LEPROHON, JOSEPH-ONÉSIME, prêtre catholique, professeur et administrateur scolaire, né le 16 février 1789 à Montréal, fils aîné de Jean-Philippe Leprohon, marchand, et de Marguerite Parent ; décédé le 19 mai 1844 à Nicolet, Bas-Canada.
À sept ans, Joseph-Onésime Leprohon est fortement ébranlé par la mort de sa mère. Son père le place alors au collège Saint-Raphaël, qui deviendra le petit séminaire de Montréal en 1806. Malgré une santé chancelante, il fait ses études classiques et se distingue par le souci qu’il porte aux autres. Devenu ecclésiastique en 1809, il est immédiatement envoyé au séminaire de Nicolet à titre de régent et de professeur de syntaxe, de méthode et de rhétorique. Il manifeste un grand intérêt aux élèves et attire facilement leur estime et leur affection. Il poursuit en même temps ses études théologiques et il est ordonné prêtre le 6 février 1814. D’abord vicaire dans la paroisse Saint-Joseph, à Deschambault, puis transféré dans celle de Saint-Mathieu, à Belœil, il devient directeur du séminaire de Nicolet en 1816.
À l’arrivée de Leprohon, cette maison d’éducation est dans une situation délicate, résultat de cinq années de difficultés matérielles considérables et de pénibles dissentiments entre le supérieur Jean Raimbault et le directeur précédent, Paul-Loup Archambault*. C’est pourquoi l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis*, avait recherché un homme capable de bien prendre en main l’institution. Leprohon se révèle rapidement l’homme de la situation. Au début, cependant, il note certaines « préventions » contre lui, qui viennent du supérieur, des professeurs et des élèves ; elles sont accompagnées pendant quelques années de frictions avec sa famille – « des affaires mal rangées de [son] père et de [ses] frères » – et de reproches que lui fait son père pour avoir quitté la paroisse « où il [le] voyait pour sa consolation et peut-être pour sa ressource ». À celui-ci, comme à son évêque, à qui il se confie, Leprohon redit son attachement à la maison « pour laquelle [il a] sacrifié tous [ses] intérêts personnels ».
Le travail considérable que Leprohon abat l’aide à passer à travers ces difficultés. À l’instar de ses prédécesseurs, il apporte son aide au curé de Nicolet, Raimbault. Il dirige 175 à 200 pénitents et assiste le curé de son mieux : « pour les grandes messes, les baptêmes, les sépultures, la visite des malades la nuit et les sermons, je fais mon possible, pour répondre à ses désirs parce que ces fonctions m’éloignent moins de la Communauté ». Il est en outre directeur des ecclésiastiques et, presque jusqu’à la fin de son mandat, professeur de théologie. Il apporte aussi sa contribution à l’administration matérielle du séminaire, surtout avant la création du poste de procureur. C’est ainsi qu’il parcourt la région de Québec en 1825 dans le but de ramasser des fonds pour la construction du nouveau séminaire et qu’il a souvent son mot à dire pendant les travaux qui durent presque dix ans.
Leprohon fait sa marque d’abord comme directeur. Responsable du respect du règlement par les maîtres et les élèves, il exige la régularité et gouverne avec sévérité. Il tient, cependant, à ce que les évêques de Québec précisent certains points moins clairs et il essaie, notamment, de faire avancer le début des vacances d’été mais il se bute à un refus. Sous un extérieur austère, Leprohon se révèle bon, paternel, affectueux pour tous et il n’hésite pas, en certaines occasions, à prendre le parti de ses jeunes protégés. En 1836, par exemple, sur la foi de plaintes d’écoliers, il demande à Mgr Joseph Signay de conseiller au procureur du séminaire de bien nourrir son monde. Il s’efforce aussi de varier les loisirs des élèves : il les invite à cultiver des fleurs pour l’autel puis, écrit l’abbé Louis-Édouard Bois*, il « f[ait] tant et si bien qu’il obti[ent] aux écoliers d’abord un petit jardin, puis dans ce jardin, un petit parterre à chacun, puis, enfin, des prix annuels aux plus dévoués, aux plus constants, aux plus laborieux ». Il installe aussi un atelier de menuiserie, d’où sortent des œuvres notables comme, en 1836, une pyramide en treillis et des colonnes surmontées d’un globe faites par le futur évêque de Trois-Rivières, Louis-François Laflèche*.
