GRANT, sir WILLIAM, avocat, officier de milice et fonctionnaire, né le 13 octobre 1752 à Elchies, Écosse, fils de James Grant, cultivateur et percepteur des douanes ; décédé célibataire le 23 mai 1832 à Dawlish, Angleterre.

William Grant fit d’abord des études à Elgin, en Écosse, puis au King’s Collège, à Aberdeen. Il étudia ensuite le droit romain pendant deux ans à l’université de Leyde, dans les Pays-Bas. Admis comme étudiant en droit à la Lincoln’s Inn de Londres le 30 janvier 1769, il fut reçu au barreau le 3 février 1774.

Grant arriva à Québec en 1775. Lors de l’invasion américaine survenue cette année-là [V. Benedict Arnold* ; Richard Montgomery*], il participa à la défense de la ville en prenant le commandement d’un corps de volontaires. Par suite du départ pour l’Angleterre du procureur général Henry Kneller* en 1775, Grant fut désigné pour assurer l’intérim ; le 10 mai 1776, le gouverneur Guy Carleton* le nomma officiellement à cette charge. Le pouvoir de nommer le procureur général appartenait toutefois à la couronne britannique. En conséquence, Carleton demanda à son lieutenant-gouverneur, Hector Theophilus Cramahé*, d’écrire à lord George Germain, secrétaire d’État aux Colonies américaines, pour recommander la nomination de Grant. Dans sa lettre du 18 août 1776, Cramahé souligna, à l’appui de la recommandation, les grandes qualités de Grant et sa connaissance de la langue et des lois françaises. Entre-temps, Germain avait choisi James Monk pour occuper la fonction de procureur général. Lorsqu’il apprit la nouvelle en mai 1777, Carleton ne put cacher son mécontentement, d’autant plus que le cas de Grant était, après celui du juge John Fraser, le deuxième du genre à survenir en peu de temps. Le 23 mai, il écrivit à Germain pour lui souligner qu’il avait « démis de leurs fonctions deux hommes de talent et de bon caractère ». Il ajoutait ensuite : « J’ai peine à croire, en pensant au sort réservé à ces gentlemen que je puisse même parler de récompenser ceux qui sont restés loyaux, sans avoir l’air de me moquer d’eux. À cet égard, vous pouvez être assuré que de telles choses provoqueront une grande exultation parmi les ennemis du roi. » Grant perdit donc son poste au profit de Monk.

Au cours de son bref mandat de procureur général, Grant avait rédigé trois ordonnances en vue de doter la province de sa première organisation judiciaire régulière depuis l’Acte de Québec : l’ordonnance qui établissait les cours civiles dans la province de Québec, et celle qui réglait la procédure dans les cours civiles, toutes deux adoptées le 25 février 1777, et l’ordonnance qui créait les cours criminelles, adoptée le 4 mars. Pour l’élaboration de ces ordonnances, Grant s’était inspiré d’un projet préparé par le juge en chef William Hey* avant son départ pour l’Angleterre en 1775.. En vertu de celles-ci, la province était divisée, comme avant l’Acte de Québec, en deux districts, celui de Québec et celui de Montréal.

L’organisation judiciaire en matière criminelle était peu modifiée ; seule la compétence très limitée des baillis passait aux capitaines de milice. Les juges de paix avaient toujours, en première instance, des pouvoirs importants qui découlaient beaucoup plus de leur commission que d’une ordonnance. La Cour du banc du roi conservait la pleine autorité pour juger tout procès en première instance. Enfin, la convocation de cours d’assises était de nouveau prévue.

L’organisation judiciaire en matière civile subissait, au contraire, des modifications majeures. La Cour du banc du roi perdait toute compétence dans ce domaine. La Cour des plaids communs de chaque district devenait le seul tribunal à exercer la pleine autorité pour juger, en première instance, tous les litiges relevant du droit civil. Les lois applicables étaient désormais les mêmes dans toutes les cours ; elles regroupaient les règles prescrites par l’Acte de Québec et les ordonnances du gouverneur et du Conseil législatif. Le champ de juridiction très limité des baillis disparaissait. La nomination de juges pour trancher les litiges de peu d’importance n’était plus prévue. En appel, les pouvoirs du gouverneur et du Conseil législatif étaient élargis. Il pouvait y avoir appel des jugements de la Cour des plaids communs de chaque district à la Cour d’appel, composée du gouverneur et des membres du Conseil législatif, dans les causes dont la valeur en litige excédait £10 (cours d’Angleterre), « dans celles concernant la perception ou la réclamation de droits payables à sa Majesté ou des honoraires d’office ou des rentes annuelles et dans toute autre cause ou litige où les droits futurs [pouvaient] être affectés ». Enfin, on pouvait en appeler des jugements de la Cour d’appel devant le Conseil privé de Londres dans les causes dont la valeur en litige excédait £500 (cours d’Angleterre) et dans les autres causes éligibles à un premier appel. Quant à la procédure civile, elle était mixte, c’est-à-dire en partie française et en partie anglaise. De plus, on introduisait les règles de preuve anglaises en matière commerciale.

