LEROUX, LAURENT, trafiquant de fourrures, homme d’affaires, juge de paix, officier de milice, fonctionnaire et homme politique, né le 17 novembre 1759 à L’Assomption (Québec), fils de Germain Leroux d’Esneval et de Marie-Catherine Vallée, veuve de Pierre Beaudin ; avant 1789, il épousa à la façon du pays, dans la région de l’Athabasca, une Amérindienne de la nation des Sauteux, et ils eurent au moins quatre filles, puis, le 20 juin 1796, il épousa à L’Assomption Marie-Esther Loisel, et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 26 mai 1855 à cet endroit.

Laurent Leroux était le fils d’un négociant d’origine parisienne venu en Nouvelle-France comme soldat pendant la guerre de Succession d’Autriche, puis établi à L’Assomption, vraisemblablement en 1759, où il figurait parmi les habitants les mieux nantis. Laurent reçut une certaine instruction car, en juillet 1776, il connaissait suffisamment la lecture, l’écriture et la tenue de livres pour être engagé par le marchand montréalais Pierre-Louis Chaboillez, à titre de commis à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan). En 1784, il était devenu commis pour le compte de la Gregory, MacLeod and Company [V. John Gregory* ; Normand MacLeod*], entreprise établie depuis peu pour faire le commerce des fourrures principalement à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Toutefois, à l’instigation des trafiquants Peter Pangman* et Peter Pond*, cette firme orienta bientôt ses activités de traite vers le Nord-Ouest et devint la principale concurrente de la North West Company. À l’automne de 1786, sur les ordres de John Ross, son supérieur, Leroux établit au nom de la Gregory, MacLeod and Company un poste de traite sur la rive sud du Grand lac des Esclaves (Territoires du Nord-Ouest), en même temps que Cuthbert Grant* en érigeait un, contigu au sien, pour le compte de la North West Company. La compétition entre les deux groupes devint si vive qu’elle aboutit en 1787 au meurtre de Ross. Cet événement funeste provoqua à l’été de la même année l’intégration de la Gregory, MacLeod and Company au sein de sa rivale dans le but de mettre un terme à cette concurrence.

Leroux resta au Grand lac des Esclaves, malgré la décision de la North West Company de fermer ce poste considéré comme non rentable par les associés. En mars 1789, il arriva au fort Chipewyan (Alberta) d’où il repartit au début de juin avec Alexander Mackenzie* qu’il accompagna durant une partie du trajet qui devait conduire celui-ci jusqu’à l’océan Arctique. Ils se séparèrent au Grand lac des Esclaves, puis Leroux se rendit plus au nord-ouest faire la traite au lac la Martre, avant de revenir sur ses pas pour rencontrer, comme convenu, Mackenzie sur le chemin du retour. C’était à la fin d’août 1789, et il fut décidé que Leroux hivernerait dans la région du Grand lac des Esclaves. Il fonda le fort Providence (Old Fort Providence), dans la baie de Yellowknife. Au début de juin 1791, il était en route pour Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota) où, à l’été, il fut réengagé par la North West Company pour travailler dans le département de l’Athabasca pendant cinq ans, à raison de £100 par année.

Cependant, Leroux quitta définitivement l’Athabasca plus tôt que prévu. Après le décès de son père en juillet 1792, il décida de revenir à L’Assomption prendre la succession des affaires du défunt. Il dut y arriver en 1794 ou en 1795 au plus tard car, à la mi-juin 1796, il y signa son contrat de mariage. Leroux ne coupa pas pour autant tout contact avec le monde du commerce des fourrures. Pendant un certain nombre d’années, il détint avec un autre marchand de L’Assomption, Jacques Trullier*, dit Lacombe, le monopole de la confection des ceintures fléchées utilisées par la North West Company pour la traite. De plus, entre 1801 et 1804, il recruta à quelques reprises des hommes pour le compte de la New North West Company (appelée parfois la XY Company) et pour l’une de ses constituantes, la Sir Alexander Mackenzie and Company. Ce fut d’ailleurs par son entremise que ses deux neveux, François-Antoine* et Joseph* Larocque, entrèrent au service de la New North West Company.

Leroux ne se limita pas non plus au seul commerce du blé et des victuailles de toutes sortes hérité de son père. En 1798, il entreprit de faire fabriquer de la potasse, produit encore peu exploité mais destiné à devenir, quelques années plus tard, un des principaux articles d’exportation du Bas-Canada. L’entreprise dut s’avérer lucrative car, en septembre 1806, il s’associa avec un autre important marchand, Pierre-Amable Archambault, pour fonder la fabrique de potasse de L’Assomption. Trois ans plus tard, Leroux diversifia encore davantage ses activités commerciales en vendant des articles de quincaillerie produits par la Compagnie des forges de Batiscan : chaudrons, marmites, bouilloires domestiques, appelées bombes, et surtout poêles en fonte alors très en vogue. Après la fermeture de cette compagnie vers 1812–1813, il s’approvisionna auprès d’autres fabricants.