Leprohon consacre autant de temps à sa fonction de préfet des études. Là aussi, il doit innover et composer avec des pénuries endémiques. Pour tirer le maximum d’un corps professoral peu formé et en continuel renouvellement, il s’efforce de l’équiper de manuels et de matériel didactique – en 1836, par exemple, il fait acheter par l’archevêque de Québec des instruments de physique que rapportera d’Europe l’abbé John Holmes* ; il enrichit la bibliothèque dont il contrôle lui-même les prêts ; il visite régulièrement les classes et donne des devoirs qu’il corrige ; il organise des séances de lecture de livres d’histoire à sa chambre ; il attache une attention spéciale à l’émulation et aux récompenses accordées aux meilleurs ; il conserve les cahiers de notes et les palmarès, compile les cahiers d’honneur où sont transcrits les meilleurs travaux, encourage les examens publics et les distributions solennelles des prix. C’est également au cours de son mandat que sont recrutés des professeurs en théologie et en philosophie. Tous ces efforts permettent au séminaire de Nicolet de se rapprocher des modèles que sont le petit séminaire de Québec et le petit séminaire de Montréal. Mais la double tâche de directeur et de préfet des études devient un handicap. À la fin des années 1830, plusieurs considèrent Leprohon comme dépassé, et sa conception des études vieillie et insuffisante. Mais il est tellement intégré à la maison et son dévouement a été si total que personne n’ose lui demander de quitter « son » séminaire.
La mort de Raimbault en 1841 règle le problème. Prévue depuis longtemps, la succession à la cure de Nicolet est offerte à Leprohon ; c’est une promotion logique et elle ne l’éloigne pas de l’œuvre de sa vie. Il accepte la nomination, tout en gardant la nostalgie du séminaire. Pendant plusieurs semaines, selon Charles Harper*, il « ne peut se décider à prendre son logis au presbytère [...] II s’y ennuie, s’y déplaît et ne fait que parler du Séminaire. » Graduellement, son nouveau poste l’accapare et il devient un bon curé, sur le modèle de son prédécesseur. Mais la maladie le guette ; au début de mai 1844, il souffre d’une inflammation des poumons et, le 19 mai, il meurt à l’âge de 55 ans.
Joseph-Onésime Leprohon est un bon exemple de ces administrateurs qui ont façonné l’âme des collèges classiques du Québec et qui ont laissé un souvenir impérissable à des générations de futurs hommes de profession et de prêtres. Joseph-Guillaume Barthe* a bien décrit le rôle que Leprohon a joué : « Ce martyr du devoir, ce modèle de dévouement, dont pas un de ceux qui ont passé sous sa main maternelle, (paternelle ne serait pas assez tendre), ne prononce le nom sans émotion ou sans transport. Il ne fut rien ici-bas qu’un instrument ignoré au dehors, mais vénéré comme un saint au dedans de cette maison, où il a élevé trois générations d’hommes [...] qui tous étaient fiers de se reconnaître comme de ses disciples. » On ne peut lui faire qu’un reproche, c’est d’avoir détruit lui-même beaucoup de ses documents et d’avoir, par testament, ordonné de brûler « tous les papiers, lettres, manuscrits et écritures qui se trouver[aient] en sa possession au jour et l’heure de son décès ».
Les ASN conservent, dans le fonds AP-G, des cours dispensés par Joseph-Onésime Leprohon et colligés par des élèves : « Traité abrégé de mythologie » (1809) ; « De la versification latine » (1810) ; « Cours de philosophie et physique » (vers 1810) ; « Epitome rhetorices » (1821) ; « Rhetorica » (s. d.).
AAQ, 515 CD.— ANQ-M, CE1-51, 16 févr. 1789.— ANQ-MBF, CE1-13, 21 mai 1844.— ASN, AO, Séminaire, Cahiers de comptes de bibliothèque, J.-O. Leprohon, 1833–1836 ; Fonds Leprohon, I : 44 ; Lettres des directeurs et autres à l’évêque de Québec, II-III.— Barthe, Souvenirs d’un demi-siècle.— [L.-É. Bois], Notice sur M. Jos O. Leprohon, archiprêtre, directeur du collège de Nicolet [...] (Québec, 1870).— Douville, Hist. du collège-séminaire de Nicolet.— Claude Lessard, le Séminaire de Nicolet, 1803–1969 (Trois-Rivières, Québec, 1980).
Nive Voisine, « LEPROHON, JOSEPH-ONÉSIME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leprohon_joseph_onesime_7F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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