.

Devant la nécessité de trouver une solution à la question des terres, qui hantait la politique de l’Île-du-Prince-Édouard depuis des générations, le nouveau gouvernement tory créa en 1860 une commission chargée d’étudier les problèmes soulevés par le régime de tenure à bail appliqué dans l’île ; il y nomma Hensley ainsi que l’avocat Samuel Robert Thomson* du Nouveau-Brunswick à titre de représentants des locataires. Dans le rapport qu’ils déposèrent en 1861 et que le gouvernement britannique rejeta plus tard, les commissaires préconisaient le remplacement de la tenure à bail par la propriété foncière libre, et ce, soit par l’arbitrage obligatoire entre propriétaire et locataire, soit par le transfert des terres au gouvernement de l’île qui les achèterait grâce à un prêt garanti par le gouvernement impérial. Quoiqu’il ait joué un rôle moins important que celui de Thomson durant tout le débat, Hensley passa toujours, aux yeux des témoins, pour l’un des rares avocats de la colonie ayant la confiance des locataires, et il semble que sa carrière politique en ait profité.

Hensley revint à la politique pour l’élection partielle de mars 1861 et l’emporta dans une circonscription massivement libérale, le 1er district de Kings. Il conserva son siège aux élections générales de janvier 1863, mais les libéraux furent défaits une fois de plus sur la question antipapiste. Quatre ans plus tard cependant, en février 1867, les libéraux remportaient l’élection haut la main. Réélu, Hensley redevint procureur général dans le gouvernement de Coles. Beaucoup de figures de proue libérales des années 1850 étaient disparues de la scène politique, dont James Warburton et Edward Whelan* ; il se hissa donc à une place de choix dans le nouveau gouvernement. L’effondrement progressif des facultés mentales de Coles l’amena à assumer de plus en plus le fardeau du leadership et, à la session de 1868, Hensley exerçait déjà de fait les fonctions de chef du gouvernement à la chambre d’Assemblée. En cette qualité, il contribua à faire adopter un nouveau projet de loi sur l’éducation, qui rétablissait le principe de l’enseignement gratuit, et détourna les attaques de l’opposition qui cherchait à diviser le parti libéral sur la question des subventions gouvernementales aux écoles catholiques. Le système des écoles séparées, disait-il, était inapplicable. L’état de santé de Coles continua à s’aggraver et, en août 1868, Hensley devint officiellement président du Conseil exécutif et chef du gouvernement.

En tant que chef libéral, Hensley défendit les mêmes positions que son prédécesseur : il s’opposa à l’entrée de l’île dans la Confédération, continua à invoquer le Land Purchase Act de 1853 pour racheter leurs terres aux propriétaires désireux de vendre et pressa le gouvernement britannique de garantir un prêt suffisant pour terminer le démantèlement du régime de tenure à bail. Il chercha aussi, à une époque d’extrêmes tensions religieuses, à réconcilier les éléments catholiques et protestants de son parti, et si la brève période pendant laquelle il fut premier ministre parut relativement calme, la tension montait néanmoins chez les libéraux entre partisans et adversaires des écoles confessionnelles. Le 18 juin 1869, soit moins d’un an après être devenu premier ministre, Hensley accepta » charge de juge adjoint de la Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard et de vice-chancelier de la Cour de la chancellerie, poste institué pendant sa dernière session à l’Assemblée. Discrètement, il quitta la scène politique, et Robert Poore Haythorne lui succéda comme premier ministre. Dix-huit mois plus tard, le gouvernement libéral n’existait plus.

Bien installé à ses nouveaux postes de distinction, Hensley remplit ses fonctions judiciaires avec compétence et impartialité durant encore 25 ans. En 1869, en qualité de procureur général, il avait été l’accusateur dans le procès pour meurtre de George Dowie, dont l’exécution fut la dernière pendaison publique à l’Île-du-Prince-Édouard. Il devait présider, à titre de juge, un autre procès sensationnel en 1888, celui du présumé meurtrier William Millman. En 1881, la faillite de la Bank of Prince Edward Island, dont il était président, souleva une controverse à propos de ses activités commerciales, mais comme il était en Angleterre pour des raisons de santé au moment de la crise, Hensley fut délié de toute responsabilité dans cette affaire. D’une manière générale, après son retrait de la politique, sa carrière se déroula sans incident. Il mourut en 1894, de ce qu’on appela une « inflammation du cerveau ».

Dans les notices nécrologiques consacrées à Joseph Hensley, on vanta sa « grande modération et sa très rigoureuse intégrité ». L’Examiner, journal conservateur de Charlottetown, écrivit : « Ses intentions étaient pures [...] Il ne fut jamais un partisan extrême ni un défenseur très ardent. » C’était là une qualité rare à une époque de sectarisme déchaîné et de violents combats politiques. Il semble ironique, alors, que sa modération même et son manque de « chaleur », ajoutés à la brièveté de sa carrière de premier ministre, aient presque rayé le nom de Hensley de l’histoire de l’Île-du-Prince-Édouard.

G. Edward MacDonald

PAPEI, Acc. 2694 ; Acc. 2849/239–240 ; RG 1, 5 : 42–43, 137, 207 ; RG 5, minutes, 1851 ; 1853–1854, particulièrement 21 avril 1853 ; 1867–1869, particulièrement 14 mars 1867, 9 janv., 20 août 1868, 6 févr., 18 juin 1869.— P.E.I, Museum, Geneal. files.— PRO, CO 226/79, Bannerman à Grey, 12 sept. 1851 ; 226/89, Daly à Stanley, 26 juin 1858 ; CO 227/9, Grey à Bannerman, 21 oct. 1851 ; Newcastle à Bannerman, 8 juill., 12 août 1853, 23 janv., 4 févr., 4 sept. 1854.— Supreme Court of Prince Edward Island (Charlottetown), Estates Division, liber 13 : fo 543.— Abstract of the proceedings before the Land Commissioners’ Court, held during the summer of 1860, to inquire into the differences relative to the rights of landowners and tenants in Prince Edward Island, J. D. Gordon et David Laird, rapporteurs (Charlottetown, 1862).— Î.-P.-É, House of Assembly, Debates and proc., 1861–1869 ; Journal, 1861, particulièrement 14 mars ; Législative Council, Debates and proc., 1856–1858 ; Journal, 1853, particulièrement 13 déc. ; 1854–1858.— Daily Examiner (Charlottetown), 12 mai 1894.— Examiner (Charlottetown), 1851–1869, particulièrement 24 mai, 5 juill. 1858, 18 mars 1861, 5 janv. 1863, 21 nov. 1864, 4 févr. 1867.— Island Argus (Charlottetown), 2 mars 1875.— Islander, 8 janv. 1847, 1er, 22 juill., 9 sept. 1853, 21 sept. 1855, 10 avril 1857, 11, 25 juin 1869.— Patriot (Charlottetown), 19 juin 1869, 11–12, 18–19 mai 1894.— Royal Gazette (Charlottetown), 25 mai 1841.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— P.E.I. directory, 1864.— I. R. Robertson, « Religion, politics, and education in P.E.I. ».— D. O. Baldwin et Helen Gill, « The Island’s first bank », Island Magazine (Charlottetown), no 14 (automne–hiver 1983) : 8–13.

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G. Edward MacDonald, « HENSLEY, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hensley_joseph_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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