Par ailleurs, dès la fin des années 1790, Leroux prit l’habitude de canaliser une partie de ses profits dans l’acquisition de biens fonciers. Avait-il pressenti l’important essor qu’allait connaître L’Assomption au début du xixe siècle, le nombre de chefs de famille y triplant entre 1800 et 1820 ? Quoi qu’il en soit, Leroux accumula un nombre impressionnant de propriétés, situées pour la plupart dans le village même, afin de les louer. Ce type de placement lui permit de combiner la sécurité du capital et un revenu fixe relativement intéressant. C’est probablement pour un motif similaire qu’il devint, en 1817, l’un des rares actionnaires canadiens-français de la nouvelle Banque de Montréal.

Sur le plan social, Leroux se cantonna dans un rôle plutôt effacé, n’occupant que des fonctions relativement peu prestigieuses. Il reçut une commission de juge de paix en 1803 et en 1810. Capitaine dans le bataillon de milice de L’Assomption, il assuma le poste d’aide-major pendant la guerre de 1812 et fut promu major en 1818. En avril 1825, il fut nommé trésorier d’un conseil formé pour établir et administrer une école élémentaire publique à L’Assomption. Le 30 août de l’année suivante, il devint commissaire chargé de la décision sommaire des petites causes dans la seigneurie Saint-Sulpice, conjointement avec Joseph-Édouard Faribault. Pendant le mois de septembre 1828, il siégea comme grand juré à la Cour du banc du roi du district de Montréal. Leroux tâta aussi de la politique. Le 25 août 1827, il devint l’un des deux députés de Leinster à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada où son gendre, Jean-Moïse Raymond*, représentait déjà la circonscription de Huntingdon depuis trois ans. À l’ouverture de la session, le 20 novembre suivant, Leroux appuya la candidature de Louis-Joseph Papineau* comme président de l’Assemblée. Le choix de ce dernier courrouça le gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay*], qui prorogea la législature deux jours plus tard. Les travaux parlementaires ne reprirent qu’en novembre 1828, mais Leroux n’y prit plus aucune part et, à l’expiration de son mandat de député, le 2 septembre 1830, il ne se représenta pas. Au demeurant, indifférent aux honneurs, Leroux préférait consacrer ses moments de loisir à la lecture d’ouvrages historiques et de récits de voyage plutôt qu’à rechercher l’admiration de ses semblables.

Laurent Leroux tint son commerce de quincaillerie jusqu’à sa mort, à l’âge de 95 ans. Premier homme blanc à avoir exploré le Grand lac des Esclaves, Leroux a su par la suite faire fructifier l’héritage paternel grâce à son flair pour des secteurs économiques appelés à se développer ainsi qu’à sa propension à prendre des risques calculés. À la fin de sa vie, il put à son tour transmettre à ses héritiers une importante fortune et – legs plutôt rare pour un marchand de cette époque – une riche bibliothèque.

Pierre Dufour

ANQ-M, CE5-14, 18 nov. 1759 ; CN1-313, 18 juin 1796 ; CN1-372, 13 juill. 1776 ; CN5–3, 3 juill. 1855.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Sér. O, 0521.— Canada, Parcs Canada, région de Québec (Québec), Compagnie des forges de Batiscan, reg. de lettres, août 1807–juill. 1812.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, nov. 1827 ; 1828–1829, app. R, EE ; 1830, app. N.— Docs. relating to NWC (Wallace).— « État général des billets d’ordonnances [...] », Pierre Panet, compil., ANQ Rapport, 1924–1925 : 229–359.— Journals of Samuel Hearne and Philip Turnor, J. B. Tyrrell, édit. (Toronto, 1934 ; réimpr., New York, 1968).— Alexander Mackenzie, The journals and letters of Sir Alexander Mackenzie, W. K. Lamb, édit. (Toronto, 1970).— Desjardins, Guide parl.Historic forts and trading posts of the French regime and of the English fur trading companies, Ernest Voorhis, compil. (copie ronéotypée, Ottawa, 1930).— A.-G. Morice, Dictionnaire historique des Canadiens et des Métis français de l’Ouest (Québec et Montréal, 1908).— Officers of British forces in Canada (Irving), 181.— Wallace, Macmillan dict.— Denison, la Première Banque au Canada, 1 : 103–104.— Anastase Forget, Histoire du collège de L’Assomption ; 1833 – un siècle – 1933 (Montréal, [1933]), 48–49.— Marcel Fournier, la Représentation parlementaire de la région de Joliette (Joliette, Québec, 1977), 20, 171.— Pierre Poulin, Légendes du Portage, Réjean Olivier, édit. (L’Assomption, Québec, 1975).— C. Roy, Hist. de L’Assomption.— Sulte, Mélanges hist. (Malchelosse), 3.— Ægidius Fauteux, « les Carnets d’un curieux : Germain Leroux ou l’art d’allonger son nom », la Patrie, 30 déc. 1933 : 36–37, 41.— J.-J. Lefebvre, « Jean-Moïse Raymond (1787–1843), premier député de Laprairie (1824–1838), natif du comté », BRH, 60 (1954) : 109–120.

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Pierre Dufour, « LEROUX, LAURENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leroux_laurent_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    28 novembre 2024