Le 25 octobre 1778, Grant quitta Québec et retourna en Grande-Bretagne où il fit une carrière remarquable comme avocat, homme politique et juge. En 1787, il accepta de défendre, en Angleterre, les juges de la Cour des plaids communs du district de Québec, qui avaient fait l’objet d’une enquête menée par le juge en chef William Smith* à la suite des accusations portées contre eux par Monk.

En 1790, Grant fut consulté par le premier ministre William Pitt sur les réformes à apporter au gouvernement de la province de Québec, et il devint un protégé du célèbre homme politique. En juin de la même année, il fut élu député de la circonscription de Shaftesbury à la chambre des Communes. L’année suivante, il participa très activement à la discussion au sujet de l’Acte constitutionnel. Appelé à exercer la fonction de juge des grandes sessions de Carmarthen en 1793, il dut démissionner de son poste de député. En février 1794, il fut élu député de Windsor et, la même année, il fut nommé solliciteur général de la reine.

De juin 1796 à septembre 1812, Grant représenta la circonscription de Banffshire en Écosse. Deux ans après le début de ce mandat, il accepta le poste de juge en chef du district de Chester. Le 18 juillet 1799, il fut nommé solliciteur général dans le gouvernement de Pitt et conserva ce poste jusqu’à la démission de ce dernier, en février 1801. Il avait été fait chevalier en 1799.

Le 21 mai 1801, sir William Grant devint membre du Conseil privé. Six jours plus tard, il fut nommé au poste très important de maître des rôles. Il occupa cette fonction jusqu’à sa retraite, le 23 décembre 1817. Il avait été élu par les étudiants comme leur représentant au conseil d’administration du King’s College, à Aberdeen, en 1809. Grant mourut le 23 mai 1832 à Dawlish. Ses jugements eurent une très grande influence dans l’évolution de la doctrine de l’equity, dans le droit anglais. Sir Samuel Romilly, juriste renommé, fit l’éloge « de ses éminentes qualités de juge, de sa patience, de son impartialité, de sa courtoisie à l’égard des membres du barreau, de sa diligence et de la façon magistrale avec laquelle ses jugements étaient rendus ».

Jacques L’heureux

APC, MG 11, [CO 42] Q, 12:173 ; 13:160, 180 ; 14:264 ; 19 : 266 ; RG 4, B8, 28 : 56.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921).— Québec, Conseil législatif, Ordonnances, 1777, chap. 1, 2, 5.— La Gazette de Québec, 29 oct. 1778.— F.-J. Audet et Fabre Surveyer, les Députés au premier Parl. du B.-C., 231.– DNB.— A. W. P. Buchanan, The bench and bar of Lower Canada down to 1850 (Montréal, 1925), 71, 73, 75. – John Campbell, The lives of the chief justices of England, from the Norman conquest till the death of Lord Tenterden (5 vol., Long Island, N.Y, 1894–1899), 4 : 460.— William Holdsworth, A history of English law, A. L. Goodhart et al., édit. (7e éd., 15 vol., Londres, 1956), 13 : 278, 501, 578, 656–662.— H. M. Neatby, The administration of justice under the Quebec Act (Londres et Minneapolis, Minn., [1937]), 31, 37–40, 259–260, 351 ; Quebec, 162–163.— W. R. Riddell, The bar and the courts of the province of Upper Canada or Ontario (Toronto, 1928), 27.— H. S. Smith, The parliaments of England from 1715 to 1847, F. W. S. Craig, édit. (2e éd., Chichester, Angl., 1973), 12, 91, 622–623.

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Jacques L’heureux, « GRANT, sir WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grant_william_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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